Actualité
Appels à contributions
Christine de Suède en ses réseaux. Figures et modalités d'action politique au XVIIe siècle (Rome – Institut Français Centre Saint Louis)

Christine de Suède en ses réseaux. Figures et modalités d'action politique au XVIIe siècle (Rome – Institut Français Centre Saint Louis)

Publié le par Mihai Duma (Source : Marion Lemaignan)

Christine de Suède en ses réseaux

Figures et modalités d’action politique au XVIIe siècle 

Rome – Institut Français Centre Saint Louis 

6 et 7 novembre 2026

 


Organisation : Marion Lemaignan (Chercheuse indépendante - Académie de Lyon)

Renaud Escande (Pieux Établissements de la France à Rome)

Avec l’année 2026 s’ouvre le quadricentenaire de la naissance de Christine de Suède. À  cette occasion, l’association Roma Barocca in musica organise un grand concert de l’Escadron Volant de la Reine qui, avec l’aide du musicologue Luca della Libera, a mis au jour et reconstitué la musique des funérailles de Christine de Suède. Ce concert sera donné à la Chiesa Nuova où se déroulèrent en avril 1689 les cérémonies funéraires.  Adossé à cet événement musical, cet anniversaire est l’occasion de poursuivre le renouvellement de l’historiographie autour de Christine de Suède lors d’un colloque international visant à penser la façon dont, au sein de réseaux multiples et diversifiés, la reine a pu être l’actrice et/ou l’objet d’actions politiques structurant la scène européenne du XVIIe siècle.

 Les funérailles de Christine de Suède sont en effet non seulement porteuses d’une vocation religieuse, mais s’inscrivent également dans de multiples enjeux de représentation politique, culturelle et diplomatique témoignant de l’insertion de la reine dans de nombreux réseaux certes romains, mais également internationaux. Il s’agira donc durant ce colloque d’explorer les liens de Christine de Suède avec ses réseaux en croisant histoire politique du XVIIe siècle, histoire des sociabilités intellectuelles, politiques, artistiques, et histoire sociale des circulations culturelles et diplomatiques. Davantage que l’étude des liens de Christine de Suède avec l’une ou l’autre grande figure de son siècle, il s’agira de penser les intrications des différents réseaux, les modalités d’action politique qu’ils permettent et l’impact de ces interactions sur la scène politique internationale. 


Si l’inscription de Christine de Suède dans les circulations intellectuelles, culturelles et scientifiques de son temps a déjà été explorée, ce colloque se veut l’occasion de diversifier les sujets d’étude, d’approfondir l’analyse des usages politiques de ces réseaux et de leurs interconnections à l’échelle européenne. Des travaux fondateurs se sont déjà attachés à examiner l’inscription de Christine de Suède dans les réseaux intellectuels de l’Europe du XVIIe siècle (Åkerman, 1991 ; Castagnet-Lars, Foucault, 2017 ; Cavaillé, 2021) et leur influence sur la trajectoire de la reine. De même, le rôle de son patronage sur la scène culturelle romaine a donné lieu à plusieurs études, qu’elles concernent ses académies (Poli, 2005 ; Donato, 2009 ; Gallo, 2017) ou son insertion dans les réseaux de mécénat romain – en particulier auprès des musiciens (De Lucca, 2011, 2012 ; Morucci, 2020). Cette rencontre vise toutefois à élargir ces enquêtes à plusieurs points de vue.

D’une part, d’autres réseaux – qui ont parfois joué un rôle déterminant dans la trajectoire de la reine – ont largement été délaissés et mériteraient d’être plus amplement étudiés et mis en relation. Nous souhaiterions ainsi explorer la façon dont les réseaux diplomatiques – qui ont fait l’objet d’enquêtes qui demeurent encore à ce jour relativement isolées (Lemaignan, 2012, 2025 ; Peter, 2017 ; Fogelberg Rota, 2022) – informent puissamment son action publique depuis son règne suédois jusqu’à ses derniers instants à Rome . Les sources étant particulièrement diversifiées (avvisi, avisos et nouvelles à la main, correspondance diplomatique, réseaux d’informateurs, etc.) on pourra alors se questionner sur la façon dont Christine de Suède mobilise ces réseaux, mais également sur la façon dont ceux-ci utilisent le nom, la figure, ou leurs liens supposés à des fins diplomatiques. 

