Tout d’abord, parler de « littérature de jeunesse » est une façon commode de regrouper un lectorat allant de la petite enfance à l’adolescence, voire, avec la littérature Young Adult d’aujourd’hui à un public de jeunes trentenaires encore ancrés dans l’enfance, ou à des adultes que les éditeurs convoitent et revendiquent dans leur cible marketing[1].
Romantasy, dark romances, new romances… De Wattpad[2] à TikTok, le surgissement récent d’une étonnante fiction, dans les zones grises de la critique, montre à la fois la force des translations entre réseaux, librairies et influenceuses, la permanence des fantasmes de soumission et d’amour qui fait mal, et la labilité des scansions d’âge[3] dans le lectorat supposé adolescent. Nommées « dark romance », ces œuvres récrivent avec plus ou moins de talent les intrigues de Lolita ou l’Histoire d’O, avec l’appui logistique des conseils de Booktok (la sous-communauté de l’application TikTok dédiée à la critique livresque) : « De très jeunes lectrices s’arrachent de la dark romance comme le best-seller Captive de Sarah Rivens[4]. »
D’abord publiée sur Wattpad, réseau social où les utilisateurs peuvent éditer et partager des récits, cette série de romans francophones déferle sur la génération Z depuis le confinement (350 000 exemplaires vendus, Hachette, « BMR »). Elle raconte l’histoire d’amour entre Ella, séquestrée depuis l’adolescence, et Asher Scott à qui elle appartient en tant que « captive », rapportent des libraires ; le propos est d’ailleurs sans ambiguité aucune : « C'est la captive de Asch, je lui dirai qu'il trouve que tu trouves qu'il a très bon goût ! Il devint aussi blanc qu'un cachet d'aspirine. Son sourire narquois se changea en grimace, ses yeux allaient sortir de leurs orbites à tout moment. En même temps qui n'aurait pas peur d'un meurtrier sadique descendant de la grande famille des plus dangereux gangsters et mafieux du pays ? »[5]. D’autres collections procèdent ejusdem farinae : Addictives ou Harper Collins, mais le label de Arthur de Saint Vincent (Hugo and Co.) alerte les lecteurs avec un trigger warning « pour public averti » dès les premières pages : « Captive est une dark romance qui n’entre pas dans les codes de la romance classique : romance y rime avec violence et certaines scènes peuvent surprendre les lectrices non averties. Trigger warning : mentions de viol, violences physiques, langage violent. (Avertissement en page 7 de Captive) ».
La production hyper genrée et essentiellement dématérialisée connue, répétons-le, sous l’anglicisme de dark romance se situe donc quelque part entre Les Hauts de Hurlevent et Mauprat, exactement comme Cinquante nuances de Grey se disait une simple fanfiction de Twilight. L’influence de Wattpad, de TikTok ou des booktubeuses crée en effet un espace collaboratif addictif qui, parfois, s’actualise en édition livresque pure et simple, invalidant ainsi le fort sentiment d’illégitimité qui touche cette littérature exaltant les rapports BDSM et questionnant par là-même les prescripteurs institutionnels de lectures de jeunesse. Plusieurs pistes mineures semblent se dégager de cette nouvelle (?) donne : d’abord, les jeux d’influence entre booktubeuses et ados, dont les interactions passent bien en-dessous des radars parentaux ou scolaires, ; mais surtout et plus vastement, la friction entre discours féministe acquis… et perduration du narratif de soumission érotique : « Il repose sur un schéma de domination masculine et d’humiliation féminine, immuable, qui va bien au-delà de ce qui a fait le succès de 50 Nuances de Grey[6]. » Cependant l’essentiel semble ailleurs : s’agit-il d’une littérature cross-age, comme la fanfiction Cinquante nuances… par rapport à Twilight, ou bien d’un ébranlement supplémentaire des âges « doxiques » ? La juvénilisation permanente de notre « Umwelt » s’accommode-t-elle encore des présupposés de la loi du 16 juillet 1949 ?
