Les traducteurs belges (et leurs archives) (Interfrancophonies, n°18, 2027)
La traduction est un produit local. Elle ne se réduit pas à un simple transfert linguistique : toujours située, elle porte l’empreinte de celui qui traduit — de sa formation, de son horizon linguistique, de son inscription nationale ou régionale. Dans cette perspective, le cas des traducteurs belges est particulièrement révélateur : leur position singulière, à la croisée des aires linguistiques romane et germanique, met en évidence la diversité interne de la francophonie et invite à interroger la traduction comme pratique localisée et différenciée. Comment, dès lors, cette position spécifique — à l’intersection des traditions française, néerlandaises, allemande et européenne — façonne-t-elle leurs gestes traductifs ?
Ce numéro d’Interfrancophonies se propose de creuser le phénomène de la traduction en Belgique, non seulement du point de vue plus général — en partie déjà étudié mais encore riche de pistes — de la circulation du texte, mais aussi à travers l’exploration des archives des traducteurs : brouillons, carnets, correspondances, paratextes et documents de travail qui permettent de reconstruire le processus traductif et de cerner, au plus près, les opérations intellectuelles, les choix linguistiques et les arbitrages culturels qui se déroulent dans l’atelier du traducteur. L’œuvre littéraire étant désormais envisagée comme un work in progress plutôt que comme un résultat achevé, la rencontre entre la génétique textuelle et la traduction – la première enquêtant sur la fabrique, la seconde étant elle-même fabrique (de langues, de pensée, de textes) – s’avère particulièrement prometteuse dans ce « balcon sur l’Europe » qu’est la Belgique.
Parmi les axes de recherches possibles :
- Approches comparatives : en quoi une traduction belge se distingue-t-elle d’une traduction produite en France ? Comment se manifestent ces différences, par exemple dans la traduction d’œuvres canoniques ? Quelles convergences ou divergences avec les traducteurs d’autres aires francophones ? Quels contacts entre les traducteurs du plat pays et leurs homologues francophones ? Y a-t-il des œuvres qui ont été traduites en Belgique avant de l’être en France, ou qui y ont connu une diffusion plus importante (par exemple à travers plusieurs retraductions) que dans d’autres espaces francophones ?
- Approches philologiques et perspectives ecdotiques : que révèlent les variantes, hésitations, pentimenti et strates manuscrites des traducteurs belges ? Quels horizons ecdotiques découlent de la prise en compte de ces documents ?
- Perspectives culturelles et linguistiques : comment les spécificités belges (plurilinguisme, contexte politique, rapport au français « central ») modèlent-elles la pratique traductive et auto-traductive ? Quel est le lien entre traduction et création dans une situation de contact des langues comme celle de la Belgique (songeons aux nombreux écrivains-traducteurs belges) ?
Nous encourageons des propositions qui articulent analyse textuelle et exploration archivistique, et qui ouvrent à une réflexion théorique sur la traduction comme pratique localisée.
Les contributions pourront s’inscrire dans différents axes :
- Études de cas (un traducteur, une œuvre, un corpus d’archives)
- Approches comparatistes (Belgique / France / autres aires de la francophonie)
- Réflexions méthodologiques (philologie, critique génétique, ecdotique)
- Analyses de la réception et des effets culturels
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Échéancier
30 avril 2026 : date limite pour l’envoi des propositions (titre et résumé de 300 mots, accompagnés d’une brève notice bio-bibliographique)
15 mai 2026 : notification d’acceptation des propositions
1er décembre 2026 : remise des articles complets
juillet 2027 : parution du numéro 18 d’Interfrancophonies
Les propositions et articles sont à envoyer à Fernando Funari : fernando.funari@unifi.it
