Enseigner le théâtre de Césaire dans le secondaire aujourd’hui
Journée d’étude –Sorbonne Université
CIEF – UFR de littérature française et comparée – INSPE Paris
Samedi 13 décembre 2025
Site Sorbonne – Amphi Michelet (46 rue Saint-Jacques – 75005 Paris)
Comité d’organisation : Florian Alix, Marion Coste, Romuald Fonkoua et Antony Soron
Préparation au concours du CAPES de Lettres Modernes Bac + 5
—
Programme
10h : Mot d’accueil
10h30-12h00 : Césaire dans l’histoire du théâtre – Modérateur : Romuald Fonkoua (Sorbonne Université)
Sylvie Chalaye (Université Sorbonne Nouvelle) : « Jean-Marie Serreau, metteur en scène de Césaire »
Axel Artheron (Université des Antilles) : « Aimé Césaire et l'avant-garde théâtrale du nouveau théâtre : l'exemple de La Tragédie du roi Christophe »
—
14h00-16h00 : Le théâtre de Césaire : approches pédagogiques, poétiques et politiques – Modératrice : Marion Coste (Sorbonne Université)
Charlotte Laure (Université Sorbonne Nouvelle) : « Décoloniser la tragédie avec Césaire »
Marlène Fraterno et Anne Schneider (INSPE – Université Caen Normandie) : « L’émotion d’un “langage barbare” : portées poétique et politique de la mise en voix d’Une tempête d’Aimé Césaire en classe de quatrième »
Antony Soron (INSPE – Sorbonne Université) : « La Tragédie du roi Christophe d’Aimé Césaire. Qu’est-ce qu’un classique francophone ? »
—
Pour assister à la journée, les personnes extérieures à Sorbonne Université doivent écrire avant le mardi 9 décembre à l’adresse suivante : florian.alix.13@gmail.com
—
L’inscription de La Tragédie du roi Christophe au programme du CAPES de Lettres modernes Bac + 5 amène à poser la question, au-delà des enjeux scientifiques, des modalités de l’inscription de cette pièce dans des séquences à destination de classes du secondaire. Les questions portées par le texte connaissent une actualité, tandis que les études postcoloniales ou décoloniales ont peu à peu gagné le débat public, souvent dans des controverses plus ou moins vives. L’inscription de l’histoire et de la mémoire coloniales a fait l’objet de recherches[1] et on pourrait se demander ce qu’il en est sur le versant littéraire. La littérature est-elle convoquée pour prolonger la réflexion historique ? À partir de quels corpus ? Comment est alors pensée l’articulation du recours à l’histoire pour l’éclairage de textes et des stratégies qu’ils mettent en œuvre ? La pièce de Césaire est en effet un drame historique, qui porte sur une période de l’Histoire d’Haïti souvent méconnue en France hexagonale. C’est l’un des défis de son enseignement aux étudiants et aux étudiantes préparant le concours ; mais cela nécessite des stratégies encore plus affinées lorsqu’il s’agit de la présenter à une classe du secondaire, en œuvre intégrale ou sous forme d’extrait(s). Comment faire résonner l’actualité du texte en la resituant dans son contexte – et en donnant aux élèves les clefs pour comprendre son intrigue ?
Cette œuvre est également une manière d’approcher la question des mouvements littéraires. En effet, Césaire est l’un des membres fondateurs de la Négritude et aborder ce mouvement à travers le théâtre peut aussi être une manière d’en donner une image plus accessible qu’à travers la poésie. Notamment si l’on envisage des exercices de mises en voix du texte dramatique. Un tel travail peut constituer une étape pour permettre aux élèves d’approcher des textes poétiques qui peuvent paraître plus hermétiques, en ayant recours à une forme qui met en scène des personnages pris dans une intrigue.
En parallèle, la pièce se situe au croisement de plusieurs histoires littéraires du théâtre. Elle est à la fois centrale dans la définition d’un « théâtre révolutionnaire afro-caribéen[2] », qui implique les différents espaces francophones des Antilles – et au-delà vers les zones anglophones ou hispanophones. Comment rendre compte de ce panorama dans des classes ? Elle a également eu une influence notable dans la construction du théâtre africain, ce que symbolise sa représentation au « Festival international des arts nègres » de 1966 à Dakar. Enfin, la pièce s’ancre dans les renouveaux du théâtre français, depuis Jean Giraudoux, pour lequel Césaire nourrit une grande admiration[3], jusqu’à Camus[4] ou même Genet. En ce sens, il serait intéressant de réfléchir à l’inscription de la pièce de l’écrivain martiniquais dans l’histoire littéraire française, en tenant compte des pré-requis sur le théâtre pour les classes de lycée. La collaboration du dramaturge avec la figure marquante pour le théâtre français que fut Jean-Marie Serreau[5] peut aussi ouvrir la porte à un travail sur la vie théâtrale et les évolutions des conceptions de la mise en scène : les classes de français peuvent alors communiquer avec des enseignements dispensés dans le cadre des enseignements artistiques de théâtre. Par ailleurs, l’horizon shakespearien de la tragédie césairienne peut devenir l’occasion de présenter des textes complémentaires, par exemple des extraits de Richard III.
Enfin, sans doute un peu plus que la poésie de l’écrivain martiniquais, La Tragédie du roi Christophe met en scène un plurilinguisme qui transcrit une réalité historique complexe[6]. Cette diversité, qui entre en résonnance avec le jeu sur les registres de langue et sur les tonalités, permet des investissements diversifiés sur le rapport à la langue et sur les conceptions plurielles que l’on peut en avoir.
Ce sont là quelques-unes des questions que nous aimerions soulever lors de cette journée d’étude, en centrant notre propos sur La Tragédie du roi Christophe, sans pour autant s’interdire de replacer l’œuvre dans l’ensemble de la dramaturgie césairienne ou dans des comparaisons qui pourraient s’avérer féconde pour un enseignement à destination d’élèves de lycée, voire de collège.
—
[1] Voir Laurence de Cock, Dans la classe de l’homme blanc : l’enseignement du fait colonial en France des années 1980 à nos jours, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 2019.
[2] Voir Axel Artheron, Le Théâtre révolutionnaire afro-caribéen au XXe siècle, Paris, Honoré Champion, 2018.
[3] Romuald Fonkoua, Aimé Césaire (1913-2008), Paris, Perrin, 2010, p. 288-290.
[4] Marie-Rose Abomo-Maurin, « Caligula et le Rebelle. Personnages tragiques du théâtre de la révolte chez Camus et Césaire », dans Alexander Dickow et Buata B. Malela (dir.), Albert Camus, Aimé Césaire. Poétiques de la révolte, Paris, Hermann, 2018, p. 15-31.
[5] Sylvie Chalaye et Romain Fohr (ed.), Jean-Marie Serreau, Arles, Actes Sud-Papiers, 2025.
[6] Voir Giuseppe Sofo, Les Éclats de la traduction : langue, réécriture et traduction dans le théâtre d’Aimé Césaire, Avignon, Presses Universitaires d’Avignon, 2020.
—
(Illustr. : La tragédie du roi Christophe d’Aimé Césaire, mise en scène par Christian Schiaretti, TNP 2017)