« Death is my BFF » (Katarina Tonks) : des circuits inusités, une demande démultipliée
— J'adore la façon dont elle me supplie, et dont son innocence s'envole dans ces moments-là. Elle aime m'entendre dire des obscénités. - J'ai envie de te baiser. Non. J'ai envie de t'allonger sur le lit et de te faire l'amour, fort et vite, si puissamment que tu hurles mon nom tandis que je te pénètre de plus en plus profondément[7].
Le titre choisi pour ouvrir cette première partie a en fait deux traductions : la plus anodine (celle élue par la traduction française) équivaudrait à Death is my best friend forever autrement dit : la mort est ma meilleure amie pour toujours ; mais une lecture plus radicale proposerait, elle, « Death is my best fucking friend »… Ce qui conviendrait mieux aux relations décrites entre l’héroïne, Faith Williams, et l’homme qu’elle va rencontrer, David Star. L’ambiguïté constitutive du genre est quasiment déjà perceptible dans cette double traduction. Il faut savoir que ces « chroniques de la mort » ont suscité 92 millions de téléchargements, à l’instar des deux autres grands best-sellers de la dark romance, Captive de Sarah Rivens, et Hadès et Perséphone de Scarlett St. Clair. En voici deux extraits, l’un manifestant le fantasme de l’esclavage sexuel à demi consenti : « Bien sûr, j'avais été victime de viols, comme beaucoup d'autres humains de par le monde. Le résultat était toujours le même : c'était une descente interminable aux enfers. Le déni virgule la confusion, les crises d'angoisse virgule la honte, l'anxiété, l'obsession de se laver, associé à cette impression constante d'être sale, les insomnies, les terreurs nocturnes l'état de danger permanent, la sensation de ne plus avoir le contrôle de son corps. » [8], l’autre manifestant la splendeur sensuelle toujours liée au monde du tentateur : « Elle enfouit son visage dans le cou d'Hadès et le mordit en jouissant dans ses bras. Hadès poussa un grognement guttural et la pénétra plus fort en se déversant en elle. Il se retira et la reposa par terre »[9].
Les documentalistes des médiathèques sont-elles en effet fondées à donner avis et conseils sur des produits qui ressassent prioritairement et répétitivement la rencontre perpétuelle d’une oie blanche et d’un bad boy ? les rôles sont si clairement attribués, que l’on respire même parfois un léger parfum d’autoparodie ; aux filles la charge de porter des vêtements sexy : « Les robes qu'elles sort sont toutes si inconvenantes que je cherche la caméra cachée et la personne qui va surgir pour me dire que c'est une blague. J'ai un mouvement de recul chaque fois qu'elle en sort une, et apparemment, ma réaction la fait rire. La robe - disons plutôt le morceau de tissu - qu'elle choisit est une espèce de filet de pêche noir, qui laisse voir son soutien-gorge rouge[10] », aux hommes de manifester violence (éventuellement) meurtrière et détermination impitoyable : « Un tir retentit, à une vitesse fulgurante. Un bruit sans pareil qui m'arracha un cri d'effroi. Asher venait de lui tirer une balle entre les deux yeux. Rapide. Sec. Sans aucun remords. - Elle parlait trop, déclara ce dernier d'un ton glacial [11]».
Aussi, lorsque les adolescentes en sollicitent, la question se pose de la mince frontière entre le fait de donner un conseil et celui de porter un jugement. La mention « YA » (autrement dit déconseillé aux moins de 16 ans) ne décourage nullement les 11-13 ans qui passent sans sourciller sur l’avertissement généralement situé en tête de l’ouvrage… Conçues pour des « femmes » de 25-35 ans et lues par des adolescentes de 15 ans, les romances érotiques véhiculent-elles pour autant une « culture du viol » ? Et peut-on en effet tenir un discours critique classique sur ces dark romances, qui cependant commencent à intéresser la recherche universitaire ? Le désenchantement souhaité par C. Emmanuel a quand même du mal à s’imposer : « L'héroïne est en danger. Mais celle-ci ne comprend rien, apparemment, car elle décide de zapper ses textos. Par conséquent, dans le tome suivant, elle est menacée puis enlevée, oui, séquestrée [12]», et les biographies avantageuses des auteurs de romance continue de faire rêver : « On ne présente plus Anna Todd ! Forte de son succès avec After, Anna a voyagé aux quatre coins de la Terre et a rencontré ses fans lors de séances de signature qui ont été des événements partout. Sa célèbre série a fait l'objet d'une adaptation cinématographique pour la Paramount [13]».
