Comment la question de l’amour et celle de la « différence sexuelle » se touchent-elles dans l’œuvre de Jacques Derrida ? Ou encore celles du « sexuel » et de l’affect ? De l’amour de soi et de l’amour de l’autre ? Peut-on penser ensemble le cœur – son coup et son cri – et le politique ? En quoi, ou jusqu’où, cette manière de penser touche-t-elle, ou non, au problème de ladite différence sexuelle et de la hiérarchie des genres ? Et, finalement, en quoi et pourquoi ces questions s’articulent-elles dès le départ, et intimement, à l’entreprise derridienne de déconstruction du logocentrisme ?
Dans cet essai, l’autrice montre la centralité de la question de l’auto(hétéro)-affection dans l’œuvre de Jacques Derrida et tente d’en déchiffrer les enjeux épistémologiques, éthiques et politiques. Elle s’intéresse à cet égard à l’insistance de deux motifs, présents d’un bout à l’autre de l’œuvre du philosophe : celui du « toucher » et celui du « cœur », dont elle interroge le fonctionnement textuel et la portée conceptuelle. Il aura fallu que Derrida « se touche », dans tous les sens de l’expression en français, qu’il touche au « touché » qu’il est, mais aussi qu’il se/le dise dans des textes à structure ou motif confessionnels, pour que cet aspect de l’œuvre et du geste derridiens ait une chance de s’imposer à la lecture.
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Anne Emmanuelle Berger est professeure émérite de littérature française et d’études de genre à l’Université Paris 8. Elle a cofondé et dirigé plusieurs institutions de recherche en France dans le domaine du genre et de la sexualité. Autrice de nombreux ouvrages, dont Le grand théâtre du genre. Identités, sexualités et féminisme en « Amérique » (Belin, 2013), elle a également dirigé Algeria in Others’ Languages (Cornell University Press, 2002) et codirigé, avec Isabelle Alfandary et Jacob Rogozinski, Qui a peur de la déconstruction ? (PUF, 2023).