Colloque international Néolibéralismes, néofascismes, néo-populismes. Spectres de Foucault (Paris)
Colloque international
Néolibéralismes, néofascismes, néo-populismes.
Spectres de Foucault
Paris, les 10-11-12 décembre 2025
Comprendre pourquoi Michel Foucault fait retour inévitablement dans les généalogies contemporaines des néolibéralismes, c’est s’employer à ressaisir la pertinence du diagnostic du présent qui fut la sienne en 1979 lorsqu’il diagnostiqua le sens et la portée de l’émergence du néolibéralisme au regard de ce qui nous arrive aujourd’hui. Qu’y-a-t-il de nouveau dans le moment néolibéral présent ? En proposant, en 1979, dans le cours professé au Collège de France, Naissance de la biopolitique, une analyse de la « rationalité néolibérale » et de la phobie d’État interprétée depuis les deux grands moments historiques de l’ordolibéralisme allemand et du néolibéralisme américain, Foucault a cherché à ressaisir un changement de paradigme anthropologique majeur avec la venue de « l’homo oeconomicus » intégral désormais pensé, depuis une théorie du capital humain, comme « entrepreneur de lui-même ». Ce qu’il veut articuler pour en dévoiler la genèse ? La concurrence économique et l’interventionnisme juridique au service d’une nouvelle technologie de gouvernement de la vie humaine selon un programme d’extension sans précédent des normes économiques. Revenant sur le néolibéralisme américain dans son résumé du Cours, il souligne en quel sens « ce néolibéralisme cherche plutôt à étendre la rationalité du marché, les schèmes d’analyse qu’elle propose et les critères de décision qu’elle suggère à des domaines non exclusivement ou non premièrement économiques »[1]. Ce qui est alors analysé par Foucault ? La distinction entre libéralisme et néolibéralismes, les limites entre interventionnisme et non interventionnisme, la fin du social en tant que tel, l’anti-étatisme, la théorie du capital humain.
En quel sens notre « aujourd’hui » est-il différent de l’analyse critique portée par Foucault? Ce colloque n’arrive pas dans n’importe quel contexte. Il survient dans un moment néolibéral qui est caractérisé, d’une part, par les liaisons du néolibéralisme, du néofascisme et du néo-populisme et, d’autre part, par le développement sans précédent d’une surpopulation de précaires. Il est significatif que le projet néolibéral soit redimensionné par les attendus de la souveraineté autoritaire d’une part, la crise de la démocratie d’autre part et les nouvelles technologies de l’intelligence artificielle enfin. Il est tout autant significatif que cette mobilisation économique s’établisse au moyen de l’expulsion dont le corollaire est l’exclusion[2]. Que ce soit aux États-Unis, en Argentine, en Italie, en France, au Chili, les prémisses néolibérales cohabitent avec le culte du chef et l’extension de populaires surnuméraires.
Dans cette perspective, la question de savoir à quel néolibéralisme nous avons affaire se pose avec plus d’acuité que jamais, tout autant que l’interrogation sur la pertinence des outils théoriques de Foucault pour relever le défi d’analyse.
Plusieurs questions guideront dès lors ce colloque international. Comment interpréter les liaisons dangereuses du néolibéralisme et du néofascisme ? En quel sens la boîte à outils de Foucault peut s’avérer utile dans un contexte de haute précarité induite par l’extrémisme de la rationalité marchande ? Quelle tâche revient à l’intellectuel critique face au néolibéralisme ? Quel sens et quelle pertinence revêtent les luttes nécessaires contre le néolibéralisme ? Peut-on se risquer à une analyse de notre présent en termes de fascisme ? En quel sens les analyses historiques de la montée du fascisme en Italie permettent-elles d’établir ou non ce diagnostic ?
[1] Naissance de la biopolitique, Paris, Gallimard/Seuil, 2004, p. 329.
[2] Cf. Saskia Sassen, Expulsions. Brutalité et complexité dans l’économie globale, Paris, Gallimard, 2016.
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Mercredi 10 décembre (9h-17h30) :
Université Paris Cité (10, rue Françoise Dolto 75013, amphis 8C et 6C)
Jeudi 11 décembre (9h-17h30) :
Maison de la recherche de la Sorbonne Nouvelle (4, rue des Irlandais 75005, salle Athéna)
Vendredi 12 décembre (9h-17h30) :
CNAM (292 rue Saint Martin 75003, amphi Abbé Grégoire)
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Intervenant.e.s :
Serge Audier, Etienne Balibar, Judith Bastie, Chedly Belkhodja, Francesca Belviso, Alejandro Bilbao, Elena Bovo, Alison Bouffet, Johann Chapoutot, Marc Crépon, Fedra Cuestas, Marie Cuillerai, Maria Pia De Paulis, Angelo d’Orsi, Franck Fischbach, Cynthia Fleury, Sylvain Garniel, Roland Gori, Haud Guéguen, Élise Huchet, Laurie Laufer, Guillaume le Blanc, Jean-Claude Monod, Élise Pestre, Marcelo Raffin, Emmanuel Renault, Judith Revel, Lucile Richard, Philippe Sabot, Pierre Sauvêtre, Xavier Tabet, Federico Tarragoni, Alberto Toscano, Patrice Vermeren.
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Organisation
Université Paris Cité : Guillaume le Blanc, guillaume.le-blanc@u-paris.fr
Université Sorbonne Nouvelle : Francesca Belviso, francesca.belviso@sorbonne-nouvelle.fr
CNAM: Cynthia Fleury, cynthia.fleury-perkins@lecnam.net
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Programme
Mercredi 10 décembre
Université Paris Cité (10, rue Françoise Dolto, 75013)
Amphis 8C et 6C
Journée 1 : Spectres de Foucault (9h-17h30)
Introduction : Guillaume le Blanc
Matinée (9h-12h15) - Amphi 8C
De quoi le néolibéralisme est-il le nom ?
