Questions de société

"Main basse sur l'école publique": L'enseignement catholique recrute + Loi Carle (rentrée 2009)

Publié le par Bérenger Boulay

Suppressions de postes dans l'enseignement public, mais l'enseignement catholique recrute...

Ci-dessus: Courrier des Ressources Humaines de l'Enseignement Catholique de Paris, 23/09/09

http://sauvons-lecole.over-blog.com/article-36521455.html

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

 À lire: Main basse sur l'école publique, par Muriel FITOUSSI et Eddy KHALDI, Démopolis, 2008.

http://www.main-basse-sur-ecole-publique.com/

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Sur le site Bakchich.info:

Loi Carle : Nanterre paiera pour Neuilly

http://www.bakchich.info/Loi-Carle-Nanterre-paiera-pour,08768.html

 lundi 28 septembre par Muriel Fitoussi, Eddy Khaldi

Le projet de loi Carle sur le financement desécoles privées repasse aujourd'hui à l'Assemblée. Révolution etrégression en marche.

Après 9 mois de gestation dans les tuyaux de l'appareil législatif, le projet de loi Carle,qui avait été voté au Sénat le 10 décembre 2008, passera ce lundi 28septembre 2009, devant l'Assemblée Nationale, après moult reportsfleurant bon l'esquive sournoise du débat public.

Avec ce projet de loi, une nouvelle étape, cruciale, va peut-être être franchie, dans le détournement des principes qui fondent le service public laïque de l'enseignement, mené par le gouvernement. Derrière la loi Carle en effet, se cache l'introduction subreptice et inédite en France, d'un chèque éducation pour les écoles privées, sur un air néo-libéral impatient de faire rimer éducation et consommation.Une entorse dangereuse aux principes républicains, qui depuis JulesFerry, ont consacré le lien consubstantiel entre la Commune et sonEcole publique.

Un pactole de 400 millions d'euros

Rappelons d'abord que le projet de loi Carle,n'est que la resucée, en version « light », de l'article 89 de la loid'août 2004, relative aux « libertés et responsabilités locales »,article qui mobilisa tant d'élus locaux, et réactiva la guerre scolairejusqu'ici larvée. Cet article 89, obligeaitl'ensemble des municipalités, à financer, sans accord préalable, lascolarité des élèves fréquentant une école privée hors de leur communede résidence.

Ceci, sans que leurs parents n'aient à justifier leur « libre choix »particulariste Ce qui représente, pour la collectivité, un petitpactole d'au moins 400 millions d'euros par an. Le projet Carle, luifit suite, en vue d'éteindre les flammes contestatrices des élus detous bords, vent debout contre ce diktat dangereux pour l'équilibre desbudgets communaux, et générateurs d'injustice sociale.

Une loi que la Pologne l'Italie ou le Portugal pourraient nous envier

Agrémenté désormais, de timides précautions :Obligation de financement par la commune donc, pour des situationsparticulières, qui ne seraient justifiées qu'a posteriori par lesparents. Hors de celles-ci, les communes ont toujours la faculté definancer dans tous les autres cas. Cette disposition qui s'apparente auchèque éducation prôné par les ultra-libéraux, et introduit ici par lapetite porte des communes, n'en serait que définitivement entériné.Cette loi, en substituant au rapport institutionnel école-commune, nédes lois Ferry, une relation marchande usager-commune, sur fondlibéral, est un nouveau pas vers la privatisation de l'école laïque. Il constitue une menace prévisible pour l'existence des écoles des communes ruraleset une fuite discriminatoire des écoles publiques de la banlieue versles écoles confessionnelles du centre-ville. Nanterre paierait pourNeuilly… Une situation que pourraient par ailleurs,nous envier bien des pays bien moins laïques, à l'image de l'Italie, duPortugal ou de la Pologne, où légitimement, l'enseignement catholiquen'est pas financé et donc, représente moins de 4%. Tandis qu'en Franceil est surfinancé, et surreprésenté à 17% de la population scolaire…

Les défenseurs de la loi Carle, introduisent pour la première fois, une corrélation entre «  liberté de l'enseignement », et obligation d'un financement public et imposent aussi, pour la première fois dans une loi de l'éducation, le concept de « parité »de traitement public-privé. Manipulation éhontée, que nul n'oseraits'hasarder à établir ailleurs que dans l'enseignement. La « libertéd'aller et venir » est après tout, tout aussi fondamentale que laliberté de l'enseignement.

Pour autant, la puissance publique n'a d'obligation quepour les transports en commun et l'usager qui, par convenancepersonnelle et intérêt particulier, choisit le taxi, a la décencecitoyenne de ne pas revendiquer le financement public de sa course.

