L'Austérité
10-11 Avril 2026 / Brown University, Providence Rhode Island
Cette année, Équinoxes convoque des communications autour d’œuvres littéraires, visuelles et théoriques qui abordent, rejettent, réorientent ou exagèrent les sens esthétiques, économiques et morales du mot “austérité”. Des contraintes de la métrique classique au minimalismes modernistes, passant par la rigueur du doute cartésien, l’économie de l'excès marque un des fantasmes durables de l’écriture et de la pensée. Pourtant, si l'austérité est comprise comme un déni de ressources, il faut se demander: dans un contexte philosophique et littéraire, quelles sont ces ressources et à qui sont-elles refusées ? Comment les mesures d'austérité reproduisent-elles ou encouragent-elles les excès-mêmes qu'elles rejettent ? Cette conférence part de l'hypothèse que l'austérité regarde malgré elle ses antonymes du coin de l’oeil; elle coexiste étrangement avec ce qu'elle nie: la décadence, le luxe, le gaspillage, la frivolité, la dégénérescence, la passion destructrice et la perversion.
En quoi le retrait des détails et des ornements demeure-t-il en proie à ses propres formes d’excès presque baroques ? Réciproquement, comment l'esthétique maximaliste du baroque procède-t-elle d'un certain manque eschatologique ? Nous invitons des propositions qui mettent en scène l'ironie ou la performativité de l'austérité; des lectures qui, dans l’esprit de Bataille, abordent les tendances hyperboliques de la retenue ou réinscrivent la démesure de la sévérité. L'austérité se laisse séduire malgré elle par l'extase de son propre excès. Nous pouvons percevoir ceci dans la négation du statut d’absolu moral à la frugalité ou à la tempérance chez Montaigne, Molière, Flaubert ou Balzac. De même, quand la retenue stylistique est menée à son paroxysme chez Robbe-Grillet, Duras et Beckett. Le roman du dix-neuvième siècle oppose souvent le confort matériel de la vie bourgeoise à ses déficiences spirituelles; les voluptés promises par les objets exotiques et l’imaginaire orientaliste ont pour revers des récits d’extraction et de pénurie coloniale. On peut également penser aux tendances austères de la critique littéraire du vingtième siècle, qui, voulant s’émanciper de l’historicisme et déclarant l’auteur mort, redécouvre dans l’ascétisme des scènes de lecture et du texte, un luxe supérieur.
En tant que colloque interdisciplinaire, Équinoxes invite des propositions de communication appartenant à des domaines d’études variés, qu’il s’agisse de la littérature, la philosophie, la psychanalyse, l’histoire, les lettres classiques, les media studies, les disability studies, l’histoire de l’art, les études religieuses, les études de genre, les queer studies ou les études (post et dé)coloniales. Nous invitons des contributions qui s'inscrivent dans le domaine des études françaises et francophones, ou qui les prennent comme point de départ afin d’aborder les problématiques de l’austérité dans le cadre non-restrictif des thème suivants:
- L'enluminure des manuscrits et les grotesqueries médiévales
- La crise environnementale
- Les toiles et les pages blanches
- La théologie négative
- Les comédies de moeurs
- Le théâtre classique et baroque
- L’exotisme, le voyage et l’empire
- La négativité queer et trans
- L’université moderne
- L’économie des figures de style
- Les notions de l’usure, de la propriété et du frivole dans la philosophie du langage
- Théorie critique, économie politique
- Pureté, piété et rigueur morale
- Le gothique et la monstruosité
- réalismes et matérialismes
Tout.e doctorant.e souhaitant participer à la conférence est invité.e à envoyer une proposition de communication de 250 mots maximum ainsi qu’une mini biographie, en pièce jointe à equinoxes-conference@brown.edu avant le 15 Janvier 2026.
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Austerity
April 10-11, 2026 / Brown University, Providence, Rhode Island
This year’s Equinoxes invites presentations on literary, visual, and theoretical works that engage in, refuse, reorient or exaggerate the aesthetic, economic and moral senses of the word “austerity.” From the strictures of classical metre and modernist minimalisms, to the rigor of Cartesian doubt, the stripping away of excess marks an enduring fantasy for writers and thinkers alike. Yet if austerity is understood as a denial of material resources, one has to ask: in a philosophical and literary context, what are these resources, and to whom are they denied? How do austerity measures reproduce or indulge the very excesses they eschew? This conference takes as its point of departure the hypothesis that austerity peeks begrudgingly at its antonyms from the corner of its eye; it exists in strange contiguity with what it shuns: decadence, luxury, waste, frivolity, degeneracy, destructive passion and perversion.
How does the restriction of detail and ornamentation in literary works give way to a Baroque-like excess? Reciprocally, how might the maximalist aesthetics of the Baroque proceed from a concern for eschatological barrenness? We are especially interested in papers that stage the irony or performativity of austerity; readings that, in a Bataillean spirit, address the hyperbolic tendencies in its self-restraint or reinscribe the lack of measure in its severity. For, austerity seems to betray itself, becoming enraptured by the ecstasy of its own excess. We encounter this excess sometimes through its negation, as in Montaigne, Molière, Flaubert or Balzac's warnings against elevating temperance or frugality to the height of moral absolutes; or, when stylistic restraint is led to its deconstructive paroxysms in Robbe-Grillet, Duras or Beckett. The nineteenth-century novel often balances the material luxury of bourgeois life against its spiritual dearth; the abundance of imported exotic commodities and orientalist imagery reserve as their flip-sides accounts of colonial scarcity and prosaic sobriety. One might also think of the austere tendencies of twentieth-century literary criticism, which, wanting to rid itself of historicism and declaring the death of the author, regains the ascetic scene of a reader alone with her text as the highest luxury.
As an interdisciplinary conference, Equinoxes encourages submission from a variety of fields and critical perspectives, including but not limited to literature, philosophy, psychoanalysis, history, classics, media studies, sensory studies, disability studies, art history, religious studies, women's gender, and sexuality studies, (post and de)colonial studies. We invite proposals that sit comfortably within the domain of French and Francophone studies, or that depart either from its center or from its margins to read for and against austerity in areas of study that comprise, but are not limited to:
- Manuscript illumination and medieval marginalia
- Resource scarcity and ecological disaster
- Blank pages and canvasses
- Negative theology
- Comedies of manners
- Renaissance and Baroque drama
- Travel, exoticism and empire
- Queer and trans negativity
- The modern university
- Rhetorical figures and their economies
- Notions of property, propriety and frivolity in the philosophy of language
- Critical theory and political economy
- Purity, piety, and moral rigor
- The Gothic/monstrosity
- Realism and materialism
Papers may be in French or English. Please send 250-word abstracts and a few lines of biography to equinoxes-conference@brown.edu by January 15, 2026.