Le caractère supposément toxique de ces lectures est en tout cas au cœur de tous les questionnements de construction de valeurs émancipatrices, dont ce nouveau genre est quasiment l’exact contraire, car comme le dit Tessa Young, l’héroïne larmoyante de After : «Tout s'écroule autour de moi, il ne reste que le son des paroles atroces de Molly et les yeux d'Hardin. Jamais de ma vie, je n'ai ressenti ça point ce degré d'humiliation et d'impuissance et pire que tout ce que j'aurais pu imaginer. Hardin s'est foutu de ma gueule depuis le début. Tout ça n'était qu'un jeu pour lui point toutes les embrassades tous les baisers, les rires, les je t'aime, le sexe, les projets... Bordel ! Je ne pensais pas qu'on pouvait avoir si mal [14]. » Etc., etc. La suite au prochain numéro. Donc : des procédures de lecture renouvelées par la réception du « signal » d’un nouveau chapitre[15] par application ; une volonté affirmée de coller à un schéma contraint : belle innocente versus bad boy (ou BMR : « Beau mec rebelle ») ; épreuves sexuelles / blessures secrètes / triomphe de l’amour ; une fin vertueuse et heureuse (mariage et/ou enfantement)… écrivent la nouvelle « Carte du (pas) tendre », ainsi que le surgissement d’une prescription totalement horizontale (car peu d’adultes lisent « Death is my BFF »).
Ces chiffres astronomiques changent anthropologiquement la donne, et interrogent autant la sociologie de la jeunesse que les instances éducatives : quelle place pour un discours critique ? D’ailleurs le faut-il ? Mélanie Bourdaa s’en explique dans Les Fans, publics actifs et engagés. Mais le croisement des analyses (critiques, littéraires, affectives, féministes…) sert-il encore à autre chose, qu’à « méduser » et donc pérenniser l’attachement à ces productions dont les plus extrêmes vont jusqu’à la nécrophilie et au cannibalisme, et qui induisent à la fois addiction et homophilie ? Bien sûr, les éditeurs et les libraires multiplient les « pastilles » d’avertissement, qui précisent comme à la FNAC le degré de violence de chaque œuvre, ou bien encore les quatre silhouettes colorées, dessinées à côté du code-barre, censées indiquer le degré de sexe ou de violence contenu dans l’ouvrage, et qui se foncent à mesure que le contenu « explicite » devient de plus en plus problématique ; plus c’est sombre, plus c’est sexe, comme le suggère Constance Vilanova : « Portées par des «influenceuses livres» sur TikTok, des histoires d’amour ultra stéréotypées voire violentes ont du succès chez de très jeunes lectrices, pas toujours suffisamment accompagnées[16]. » La conscience aigüe du peu de qualité littéraire et de la toxicité possible du modèle a d’ailleurs amené l’une des auteures à une forme de mea culpa, adressée à toutes les jeunes lectrices éblouies et pantelantes : « Or non seulement ces textes ne contribue pas à changer la société, mais il la fige. À l'heure du numérique et de la création littéraire copiée-collée, on prend les femmes pour des idiotes, et on les maintient dans un rôle ce social de soumission. Toi, Manon, qui aime le sexe quand celui-ci est propre, qui rêve de rencontrer un milliardaire, et qui pense que le bonheur dans la vie c'est de voyager en jet privé ». [17]
Les collègues documentalistes que j’ai pu consulter[18] affirment d’ailleurs que le « pass Culture » personnel[19] sert essentiellement à acheter, pour les garçons des mangas, et, pour les filles, ces romances qui occasionnent une forme de boucle de rétroaction entre les lectrices et les autrices par le biais des réseaux – toute forme d’échanges horizontaux favorisés par les grandes maisons d’éditions spécialisées que sont Hachette et Hugo Publishing. L’embarras demeure quant aux thématiques traitées, en particulier « l’amour toujours » manifesté par la victime pour son bourreau, qu’elle finit bien entendu par amender et remettre sur le chemin de l’union conjugale, surtout si elle survit à une tentative de viol commise par les « méchants » : « Ils ne lui ont rien fait. Il les a arrêtés avant. - Qui « il »? - Zed. Je suis descendue le chercher, lui et Tristan, avant qu'ils aillent trop loin. Steph était complètement déjantée, comme si elle allait pousser Dan à violer Tessa ou un truc du genre. Elle a dit qu'elle voulait seulement faire semblant, je ne suis pas sûre, elle se conduisait comme une vraie tarée. - Violer Tessa ? je m'étrangle. Est-ce qu'il l'a touchée ? - Un peu. Elle baisse les yeux avec tristesse »[20]. »
