
La Transgression dans le roman français
de l'extrême contemporain
APPEL A CONTRIBUTION DATE LIMITE D'ENVOI DE PROPOSITION : 1er mai 2008
Nous envisageons de publier un ouvrage collectif sur la transgression dans le roman français de l'extrême contemporain.
Des auteurs tels que Houellebecq et Beigbeder s'accordent sur le fait que de nos jours on est confronté à une diffusion entropique de l'énergie déviante, à une banalisation de la transgression. Dans Interventions, Houellebecq affirme que l'art de la transgression sert avant tout à mettre en question cette banalisation tout en reconnaissant son efficacité :
Puis j'ai vu une vidéo de Jacques Lizène. La misère sexuelle le hante. Son sexe dépassait d'un trou ménagé dans une plaque de contreplaqué ; il était enserré dans un noeud coulant par une ficelle servant à l'actionner. Il l'agitait longuement, par secousses, comme une marionnette molle. J'étais très mal à l'aise. Cette ambiance de décomposition, de foirage triste qui accompagne l'art contemporain finit par vous prendre à la gorge ; on peut regretter Joseph Beuys, et ses propositions empreintes de générosité. Il n'empêche que le témoignage porté sur l'époque est d'une précision éprouvante. Toute la soirée j'y ai pensé, sans pouvoir échapper à ce constat : l'art contemporain me déprime ; mais je me rends compte qu'il représente, et de loin, le meilleur commentaire récent sur l'état des choses. J'ai rêvé de sacs poubelle débordant de filtres à café, d'épluchures, de viandes en sauce. J'ai pensé à l'art comme épluchage, aux bouts de chair qui restent collés aux épluchures.
Octave, le protagoniste de 99 francs de Beigbeder écrit le mot « Pigs » sur les murs du bureau de son meilleur client. Il espère être viré. Ses supérieurs décident cependant de le promouvoir : il est nommé directeur de création. Et Oscar Dufresne de L'Égoïste romantique du même auteur se demande également sans cesse comment provoquer de nos jours un retentissement dans le public :
Dîner à Londres avec Fred et Farid, les meilleurs créatifs publicitaires du monde [...]. Nous parlons du scandale comme média : comment s'en servir comme d'une arme, le cibler, l'organiser ? Ils ont dépecé Robbie Williams dans un clip. Je me suis mis à poil à la télé. Que faudrait-il faire la prochaine fois ? Entarter Elisabeth II ? Le groupe Prodigy nous fournit un début de réponse : il suffit de faire l'éloge de Rohypnol. Leur dernier single, Baby's got a temper, vient d'être censuré par la BBC. Encore plus fort qu'Eminem ! Mais notre maître à tous reste Salman Rushdie : choisir les mollahs en guise de PR (Public relations), il fallait du cran.
Comment choquer un public que plus rien ne scandalise ? C'est une des questions que nous cherchons à résoudre. Le recueil portera sur des textes contemporains marqués par une ambition transgressive. La fiction transgressive est traditionnellement une forme de littérature qui renverse, contredit, abolit ou présente, de quelque manière que ce soit, une alternative pour des codes culturels communément acceptés, des normes et des valeurs qu'elles soient linguistiques, littéraires ou artistiques, morales, sociales ou politiques. La fiction transgressive bafoue les tabous et c'est pourquoi les écrivains de ce genre de littérature suscitent souvent des réactions de refus. C'est essentiellement une fiction qui recherche et produit l'effet et le sensationnel. Virginie Despentes et Michel Houellebecq, pour ne citer que ces deux auteurs, ont effectivement été attaqués pour la violence intolérable de leurs romans, la passivité de leurs personnages, leur nihilisme, leur sexualité pornographique, leur dépravation générale et leur manque d'esthétique morale. La question de la « scandalisation » ou de la « non scandalisation » marque dès l'abord la réception de maint roman contemporain. On peut songer à Annie Ernaux avec L'Événement, ou bien à Catherine Millet et sa vie sexuelle ou bien à Irène Nemirovsky lorsqu'elle présente les Juifs d'un point de vue antisémite selon la critique ou encore à Lydie Salvaire avec Les Belles âmes, à La Reprise ou Le Roman sentimental d'Alain Robbe-Grillet, Rose bonbon de Nicolas Jones-Gorlin et L'Inceste de Christine Angot. En effet, pas mal d'auteurs contemporains font du roman un art de la mise en question. Houellebecq, Beigbeder, Millet, parmi d'autres, écrivent des récits brutaux et choisissent les sujets les plus abjects et les plus triviaux, les descriptions les plus repoussantes et les plus lascives. Ce ne sont pas des auteurs qui « pensent comme il faut ». La bienséance leur est égale. Ils s'intéressent à tout ce qui est susceptible de faire sensation : l'extrémisme musulman, la prostitution, la pornographie, toutes sortes de perversions sexuelles et ainsi de suite. Se pose donc actuellement la question de portée scandaleuse réelle de textes contemporains qui semblent se vouloir ouvertement choquants.
Dans vos contributions, vous pouvez vous concentrer entre autres sur les aspects suivants :
· Aliénation, désaffection et transgression : une des caractéristiques fondamentales de cette littérature transgressive contemporaine semble être le lien qu'établissent les auteurs entre l'aliénation, la désaffection et la violence.
· Perversion sexuelle : cette combinaison d'aliénation, d'agressivité et d'abjection apparaît aussi très bien dans la façon dont violence et sexualité sont liées et dans le goût que manifestent les auteurs pour toutes sortes de perversions sexuelles.
· Une virulente critique sociale : les auteurs expriment une défiance grandissante à l'égard de la société capitaliste moderne qui menace d'étouffer la vie du Moi. Le romancier admettant comme des faits absolus et irrémédiables la discontinuité des consciences, la désagrégation des valeurs morales et sociales exprimera avant tout un isolement qui engendre divers modes d'être : le désarroi, le nouveau mal du siècle et le refus.
· Nihilisme et anti-utopie : les écrivains contemporains de fiction transgressive conservent une invincible défiance à l'égard des idéalistes de tout horizon et semblent par conséquent pessimistes et peut-être même irresponsables. À l'origine de leur démarche, il semble y avoir un désir : celui d'arracher le genre romanesque à l'idéalisme.
· La transgression des conventions littéraires : la littérature même se trouve mise en question. Cette fameuse littérature éternellement au-dessus de tout tient-elle encore à l'écart de ce nihilisme ambiant comme une soupape de sécurité ? Cette désacralisation de l'art devient apparente dans la façon dont les écrivains empruntent à la culture populaire, aux genres de la paralittérature et dans le style : minimalisme, les auteurs rompent avec le mythe du ‘beau style'.
Nous vous invitons à nous faire part de vos propositions d'article avant le 1er mai 2008.
Veuillez accompagner vos propositions titrées d'un court résumé du sujet (300 mots), de vos coordonnées (nom, établissement, adresse mail) et d'une courte bibliographie.
Les propositions seront étudiées par un comité scientifique dont les membres sont rattachés au département de français de l'Université d'Amsterdam, et les décisions seront communiquées avant la fin du mois de mai 2008.
Les articles d'une longueur de 4000 mots (20.000 à 25.000 signes espaces et notes compris) devront être remis avant le 1er septembre 2008.
Les propositions d'article sont à envoyer par mail avant le 1er mai 2008 aux deux adresses suivantes simultanément :
Sabine van Wesemael, S.M.E.vanWesemael@uva.nl et à Murielle Lucie Clément, m.l.clement1@mac.com