Présidente de séance : Laurie Laufer (Université Paris Cité)
9h15 - Guillaume le Blanc (Université Paris Cité/IUF) : « Le nouvel esprit autoritaire du néolibéralisme ».
9h55 - Jean-Claude Monod (CNRS) : « De la disqualification épistémique du souverain à la 'disqualification par le pire' de l'État social : Foucault face aux lectures néolibérales du totalitarisme ».
Pause
Présidente de séance : Judith Bastie (Université Paris Cité)
10h50 - Marcelo Raffin (Université de Buenos Aires/CONICET) : « Une relecture des contributions foucaldiennes pour l’analyse du libéralisme et du néo-libéralisme ».
11h30 - Serge Audier (Université Côte d’Azur/IUF) : « Foucault et le néolibéralisme : le double angle mort du conservatisme ».
Après-midi (14h-18h) - Amphi 6C
Le modèle de la guerre
Président de séance : Patrice Vermeren (Université Paris 8)
14h - Haud Guéguen (CNAM) et Pierre Sauvêtre (Université Paris Nanterre) : « Foucault au-delà de Foucault : le moment néofasciste de la guerre civile néolibérale ».
14h40 - Philippe Sabot (Université de Lille/IUF) : « Les économies de la violence ».
15h20 -Fedra Cuestas (Université de Los Lagos) : « Guerres et gestion de la haine ».
Pause
16h10 - Alejandro Bilbao (Université Australe du Chili) : « Le Chili, un scénario troublé de la scène néolibérale. Comment le néolibéralisme nomme-t-il le régime de la vie humaine ? »
16h50 - Alison Bouffet (Université Paris Cité) : « « Capital humain » et « risque migratoire » : nationalisme et gouvernementalité néolibérale de l’immigration ».
Jeudi 11 décembre
Maison de la recherche de la Sorbonne Nouvelle (4, rue des Irlandais, 75005)
Salle Athéna
Journée 2 : Fascismes d’hier et d’aujourd’hui (9h-17h30)
Introduction : Francesca Belviso
Matinée (9h15-12h15)
La fabrique historique du fascisme : un laboratoire ?
Président de séance : Chedly Belkhodja (Université Concordia)
9h30 - Johann Chapoutot (Sorbonne Université) : « (Néo-)libéralisme et (néo-)fascisme. Épistémologie et historiographie d’une affinité élective ».
10h10 - Angelo d’Orsi (Université de Turin) : « Le fascisme, du mouvement historique au modèle politique ».
10h50 - Maria Pia de Paulis (Université Sorbonne Nouvelle) : « Curzio Malaparte et le fascisme ou la construction d’un mythe entre rêve d’une révolution « conservatrice » et ambition d’un État nouveau ».
Pause
11h45 - Francesca Belviso (Université Sorbonne Nouvelle) : « Le fascisme entre religion civile et magie ».
12h25 - Elena Bovo (Université de Franche-Comté) : « L’influence de la psychologie des foules de Le Bon sur le fascisme. Entre mythe et réalité ».
Après-midi (14h30-17h30)
Néofascisme, post-fascisme, populisme ?
Présidente de séance : Lucile Richard (Sciences Po Paris)
14h30 - Xavier Tabet (Université Paris 8) : « Du droit pénal de l’ennemi du fascisme italien au populisme pénal contemporain ».
15h10 - Federico Tarragoni (Université de Caen-Normandie/IUF): «Néo ou post-fascisme? Une sociologie historique des extrêmes droites contemporaines ».
Pause
16h05 - Chedly Belkhodja (Université Concordia, Montréal) : « Repenser le populisme à partir de l’Amérique du nord ».
16h45 - Alberto Toscano (Université Simon Fraser, Vancouver) : « Un fascisme transitoire. Leçons latino-américaines ».
17h15 - Etienne Balibar : « Du fascisme comme transition à la démocratie. Hypothèses complémentaires ».
Vendredi 12 décembre
CNAM (292, rue Saint Martin, 75003)
Amphi Abbé Grégoire
Journée 3 : Critique et clinique du néolibéralisme et du néofascisme (9h-17h30)
Introduction : Cynthia Fleury
Matinée (9h-12h15)
Critique sociale et subjectivation à l’âge néolibéral
Président de séance : Sylvain Garniel (Université Paris Cité)
9h15 - Emmanuel Renault (Université Paris Nanterre/IUF) : « Déni et adaptation en temps de catastrophe ».
9h55 - Marie Cuillerai (Université Paris Cité) : « L’herbe au pied des pyramides. Néolibéralisme, finance et subjectivation ».
Pause
10h50 - Élise Huchet (Université d’Utrecht) : « Reconnaissance ou redistribution dans le moment néolibéral contemporain ».
11h30 - Franck Fischbach (Université Paris I - Panthéon Sorbonne/IUF) : « Néolibéralisme et crises de la reproduction : la fuite en avant vers un néofascisme ».
Après-midi (14h-17h30)
Retour sur le fascisme, retour du fascisme
Présidente de séance : Élise Pestre (Université Paris Cité)
14h - Judith Revel (Université Paris I - Panthéon Sorbonne/IUF) : « « Pour des mots ». Quelques remarques sur la transformation du langage politique aujourd’hui ».
14h40 - Roland Gori (Université Aix-Marseille) : « Le techno-fascisme ».
Pause
15h30 - Cynthia Fleury (CNAM) : « Le fascisme comme dispositif psychique et culturel ».
16h10 - Marc Crépon (CNRS-ENS) : « Régressions ».