Ces circuits s’appuient sur trois piliers : les auteurs, les œuvres et leurs distributions en sous-genres. Tout se passe comme si on se trouvait devant une gigantesque fanfiction qui circulerait en accéléré puisque les commentaires en temps réel précèdent ou même récrivent des passages entiers. Devant cette déferlante où se trouvent systématiquement exaltés le fantasme féminin de soumission à l’emprise masculine et l’absence de consentement, l’éditeur Thierry Magnier[21] a souhaité créer un contre-feu sous l’espèce d’une collection intitulée L’Ardeur,[22] où la sexualité adolescente s’exprime selon des schémas plus « féministes », exactement comme la « romantasy » reprend les grandes lignes de la dark romance, mais avec des héroïnes beaucoup plus agressives et qui triomphent systématiquement à la fin (encore que des titres soient revendiqués conjointement par la « DR » (dark romance) comme par la romantasy : Hades et Perséphone, entre autres). On comprend pourquoi : « Elle ressentit une étrange excitation en y pensant et elle se rendit compte qu'elle avait hâte de connaître le Dieu dans sa divinité. Ses cornes seraient-elles aussi noires que ses yeux et que ses cheveux ? Est-ce qu'elles seraient arrondies comme celle d'un bélier, ou se dresseraient- elles à la verticale, le rendant encore plus grand ? [23]»
Il n’en demeure pas moins que la multiplication maniaque des sous-genres atomise à l’extrême les types de publics, comme s’il fallait absolument donner aux lectrices (et à quelques lecteurs) ce qui correspond exactement à leurs supposés désirs, sans jamais ajouter quoi que ce soit d’innovant et de déstabilisant ; la collection « Allegria » se spécialise ainsi dans le romantisme, « Azur » dans le luxe, « Diadème » dans les histoires de rois et de reines, « Darkiss » dans le paranormal, « Highlander » dans les récits de clan écossais, « Ispahan » dans les princes orientaux, « Mira » dans l’ésotérisme et « Nocturne » dans les amours avec des loups-garous et des vampires. S’y ajoutent les histoires « Boy’s Love » (BL), qui racontent des amours gays, mais uniquement à destination des femmes sur le modèle japonais des Yaoïs. L’énumération des auteurs et des œuvres de DR étant par essence interminable, nous choisissons donc d’en citer quelques exemples signifiants, qui ont rendu leurs autrices quasiment millionnaires par la ferveur surprenante de la communauté fanique, laquelle consomme avec une quasi-frénésie ces œuvrettes stéréotypées : Anna Todd (After, Before), Sara Rivens (Captive), Scarlett St. Clair (Hadès et Perséphone), Penelope Douglas (Credence), ou Collen Hoover (It ends with us).
Les attendus éditoriaux sont si étroitement subordonnés aux desiderata des consommatrices, que Camille Emmanuelle ne peut s’empêcher d’ironiser lourdement sur les remarques de sa responsable de collection ; mais la tenue régulière de concours réconcilie bizarrement le genre avec les notions de progression de maturité, puisque ces concours sont soumis à des limites d'âge en fonction des créateurs, ainsi qu’à des limites de temps et de nombre de mots[24] ! Il est sans doute plus aisé de fixer des normes d’âge pour faire écrire que pour paramétrer les lectures, mais on pourra toujours se souvenir que le tome II d’Empyrean (Iron Flame), la saga best-seller de Rebecca Yarros, se présente revêtu de l’avertissement « déconseillé aux moins de 16 ans » - ce que n’était pas le premier tome (Fourth Wings).