Public et privé sur un pied d'égalité

On n'imagine pas plus les mêmes communes, contraintes un jour de financer des soins couteux délivrés à leurs ouailles,dans des cliniques privées qui plus est hors de leur périmètre, audétriment de leur(s) hôpital(ux) public(s) de leur territoire. Al'instar des hôpitaux publics, les écoles publiques ont des obligationsafférentes à leur mission de service public : égalité de toutes et tousdevant l'accueil, continuité, gratuité et laïcité. Le financement desélèves du public hors commune, sous condition et accord a priori,résulte de l'obligation constitutionnelle d'organiser le service publiclaïque d'éducation en tout lieu, et non d'une quelconque « liberté d'enseignement ». Le privé, lui, revendique des subsides publics au nom de sa « parité » et récuse au nom de sa « liberté »les obligations correspondantes. « Liberté » et « parité » del'enseignement ne sont ici que des concepts politiques, quiparticipent, de fait, au démantèlement du service public qui seul ensupporte toutes les contraintes. Notre Constitution ne reconnaît quel'égalité entre citoyens, et non une quelconque parité entre groupes,confessionnels ou non.

Il est proprement abusif, de mettre sur le même plan écoles publiques et privées. Cesdernières, sur le support de l'éducation, s'inscrivent dans deslogiques commerciales, avec, pour la plupart, des finalités prosélytes.Autant de caractéristiques pour le moins antinomiques avec une missiond'intérêt général ; un travestissement délibéré de la réalité.

Le communautarisme consacré

Le concept de « parité » entre enseignement public ou privé,non content d'être contraire à la Constitution, n'a en définitive,aucun fondement juridique. Il instaure, qui plus est, un dualismescolaire ruineux. Et le sera d'autant plus que d'autres groupes,confessionnels, linguistiques ou autres, revendiqueront les mêmesprivilèges. Il est d'ores et déjà manifeste, comme on le voit dans le débat actuel sur la couverture santé menée par Barack Obama, que la concurrence public-privé engendre des surcoûts.Les dépenses de santé représentent aux Etats-Unis 16% du PIB, alorsqu'au moins 20% de la population n'ont aucune protection sociale,contrairement à la France où la couverture santé pour tous les citoyensne représente que 11% du PIB…

Jusqu'à ce jour, le dispositif législatif instituait un rapport institutionnel fort entre l'École et la Commune. LaLoi Carle fait primer les choix communautaristes et particularistes surl'intérêt général en encourageant par ce régime de faveur lascolarisation dans des écoles privées. La ghettoïsation sociale vas'aggraver. Et les communes rurales seront, elles aussi,pénalisées avec un risque inquiétant pour l'avenir, d'exode scolaire.Des classes et écoles publiques entières disparaîtront…Ce faisant, laloi Carle sacrifie sur cet autel si éloigné des valeurs républicaines,la justice sociale, la laïcité et le vivre ensemble de jeunes citoyensen devenir.

Muriel FITOUSSI et Eddy KHALDI, sont les auteurs du livre  Main basse sur l'école publique (Demopolis, 2008)

A lire ou relire sur Bakchich.info

A l'école de l'excellence « ZEP », « RASED », « RAR », « sites d'excellence », le ministère del'Education nationale n'est jamais en manque d'inventivité pourhabiller en mots la débâcle sco

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Financementdes écoles privées : la proposition de loi Carle se veut un compromis -Louise Fessard, Médiapart, 28 septembre 2009

L'Assemblée nationale a entériné définitivement lundi 28 septembre la proposition de loi sur le « forfait communal »du sénateur UMP de Haute-Savoie, Jean-Claude Carle, déjà adoptée enpremière lecture au Sénat en décembre 2008. Le texte entend mettre finà plusieurs mois de « guerre scolaire » opposant écoles privéset maires sur la question des enfants scolarisés dans une école privéehors de leur lieu de résidence. L'enjeu est important : selon laFnogec, qui regroupe les organismes gestionnaires d'établissementcatholique, dans le premier degré, entre 40 à 50% des élèves du privéfréquentent une école implantée dans une autre commune que la leur.

Hors de question pour certaines municipalités, de payer, commel'exige l'article 89 de la loi du 13 août 2004 sur la décentralisation,plus connu sous le nom d'amendement Charasse, la facture pour cesenfants, alors que l'école publique communale avait la place de lesaccueillir. Du coup, malgré deux décrets d'application, la loi de 2004,« inapplicable » de l'aveu même de Jean-Claude Carle, est restée lettre morte.

