
La fabrique du personnage
Colloque international organisé à lUniversité Paris 7 Denis-Diderot
par le Centre de recherches C.LA.M
C.L.A.M-ECLAT (dir. Claude Murcia) et C.L.A.M-XVI-XVIII (dir. Françoise Lavocat)
18-20 Novembre 2004
APPEL A COMMUNICATION
Nous en a-t-on assez parlé, du « personnage » !
Alain Robbe-Grillet, Pour un nouveau roman, Minuit, 1963
Quarante ans après que la notion a été déclarée périmée, quel sens y-a-t-il à revenir sur le « personnage » ? Dans le champ des études littéraires et cinématographiques, le terme nest-il pas irrémédiablement compromis par sa proximité avec celui de « personne », source de confusions que les catégories d« actant » et d« acteur » sétaient précisément attachées à dissiper, dans le cadre dune analyse structurale du récit ? En mettant laccent sur la question de « la fabrique du personnage », le colloque se propose de déplacer langle de réflexion et de substituer à une interrogation de type ontologique -quest-ce quun personnage ?- un questionnement plus concret sur les formes dexistence des personnages de fiction, les modalités de leur constitution, la variété des manières par lesquelles est produit un « effet-personnage » (Vincent Jouve) et, singulièrement, le devenir de tel ou tel personnage à travers les différents arts qui ont pu sen emparer.
Deux axes de recherches seront donc privilégiés pour nos travaux. Le premier vise à explorer les conditions dexistence du personnage en fonction des normes en vigueur à une époque donnée et pour un genre précis ; le second envisage spécifiquement les modalités de la fabrique du personnage à travers une confrontation entre domaines artistiques hétérogènes.
I De quoi se fait le personnage fictionnel ? Pour une approche comparatiste de « la fabrique du personnage ».
On pourra étudier la construction des personnages dans un genre ou une uvre donnée, en privilégiant une approche théorique et en faisant la part des cas « problématiques », que signalent par exemple les réactions de rejet opposées en leur temps à certaines oeuvres, au motif quelles ne présentent pas de « véritables » personnages, ou du moins pas de personnages « convaincants ».
Quelques pistes pour engager la réflexion :
- Pourquoi identifie-t-on majoritairement la notion de « personnage » aux uvres dune période donnée (approximativement entre le dix-septième et le dix-neuvième siècles) ? On pourrait par exemple sinterroger sur le statut privilégié, chez des théoriciens de la fiction comme T. Pavel, dexemples comme celui dAnna Karénine, ou de Mr. Pickwick.
- Quel est par conséquent le statut de ce que lon appelle parfois par commodité des personae ? des proto-personnages ? On pourrait, par exemple, réenvisager le rôle de la nomination dans la « fabrique du personnage ». On sinterrogera sur les cas limites de dissolution, dinvisibilité, danonymat du personnage en essayant de ne pas restreindre la réflexion à lépoque contemporaine. Il pourra être intéressant à cet égard de comparer le statut du personnage (en particulier lorsque sa reconnaissance ne va pas de soi) à des périodes éloignées, ou dans des cultures différentes. Peut-on par exemple comprendre dans des termes communs la dissolution expérimentale du personnage au XVIIIe et au XXe siècles, comme y invitent parfois certains critiques ou historiens de la littérature qui établissent, pour sen tenir à un cas très connu, une généalogie menant de Jacques le Fataliste aux expérimentations formalistes entreprises par les romanciers de la seconde moitié du XXème siècle ?
- Peut-on parler de « personnage » en labsence de tout processus didentification mimétique (fût-il de rejet)? Comment sagencent, à lintérieur dun même univers de fiction, différents degrés de fictionnalité déterminant éventuellement des statuts distincts pour les personnages? Peut-on, par exemple, tenter de formaliser la différence entre un personnage allégorique et un personnage romanesque ou théâtral ?
II La collaboration des arts dans la fabrique du personnage
Il sagira détudier, dans une perspective diachronique large, la façon dont plusieurs arts, ou formes dexpression, inter-agissent dans lélaboration, laltération, voire la dissolution du personnage.
Quelques questions incitatives :
- Lune des caractéristiques dun « personnage réussi » ne consiste-t-elle pas dans la possibilité de lextraire de luvre où il est apparu, pour lexporter dans des uvres appartenant à une autre forme dexpression ? Ces transferts sont innombrables (Don Quichotte, Astrée et Céladon, Carmen, Emma Bovary). On ne se contentera évidemment pas de les rappeler, mais on sinterrogera sur ce qui rend possible ces transferts, sur leurs modalités, et surtout sur les effets induits par ces transferts sur le personnage lui-même. Corollairement, peut-on formaliser cette modalité très particulière de lintertextualité ?
- Quen est-il de linteraction privilégiée, à une époque donnée, de plusieurs arts ? Peut-on mettre en rapport la façon dont une forme dexpression émerge, ou se renouvelle, avec les emprunts quelle fait de personnages à une autre forme dexpression (on pense notamment au « trafic de personnages » qui sétablit au dix-septième siècle entre théâtre et peinture, roman et ballet, ou aux échanges entre théâtre et opéra au dix-neuvième, entre roman et cinéma à lépoque contemporaine) ? La présence dun personnage connu sous la guise dun art nouveau contribue-t-elle à légitimer celui-ci ? Ces élaborations secondes de personnages repris par un art à un autre on-t-elles déplacé les lignes de la conception reçue du personnage ?
Sans viser à la résolution définitive des questions soulevées ci-dessus (dont la liste est loin dêtre exhaustive), on souhaite que les communications présentées lors du colloque La fabrique du personnage donnent matière à des échanges sur les notions elles-mêmes, cest-à-dire sur ce qui est susceptible dêtre débattu en commun, plutôt quà des mises au point sur des cas monographiques. On privilégiera donc les propositions à orientation comparatiste et offrant des perspectives de problématisation au-delà dun corpus restreint, quil sagisse de confronter des arts différents, des périodes différentes, ou plusieurs uvres entre elles.
Organisation scientifique :
Claude Murcia (Claude.murcia@wanadoo.fr)
Françoise Lavocat (Francoise.lavocat@paris7.jussieu.fr)
Régis Salado (salado@club-internet.fr)
Renseignements
C.L.A.M Centre de Recherches Comparatistes sur les périodes anciennes et modernes
Tour 54, salle 208
Université Paris 7 Denis Diderot
2 Place Jussieu
75005 Paris
Les propositions doivent parvenir aux organisateurs avant le 1er Avril 2004.