Enfin, il sera toujours étonnant de lire que pour une jeune fille, l’ambition suprême est de devenir… morte : « Les sœurs m'ont dit que tu étais destinée à devenir la reine des ténèbres, l'épouse de la mort. La femme d'Hadès [25]».
Des tropes et des Kinks , BMR! Les variants de l’invariant
Dans l’imaginaire, qui dit chanteurs et adolescence dit cris, hormones en fusion, évanouissements et effluves de parfums bon marché. Un portrait teinté de misogynie dépeint par les médias. [...] Le vocabulaire utilisé, les images stéréotypées font que la fangirl reste forcément l’ado hystérique qui hurle à l’apparition de sa star favorite[26].
Ce qui est « kinky », c’est ce qui est coquin, et BMR (Black Moon Romance)[27] se comprend aisément, en contexte. Mais le souci permanent des documentalistes est de conseiller et d’accompagner les choix de lectures des préadolescents, qui, scolarisés dans les collèges puis dans les lycées, accèdent à un hyper choix énorme de propositions fictionnelles : la lecture d’After a ceci de déstabilisant qu’au fil des volumes le roman se mue en manuel d’éducation (hétéro)sexuel, avec des scènes crument explicites, quoique totalement non érotiques, les gestes se succédant dans une forme de systématicité dénuée de tout charme et de tout mystère. Le sexe oral fait par exemple l’objet de descriptions récurrentes qui peuvent s’apparenter à de véritables cours de travaux pratiques, comme si les jeunes lectrices avaient besoin d’être guidées seconde par seconde devant l’appareil génital masculin ; la masturbation est l’objet du même mode d’emploi, réussissant curieusement à ne jamais susciter le moindre trouble érotique chez le lecteur, tant la sensualité est totalement évacuée de ces récurrentes descriptions de fellation ou d’onanisme mutuel : « Il passe la main entre nos corps et la glisse sous la ceinture de mon pantalon et de ma culotte. -Tu vois, je savais que tu serais prête, dès que je te parlerai de te manger. J'appuie mes lèvres sur les siennes pour faire taire ces mots crus, et il aspire le souffle qui m'échappe quand ses doigts passent sur mon clitoris. Il me touche à peine, faisant exprès de me torturer. - Ssss'il te plaît, je siffle, mais il appuie plus fort et me pénètre d'un doigt agile. - Je me disais aussi… il va et vient en moi, mais soudain - trop vite à mon goût - il s'arrête et m’allonge à côté de lui. [28]»
Ces romans s’adressent généralement aux femmes[29] de vingt-cinq ans, mais il se trouve que des adolescentes de quatorze ans, voire moins (onze, treize), les acquièrent en masse, même si les avertissements (« emprise, violence, viol, suicide »), sont clairs et censés indiquer le degré de sexe ou de violence contenu dans l’ouvrage… Il n’est bien entendu pas question de censurer les achats des clients, d’où le désarroi de certains parents qui découvrent que leurs enfants prépubères lisent des scènes de soumission sexuelle, présentées sous des couvertures attrayantes et des titres romantiques (Ton Parfum, True colors, Jamais Plus, À cœur ouvert, Russian mafia) : « Tout ça et tellement puéril mon comportement, la façon dont je manipule ces sentiments je le sais bien point mais je ne sais pas m'y prendre autrement. Je l'aime – Bordel ! c'est fou ce que j'aime cette fille. Mais je ne sais plus quoi faire pour la garder près de moi. Il semblerait plutôt que tu l'as piégée, et que c'est pour ça qu'elle ne peut pas te quitter point pas parce qu'elle t'aime, mais parce que tu lui as fait croire qu'elle ne peut pas se passer de toi.[30]. »