 À l’exception des travaux sur l’Escadron Volant (Rodén, 2000), les réseaux ecclésiastiques quant à eux n’ont à ce jour bénéficié que d’un traitement très marginal. On pourra ainsi penser aux liens que la reine entretient avec les Jésuites depuis Stockholm jusqu’à sa vie romaine et – davantage que leur incidence sur ses choix philosophiques – questionner par exemple la façon dont ils structurent son insertion dans la vie romaine et européenne ; ou encore aux relations qu’elle noue avec les réseaux ecclésiastiques romains et les avantages politiques qu’elle tente d’en tirer – auprès du pape en particulier. Enfin, on pourrait également s’intéresser à la mise en réseau des écrits – manuscrits ou imprimés – autour de la figure de la reine : la façon dont ils circulent, sont traduits, s’influencent réciproquement jusqu’à dessiner une forme d’Europe de l’écrit autour de la figure de Christine de Suède. Ces pistes ne se voulant nullement exhaustives, toute proposition explorant d’autres formes de mise en réseaux sera tout à fait bienvenue.

Ce colloque vise donc à explorer d’autres réseaux de circulation et d’action politique de la reine, mais nous souhaiterions également nous intéresser aux intersections et aux porosités entre les différentes sociabilités et entre les différentes périodes de la vie de la reine. En effet, si ses liens avec la République des lettres, ses académies ou ses activités de mécénat font désormais l’objet d’une grande variété d’études, il demeure parfois dans ces approches une forme de cloisonnement géographique (entre Stockholm et Rome par exemple), chronologique (entre son règne suédois et la période romaine) et disciplinaire. On pourra donc s’interroger sur les continuités, les contacts, les intrications qui caractérisent les groupes et les activités – entre les réseaux diplomatiques et musicaux, ecclésiastiques et scientifiques par exemple – et la portée politique de ces échanges. La polarisation entre Stockholm et Rome tend en outre parfois à marginaliser certaines modalités d’action qui gagneraient sans doute à être reconsidérées dans une perspective plus globale ; on pourrait par exemple – et sans exclusive – penser à ses combats contre l’Empire Ottoman : comment mobilise t-elle ses réseaux pour tenter de fédérer les acteurs politiques européens ? Avec quelles conséquences ? À l’inverse, lors de sa tentative d’accession au trône de Pologne et, par-delà la question du genre (Gregorowicz, 2023), comment analyser ses stratégies diplomatiques et l’effacement apparent de tout réseau? Quels usages fait-elle de ses nombreux liens au sein de différentes sphères d’influence ? 

 Enfin, davantage qu’au processus d’(auto)construction du personnage qui a pu faire l’objet de recherches ces dernières années (Lemaignan, 2012, 2025 ; Fix et François-Denève, 2022 ; De Caprio et Ponzi, 2025), il s’agira ici de privilégier l’étude des usages de cette figure et de ses circulations, au sein et au service de formes de collectifs qu’il nous faudra caractériser. Dans quelle mesure est-elle elle-même utilisée à des fins qui la dépassent ? Quels sont les impacts sur la scène politique européenne par-delà la seule trajectoire de Christine de Suède ? Nous souhaiterions penser ces modalités d’action à l’échelle de l’histoire politique de l’Europe. On cherchera ainsi à s’intéresser à la façon dont Christine de Suède a pu construire et investir ses réseaux afin de bâtir une action publique et politique plus efficiente ; à la manière dont elle s’appuie sur ceux-ci pour développer son pouvoir d’agir en tant que jeune reine qui doit affirmer son autorité puis pour négocier de nouveaux usages du pouvoir en tant qu’ex-souveraine démise de sa couronne. On pourra également s’interroger sur les éventuelles instrumentalisations de cette figure (littéraires, satiriques, iconographiques, etc), pour mettre en lumière la façon dont elle a pu devenir la « tête de pont » d’actions politiques à différentes échelles. Il s’agira alors de se demander à quelles fins Christine de Suède construit et mobilise des réseaux d’ordres multiples, comment elle les articule, mais aussi dans quelle mesure elle-même a pu en devenir un instrument politique sur la scène internationale. 

Il s’agira finalement de dresser, par la mobilisation d’un panel de sources le plus large possible (correspondances, sources diplomatiques, iconographiques et artistiques, épîtres dédicatoires,...), un paysage de l’Europe de Christine de Suède, de l’action politique des réseaux qui la structurent et des usages que la reine a pu en faire ; de s’interroger sur la façon dont elle met en place des stratégies politiques via une multiplicité de réseaux poreux et interconnectés – ou de la façon dont sa figure est mobilisée, devient instrument politique au services d’actions publiques entraînant des mutations sur la scène politique européenne du XVIIe siècle. 

Modalités pratiques :

Ce colloque s’inscrivant dans une perspective internationale et interdisciplinaire, les propositions pourront relever d’une approche historique, musicologique, diplomatique, d’histoire de l’art, etc. Lors du colloque un service de traduction simultanée sera possible. Les propositions (environ 500 mots) accompagnées d’une courte bio-bibliographie seront rédigées en français, en anglais ou en italien et devront être envoyées avant le 30 mars 2026 aux adresses suivantes : marion.lemaignan@ac-lyon.fr et renaudesc@gmail.com. Les réponses seront adressées autour du 30 avril 2026.