Ce qui n'a pas empêché certaines écoles catholiques d'attaquer desmaires devant les tribunaux administratifs pour refus de paiement.Quatre contentieux sont actuellement en cours, selon la Fnogec. « Il fallait sortir de cette insécurité juridique qui existe depuis la loi Debré de 1959 », dit Jean-Claude Carle. « Cen'est pas une prime à l'exode du public vers le privé mais un texte quirespecte la liberté constitutionnelle du libre choix tout en limitant àdes cas précis le financement de l'école privée. » Les communesn'auront désormais à contribuer financièrement que dans quatre cas :lorsque leurs écoles n'ont pas la capacité d'accueillir l'enfant ;lorsque celles-ci ne disposent pas de cantine ou de garderie, estiméesnécessaires par rapport aux obligations professionnelles des parents ;lorsqu'un frère ou une soeur est déjà scolarisé dans la même commune,ou, enfin, pour des raisons médicales.

Ces critères sont les mêmes que ceux qui permettent à un maired'accorder ou de s'opposer à l'inscription d'un enfant dansl'enseignement public en dehors du lieu de résidence, au détail prèsque, pour l'école publique, un accord préalable est nécessaire entreles deux communes, tandis que le maire sera ici mis devant le faitaccompli.

« Une brèche vers le chèque éducation »

Des critères trop imprécis pour certains députés, qui, à droitecomme à gauche, redoutent un exode scolaire dans les petites communesrurales. « La moindre des choses était que le maire puisse donner son avis », a regretté lundi devant l'Assemblée nationale, le député UMP des Yvelynes, Pierre Cardo. Il souligne qu'« àpartir du moment où l'aîné d'une fratrie sera scolarisé dans un collègeou un lycée d'une ville voisine, cela autorisera à scolariser lesfrères et soeurs dans le privé de la même ville ». Du côté socialiste, la députée de Haute-Garonne, Martine Martinel, estime qu'« on va voir s'aggraver une hémorragie scolaire déjà déclenchée par l'assouplissement de la carte scolaire ».

Eddy Khaldi, coauteur du livre Main basse sur l'école publique et d'une tribune sur le sujet, va plus loin et parle de l'ouverture d'« une brèche vers le financement individualisé ». « Onindividualise le rapport à l'école, explique cet enseignant. Nous nesommes plus dans un contrat de financement entre la commune et l'écolemais entre l'élève et l'école qui nous rapproche du chèque-éducation –un système qui permet aux parents de financer directement l'école deleur choix, NDLR – que souhaitaient les libéraux. »

Lasse des contentieux, l'association des maires ruraux de France se réjouit toutefois d'un texte qui met fin à un « brouillard juridique ». « Çava pacifier les relations entre enseignement catholique et élus, mêmes'il ne réglera pas les litiges actuellement devant le juge puisqu'iln'est pas rétroactif, note son directeur, Eric Schietse. Les communesqui feront l'effort d'assurer une capacité d'accueil suffisante, des'équiper d'une cantine et d'une périscolaire savent qu'elles n'aurontpas à payer de forfait communal en dehors des cas dérogatoires listéspar la loi. »

A la Fnogec, Jean-Marie Lelièvre, secrétaire général, se dit « satisfait » mais « paspleinement car la proposition de loi est en recul par rapport à la loiDebré et nous allons perdre de 30 à 40% des financements auxquels nouspouvions prétendre ».

Litige sur le coût d'un élève

Nul ne connaît le coût de ce texte pour les communes. Comme c'estdéjà le cas pour les écoles privées implantées sur leur sol, ellesdevront attribuer aux écoles privés extérieures un forfait par enfantéquivalant au coût de fonctionnement d'un élève du public. C'est là quele bât blesse car communes et enseignement catholique n'ont pas la mêmeinterprétation du terme « dépenses de fonctionnement ». 21 contentieux opposent actuellement les organismes de gestion des établissements catholiques (OGEC) aux communes.

A Lille par exemple, la ville verse 494,50 euros par élève, lemontant que coûte, selon elle, un élève dans une école publique.L'enseignement catholique a réclamé le doubledevant le tribunal administratif, estimant qu'un élève coûte au minimum800 euros. Sur les neuf années du litige (1997 à 2006), l'enjeu s'élèveà 12 millions d'euros. Toujours dans le Nord-Pas-de-Calais, une communede 5.400 habitants, Ferrière-la-Grande, pourrait se voir condamnée à payer près de 250.000 euros d'indemnités à l'école privée Notre-Dame. « Quandune commune vous calcule 260 euros de forfait par enfant alors quel'expert nommé l'estime à 960 euros, ce n'est même plus une mauvaiseinterprétation de la part des maires, c'est de la mauvaise foi ! », s'exclame Jean-Marie Lelièvre. Un débat que la proposition de loi Carle ne clarifie pas.