La combinatoire subtile des tropes et des situations sentimentales couvrent à peu près l’intégralité de cette carte du tendre de la Gen Z. En effet, la dark romance obéit donc essentiellement à une recension rigoureuse, voire paranoïaque, de profils masculins et de situations amoureuses. On peut dénombrer essentiellement quatre stéréotypes mâles : le bad boy, le grumpy sunshine, le monster boyfriend[31]et enfin le golden retriever… qui pour une fois n’est pas un chien, mais le prototype du gars sympa et serviable à la dévotion d’une fille exigeante et acariâtre. Les six situations amoureuses sont tout aussi détaillées et spécifiques, comme on va pouvoir en juger : il y a les ennemies-to-lovers, et sa variante les bully-to-lovers, les dark prep school[32] or university. On rencontrera aussi le plus glauque somnophilia trope[33] (avoir des relations charnelles avec une personne endormie) ; tout aussi étonnant est le tampering trope[34] qui consiste pour l’amoureux à faire des trous dans son préservatif (!). Enfin, droit venu d’une lecture fautive de Lolita, le age gap[35] rencontre aussi beaucoup de succès, par exemple dans Ton Parfum de Farah Anah. Ces situations englobantes peuvent de plus se déployer en sous-genres supplémentaires : le reverse harem (une femme a le choix entre plusieurs hommes), le why choose (qui débouche sur le polyamour), mais aussi les beaucoup plus sombres et inquiétants erotic horror (Sarah West et Cynthia Havendean) et enfin le porn gore[36]. La « lectrice-modèle » de Camille Emmanuelle n’en est sans doute toujours pas là : « Dans la romance, Manon, on nie ta capacité à imaginer. Il faut te mâcher le boulot pourquoi ? Parce que si tu ne lis pas que James prononce cette phrase avec un air sombre, tu vas être perdue ? En plus, ce n'est pas cher : 3,99€ sur I tunes. Que demande le peuple ? » [37]
Pour plaire à la fibre masochiste de la lectrice supposée, le garçon doit être violent, mais contre les objets uniquement : « Il attrape la lampe sur la table basse, arrache au passage la prise du mur et l'explose également par terre. Puis il saisit un vase et le lance violemment contre les briques. Pourquoi son instinct lui dicte-t-il de tout casser ? -Arrête ça Hardin, tu vas casser toutes nos affaires s'il te plaît, arrête ça ! - Je crie, et il me répond aussi en criant - C’est ta faute, Tessa. Tu es la cause de tout ça [38]» ; on remarque alors que c’est, bien entendu, la fille qui est responsable! Pourtant, des écrivains reconnus ont partagé certains de leurs ouvrages sur le site : c’est le cas notamment de Margaret Atwood – qui a appuyé très tôt ce projet et s'est vu attribuer le titre de « fairy godmother » de la compagnie – et de Cory Doctorow… N’y a-t-il pas alors un peu d’hypocrisie à se récrier devant ces produits industriels, qui certes exaltent une fantasmatique du rapt amoureux, de la soumission érotique féminine[39] et du voyou séduisant, mais sont si mal écrits qu’un chapitre en efface un autre ? Par exemple : « Elle décroise les jambes. Est-ce qu'il est possible d'être désespéré à ce point ? À ce stade je ne peux même pas dire si elle est en train de m'allumer ou si elle est tellement habituée à faire la pute que c'est devenu un automatisme chez elle. (…) à la même époque l'année dernière, j'aurais embarqué cette grognasse insupportable dans les toilettes et je l’aurais baisée comme un malade. Maintenant, cette seule pensée me donne envie de vomir sur sa robe [40]».
