Penser et agir par les mots. Discours des Anciens, pratiques des historiens. Égypte, Grèce, Mésopotamie, Rome (Paris)
Le colloque « Penser et agir par les mots : Discours des Anciens, pratiques des historiens » se veut l’occasion de réaffirmer le potentiel épistémologique des études de vocabulaire ancien à travers un moment de rencontre où les chercheurs – jeunes comme plus expérimentés – pourront échanger tant sur leurs analyses que sur leurs méthodes. L’enjeu est d’ouvrir une réflexion collective sur le vocabulaire comme lieu d’articulation entre discours et pratiques. En plaçant les mots au centre de l’enquête historique, nous souhaitons contribuer à une histoire qui assume pleinement que le réel dont elle traite est construit, négocié et interprété par le langage. Nous invitons donc tous les chercheurs spécialistes des populations de la Méditerranée ancienne – au-delà des seuls mondes grec et romain – à présenter leurs réflexions sur les vocabulaires propres à leurs aires d’expertises. Toujours en regard de l’historiographie, l’autre principal objectif de ce colloque est de placer l’accent sur les aspects les moins étudiés des vocabulaires anciens, d’abord en se détachant d’une perspective atomiste de l’analyse de vocabulaire mais également en évitant tout excès de focalisation sur le vocabulaire des institutions politiques ou les enjeux de traduction. La langue étant en effet un système, le rôle des mots dans l’activité quotidienne de ces populations ne peut se comprendre qu’à l’aune des liens qu’ils entretiennent les uns avec les autres. Aussi, au-delà même du sens des mots et de leur traduction, c’est leur utilisation dans des contextes pratiques qui retient notre attention. Les sources présentent en effet en de nombreuses occasions des discours construits sur les enjeux sémantiques induits par des variations de vocabulaire. Ainsi lorsqu’Hérodote narre un voyage de Solon chez le roi Crésus, il place dans la bouche du législateur un discours où les variations de vocabulaire sur le bonheur (ὄλβιος, εὐτυχία, εὐδαιμονίᾱ) lui permettent de développer un discours sur ce qu’il considère comme le véritable bonheur humain25.
Ces différents objectifs s’incarnent en trois axes dans lesquels peuvent s’inscrire les propositions de communication et de poster :
Axe – 1 Le vocabulaire en discours. À l’image de l’exemple d’Hérodote, relève de cet axe toute communication qui se propose d’étudier la mobilisation d’un vocabulaire précis dans le contexte d’un discours donné, quelles que soient sa nature et les sources mobilisées pour le transmettre. L’enjeu est ici d’appréhender l’idée de choix qui précède à toute utilisation d’un vocabulaire précis, jamais mobilisé innocemment : quels mots ou champs lexicaux encore non ou peu examinés peuvent être soumis à l’attention des historiens, et à quelles échelles d’analyse doivent-ils être étudiés (oeuvre, auteur, période de temps) ? Certains mots sont-ils plus particulièrement mobilisés par un auteur, et pourquoi ? On pourra également s’interroger, à l’inverse, sur l’absence du vocabulaire chez un auteur : pourquoi ne jamais mobiliser un mot pourtant connu et utilisé à son époque ? On s’intéressera également à la réception de ce vocabulaire : y a-t-il un public cible d’un champ lexical précis ? Ce public est-il réceptif à l’utilisation de ces mots ?
Axe 2 – Champ lexical et études des pratiques. S’inscrivent dans cet axe toutes les communications qui se proposent d’analyser les rapports entre un champ lexical et les représentations émiques attachées à telle ou telle pratique ancienne. Comment se structure le champ lexical concerné ? Quel lien entre cette structure et des catégories émiques de faire et de penser ? Se superpose une seconde interrogation : comment un même terme devient-il l’enjeu de luttes d’interprétation ? Quels acteurs s’en emparent, le transforment ou le détournent ? Il s’agit d’étudier les tensions sémantiques comme révélatrices d’enjeux et de débats.
Axe 3 – Le vocabulaire à travers le temps. Appartiennent à cet axe toutes les communications qui se concentrent sur la réception du vocabulaire antique et son influence sur les études des historiens. Comme montré récemment26, les réutilisations postérieures d’un mot antique influencent les perceptions et les analyses que les historiens peuvent faire d’un champ lexical précis : au-delà de la difficulté de confrontation entre émique et étique s’ajoutent ainsi les interférences lexicales de ces emplois plus tardifs. On s’interrogera donc sur les distorsions entre le vocabulaire antique et sa mobilisation dans des contextes plus contemporains, tout en interrogeant les opportunités qu’elles créent pour l’historien. Face à ces problématiques, l’historien doit repasser par une analyse directe des documents anciens : quelle méthode mettre en place ? On s’intéressera ici aux pratiques et aux méthodes développées par les historiens pour traiter un cas précis : à quelles difficultés fait-on face, quels moyens techniques peuvent être mis en œuvre ?
Ces axes n’épuisent évidemment pas toutes les possibilités d’analyses et à ce titre nous invitons les chercheurs dont les communications ne s’y inscrivent pas pleinement à nous soumettre leurs propositions. Par ailleurs nous acceptons également les propositions de posters émanant des plus jeunes chercheurs (masterants de deuxième année et doctorants de première année).
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Modalités de candidature : Les propositions de communication comme de poster (3500 signes maximum) sont à envoyer avant le 15 février à l’adresse suivante : vocabulairesanciens@gmail.com. Les communications pourront être présentées en anglais, allemand, français, italien.
L’événement aura lieu les 18-19 juin 2026. La restauration sera assurée, et les frais de déplacement et d’hébergement pourront être en partie financés par l’organisation.
Comité scientifique : Francesca Prescendi (EPHE), Antoine Jacquet (Collège de France), Louis Autin (Sorbonne-Université), Brigitte Lion (Panthéon-Sorbonne Université).
Comité d’organisation : Marie Turpin (Université Paris-Cité – AnHiMA), Gregory Spadacini (Panthéon-Sorbonne Université – AnHiMA), Adrien Coignoux (AnHiMA)