-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Loi Carle : la prime à l'exode scolaire

par Caroline Fourest, Le Monde 25.09.09

http://www.lemonde.fr/opinions/article/2009/09/25/loi-carle-la-prime-a-l-exode-scolaire-par-caroline-fourest_1245155_3232.html

Résisterà la communautarisation suppose de résister à l'exode scolaire quisaigne l'école publique au profit d'écoles privées confessionnelles.L'Assemblée nationale s'apprête à faire tout le contraire. Lundi 28septembre, en toute discrétion, elle s'apprête à voter la loi Carle...qui force les collectivités locales à devenir les principaux mécènes decette hémorragie.

Sousprétexte de clarifier un flou juridique, cette loi oblige les mairies àfinancer les écoles privées d'autres communes si leurs résidents ontchoisi d'y scolariser leurs enfants. Quatre critères sont prévus pourrendre cette dépense obligatoire : si des parents parviennent à montrerque "la capacité d'accueil" de leur commune de résidence est insuffisante, en cas "d'obligation professionnelle", pour "des raisons médicales",ou si un frère ou une soeur est déjà scolarisé dans cette autrecommune. Autant dire que les écoles privées ne devraient avoir aucunmal à faire passer les mairies environnantes à la caisse. D'autant quecontrairement à une scolarisation dans le public, le maire n'est pasautorisé à mettre son droit de veto, au nom de la sacro-sainte "libertéd'enseignement".
Certaines écoles de l'Opus Dei sontdéjà sous contrat. Si l'oeuvre de Dieu se met à ouvrir des écolesélémentaires, les fidèles utiliseront la loi Carle pour obliger lescollectivités locales à financer l'envoi de leurs enfants dans cesécoles élémentaires-là. Ne parlons pas des loubavitch, dont certainescrèches sont déjà financées par la Mairie de Paris... Parce qu'il manque des places dans les crèches publiques.
Eddy Khaldi, coauteur d'un livre édifiant intitulé Main basse sur l'école publique (Démopolis), dénonce une forme de "chèque éducation", propre à faire primer les "choix particularistes sur l'intérêt général", comme aux Etats-Unis.

L'exodedu public vers le privé était jusqu'ici contenu par la sectorisation etla carte scolaire. Depuis son assouplissement, toutes les vannes sontouvertes. Pierre Cardo, député UMP et ancien maire de banlieue, n'a pascaché son inquiétude lors de la discussion générale sur la loi Carle : "J'aipassé vingt-six ans à lutter contre l'évasion scolaire. Dans macirconscription, les deux collèges dont la capacité d'accueil est de 1000 élèves n'en reçoivent plus que 400." Les raisons de l'hémorragie sont connues. L'école publique se démocratise mais ne peut sélectionner.

Sil'Etat n'augmente pas son taux d'encadrement, l'indiscipline explose.Au premier fait divers, tous les parents cherchent à fuir vers l'écoleprivée la plus proche, plus sélective. Et les élèves en difficulté seretrouvent sur le carreau, coincés entre eux, dans des lycéesdésertés... Effet de ghettoïsation et crise du "vivre-ensemble"garantis.
L'exodepourrait être contenu. L'école privée serait moins attractive si sestarifs étaient plus élevés. Autrement dit si l'Etat et les régions nelui permettaient pas de pratiquer des tarifs alléchants en lafinançant. Depuis la loi Debré, la République joue contre son camp. Laloi Carle va plus loin. Elle essaie de nous faire croire que financer "à parité"la scolarisation dans le public ou le privé est un devoir, alors quecette parité n'a aucun fondement juridique. Et pourtant, la remettre encause serait un crime contre la "liberté scolaire" ! A bien y réfléchir, cela c'est unpeu invoquer la "liberté de circuler" pour obliger l'Etat à rembourserles notes de taxi de ceux qui n'aiment pas le bus...
Noussommes en période de pollution : l'Etat a intérêt à encourager sescitoyens à prendre les transports en commun. Mais comment lesentretenir s'il devait rembourser une partie des courses en taxi deceux qui trouvent les bus trop chargés ou dégradés ?
Laloi Carle s'inscrit dans un mouvement de fond, qui n'en finit plus detransférer les missions du public vers le privé. Sauf que nous neparlons plus seulement de La Poste ou de l'hôpital, mais de lacitoyenneté.

Caroline Fourest