
Sur le site de l'Académie Nobel:
Herta MüllerConférence Nobel
Le 7 décembre 2009
Chaque mot en sait long sur le cercle vicieux
"TUAS UN MOUCHOIR ? me demandait ma mère au portail tous les matins, avantque je ne parte dans la rue. Je n'en avais pas. Étant sans mouchoir, jeretournais en prendre un dans ma chambre. Je n'en avais jamais, cartous les jours, j'attendais cette question. Le mouchoir était la preuveque ma mère me protégeait le matin. Le reste de la journée, pour lesautres sujets, je me débrouillais seule. La question TU AS UNMOUCHOIR ? était un mot tendre détourné. Direct, il aurait été gênant,ça ne se faisait pas chez les paysans. L'amour était travesti enquestion. On ne pouvait l'exprimer que sèchement, d'un ton impérieux,comme les gestes du travail. C'était même la brusquerie de la voix quisoulignait la tendresse. Tous les matins, au portail, j'étais d'abordsans mouchoir, et j'attendais d'en avoir un pour m'en aller dans la rue; c'était comme si, grâce au mouchoir, ma mère avait été présente. […]"
(Le texte est disponible dans sa version originale allemande et dans plusieurs traductions).
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