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Bibliographie
Génétique de la traduction
A. Cordingley, P. Hersant, « Translation Archives : an Introduction », Meta, 66, 1, 2021, p. 9-27, en ligne.
F. Durand-Bogaert (dir.), Genesis, 38 « Traduire », 2014, en ligne.
A. Farge, Le Goût de l’archive, Paris, Seuil, 1989.
G. Henrot Sostero, Archéologie(s) de la traduction, Paris, Classiques Garnier, 2020.
P. Hersant (dir.), Palimpsestes, 34 « Dans l’archive des traducteurs », 2020, en ligne.
C. Montini, Traduire. Genèse du choix, Paris, Archives contemporaines, 2016.
G. Sofo, C. Montini, « Cibler la source : ce que la génétique des traductions fait aux textes », Continents manuscrits, 21, 2023, en ligne.
Les traducteurs belges et leurs archives
Béghin Laurent, Laurence Pieropan, Fernando Funari (2025). Dante en Belgique francophone, Pacini Editore, pp. 1-185., vol. LXXII-LXXIII (1-2)
De Bonis Benedetta (2023). « Vera/The Ends of Stories. Approche génétique de la traduction d’un roman sans fin », Continents manuscrits, vol. XXI.
Funari Fernando (2023). « Traductions de traductions : Dante entre France et Belgique », Interfrancophonies, no 14, pp.115-135, VERSION ONLINE
Funari Fernando (2024). « Nicolas Muller, passeur inattendu de Dante en Belgique. Étude et édition génétique du manuscrit AML 14673/9 (Par., XXXIII) », Interfrancophonies, vol. 15, pp. 1-34, VERSION ONLINE
Funari Fernando (2025). « Le traducteur comme auteur. Exploration des avant-textes traductifs de quelques passeurs belges de Dante, d’hier à Toussaint », Semicerchio. Rivista di Poesia comparata, vol. LXXII-LXXIII (1-2), pp. 44-51, VERSION ONLINE
Marinucci Giulia et Pieropan Laurence (à paraître). « Fattori della ricezione dantesca nel Belgio all'inizio del '900 e emergenza del traduttore Ernest de Laminne », in Marco De Cristofaro et Cecilia Schwartz, coll. « Passeurs & Passaggi », Pacini.
Pieropan Laurence (2013). « Pierre Poirier, jurisconsulte, esthète et traducteur », in Catherine Gravet (dir.), Traductrices et traducteurs belges, Mons, Université de Mons - Service de communication écrite, coll. « Travaux et documents » (n° 1), p. 297-325.
Pieropan Laurence (à paraître). « Pierre Poirier et Nicolas Muller : consciences (des tensions) du monde et filtre dantesque ? », in Actes du colloque international Dante est un poète français. La réception de Dante en France, entre traduction et création (XIXe-XXIe siècles), Université de Rennes 2, 27-28 mars 2025.
Pratiques traductives et spécificités linguistiques en Belgique
J. Altmanova, C. Meurée, M. G. Petrillo (dir.), Nouveaux paradigmes linguistiques dans la littérature belge francophone (de 1989 à aujourd’hui), Annali dell’Istituto Universitario Orientale di Napoli. Sezione romanza, LXIII, 2, 2021.
Costa Béatrice et Pieropan Laurence (2025). « Traduire ce que fait le discours, et non les mots. La traduction de la Commedia par Pierre Poirier : un avant-traduire meschonnicien », in Laurent Béghin, Fernando Funari, Laurence Pieropan (dir.), Dante en Belgique francophone, Semicerchio. Rivista di poesia comparata, n° LXXII (2025/1-2), pp. 29-35, ISSN:1123-4075 Accesso ONLINE all'editore.
De Bonis B., F. Funari (dir.), Réécriture, traduction et adaptation dans le théâtre belge de langue française, Interfrancophonies, n° 10, 2019 (http://interfrancophonies.org/nouvelle-serie/10-2019.html).
C. Nannoni (dir.), La Belgique au prisme des langues : bi/plurilinguisme, traduction, autotraduction, RILUNE, n° 16, 2022 (https://rilune.org/index.php?option=com_content&view=category&id=94&Itemid=131).