Lieu : Institut Français-centre Saint Louis – Rome

Le transport, l’hébergement et les repas des intervenants sont pris en charge par l’organisateur.

Les actes seront publiés aux éditions du Centre Saint-Louis – Salvator.

Ce colloque sera également ouvert à des auditeurs non universitaires.

Bibliographie sélective

Åkerman, Susanna, Queen Christina of Sweden and Her Circle: The Transformation of a Seventeenth-Century Philosophical Libertine, Leide, Brill, 1991.

Boutier, Jean ; Marin, Brigitte ; Romano, Antonella, Naples, Rome, Florence : Une histoire comparée des milieux intellectuels italiens (XVII-XVIIIe siècles), Rome, Publications de l’École française de Rome, 2005. 

Castagnet-Lars, Véronique et Foucault, Didier, « La République des Lettres et Christine de Suède », Revue d'histoire nordique = Nordic historical review, 24, Toulouse, Presses Universitaires du midi, 2017, 284 p.

Cavaillé, Jean-Pierre, Christine philosophe, [en ligne], 2021, hal-03206015.

De Caprio Francesca & Ponzi Eva (dir.), Il potere e l'immagine: Cristina di Svezia fra rappresentazione e autorappresentazione, Viterbo, Sette Città, 2025.

De Lucca, Valeria, « Strategies of women patrons of music and theatre in Rome: Maria Mancini Colonna, Queen Christina of Sweden, and women of their circles », in Renaissance Studies, 25 (3), 2011, pp. 374-392.

De Lucca Valeria, « Opera e mecenatismo tra Roma e Venezia nella seconda metà del Seicento», In La musique à Rome au XVIIe siècle: études et perpectives de recherche, Rome, École Française de Rome, 2012, pp. 341-353. 

Donato, Maria Pia, « Idiomi di straniere a Roma : Cristina di Svezia-Minerva e la sua accademia », I linguaggi del potere nell’età barocca, II, Donne e sfera pubblica, Rome, Viella, 2009, pp. 229-256. 

Fix, Florence et François-Denève, Corinne (dir.), La Reine Christine et ses fictions, Dijon, Éditions Universitaires de Dijon, 2022.

Fogelberg Rota Stefano, « Cristina di Svezia eroina nella Historia di Galeazzo Gualdo Priorato del 1656 », in Quaderni Veneti. Studi e ricerche, Vol. 6, 2022, pp. 73-85.

Gallo, Valentina, « La Basilissa: Cristina di Svezia in Arcadia », in Beatrice ALFONZETTI (dir.), Settecento romano: reti del Classicismo arcadico, Rome, Viella, 2017, pp. 75‑95.

Giron-Panel, Caroline et Goulet, Anne-Madeleine (Dir.), La musique à Rome au XVIIe siècle : études et perspectives de recherche, Rome, École française de Rome, 2012 - 480 p.

Gregorowicz, Dorota, « The ‘Obstacle of Sex’. Christina of Sweden and Her Aspirations to the Polish–Lithuanian Throne », Gender & History, Vol.35 No.1 March 2023, pp. 68–84. 

Lemaignan, Marion, Christine de Suède, souveraine européenne, Paris, Perrin, 2025.

Lemaignan, Marion, Une souveraineté de papier au miroir de l’Europe. Publier Christine de Suède entre 1654 et 1689, Thèse de doctorat, Florence, Institut Universitaire Européen, 2012.

Morucci, Valerio, « L’orbita Musicale Di Cristina Di Svezia e La Circolazione Di Cantanti Nella Seconda Metà Del Seicento », in Recercare, vol. 32, no. 1/2, 2020, pp. 153–76. 

Peter, Cécile, « Quand le diplomate se fait médiateur des lettres : Pierre Chanut à la cour de Christine de Suède», Revue d'histoire nordique, 24(1), 19-34. 

Poli Diego (dir.), Cristina di Svezia e la cultura delle accademie, Rome, Il Calamo, 2005, 450p.

Queen Christina of Sweden, The European. Contributions to seminars 2014-2015, Stockholm, Foundation Queen Christina-the European Culture Initiative, 2017.

Signorotto, Gianvittorio, Visceglia Maria Antonietta, La corte di Roma tra cinque e seicento « Teatro » della politica europea, Rome, Bulzoni Editore, 1998.

Signorotto, Gianvittorio, Visceglia Maria Antonietta, Court and Politics in Papal Rome 1492-1700, Cambridge, Cambridge University Press, 2002.

Rodén, Marie-Louise, Church politics in seventeenth-century Rome : Cardinal Decio Azzolino, Queen Christina of Sweden, and the Squadrone Volante, Stockholm, Almqvist & Wiksell International, 2000.