Cependant l’éclectisme sentimental sur TikTok est tel, que l’icône pop culturelle absolue en 2024 est à la surprise générale Franz Kafka[41], dont les Lettres à Milena font l’objet de multiples lectures proposées par les participantes, comme modèle insurpassable de correspondance amoureuse… correspondance dont elles aimeraient trouver des exemples chez leurs propres boyfriends. Toutefois Camille Emmanuelle nous met encore en garde contre les stratégies éditoriales de consommation des lectures sentimentales en révélant que nombre d’ouvrages appartiennent à la catégorie « romance » (plus acceptable et plus légitimes ) par une ruse qui consiste à proposer seulement en option[42] les scènes sexuelles les plus crues : ainsi l’ouvrage n’est pas classifié en littérature érotique ou pornographique, et conserve une forme d’honorabilité qui rassure et sécurise le lectorat féminin : « Ce que nous disent ces romances, c'est donc : vive la consommation, vive le luxe et vive les gens riches ! [43]. » Oui, la dark romance, c’est souvent, pour reprendre les mots de l’auteur, un « truc de riches » !
Par ailleurs, le phénomène, avec tout le cortège de questions éthiques (on n’ose dire esthétiques) qu’il entraine chez les prescripteurs institutionnels, n’est pas isolé ; il est en effet rejoint par de nouvelles pratiques enfantines inédites, mais aussi par le script des sites masculinistes de développement personnel (narration virile contre romance féminine), qui « genrent » encore plus le narratif des uns et des autres. Sandra Laugier dans son ouvrage Éthique, Littérature et Vie humaine (PUF, 2006) parle de consolidation subjective liée à l’usage des plateformes collaboratives, mais en réaction au féminisme, vécu comme castrateur et inhibant, de nombreux sites en profitent pour proposer aux « Incel[44] » des leçons de séduction agressives. Ces manuels de comportements deviennent des ateliers de manipulation dans lesquels il s’agit pour ces hommes de configurer un véritable « roman de soi-même » afin de susciter le désir érotique d’éventuelles partenaires, par des techniques comme le catfishing[45] ou le ghosting (ce qui correspondrait à peu près à dire, « fuis-moi je te suis, suis-moi je te fuis », puis à disparaître complétement pour la jeune fille « appâtée »). Il va sans dire que dans les dark romances, les mâles n’ont qu’une seule religion : la consommation des filles, sinon en actes du moins en paroles, puisque la virilité se nourrit aussi de compétition sexuelle masculiniste : « - Fais pas le con, tu peux consommer tout ce que tu veux. Je ne me rappelais pas que tu étais aussi susceptible ; tu n'en avais rien à battre de rien avant. - Je ne suis pas susceptible, tu fais tout un fromage de que dalle. Cette meuf est juste dans la même fac que moi en Amérique. Je l'ai baisée [46]» ; les filles, au contraire, se posent sans fin la question du sentiment, de l’affect, de l’union des cœurs et des âmes sœurs : « Mais est-ce qu'il m'aime ? Il a une petite copine et je n'arrête pas de rompre avec Hardin. Je le regarde et je prie que ce soit les calmants qui parlent, pas vraiment lui [47]».
Pour Alexandre Gefen, ce sont des fictions contaminantes, utilisées comme instrument de séduction en particulier sur Wattpad. Le plus étonnant est que ce type de manœuvres grossières concernent également la « gen Z », génération à laquelle s’adressent cependant nombre de féministes décidées à équiper les filles trop crédules d’outils de méfiance, exactement comme Virginie Despentes dans son essai Cher connard. Conformément aux propositions philosophiques de l’Irlandaise Iris Murdoch (Metaphysics as a Guide to Morals, 1992), il s’agit alors de déconstruire les schémas archétypaux, comme le montre le film de Safy Nebbou, Celle que vous croyez (2019). Tout se passe comme si la guerre des sexes et des âges enjambait le réel et se poursuivait essentiellement dans des séries à des fins d’enseignement démystificateur, par vocation éducative (Euphoria, Sex Education). Mais là encore, quelle tranche d’âge peut-elle être concernée avec pertinence ? Question de maturité, de culture, d’environnement… on ne peut jamais tirer de conclusion générale pour ce qui reste plongé dans le flou du non-dit, de la présupposition et de la subjectivité. Néanmoins, on se souvient aussi de la série 13 Reasons why, sorte de propédeutique pour lutter également contre le flot d’informations qui circulent sur le web, et dont on ne peut mesurer l’éventuelle toxicité pour les jeunes filles qui en sont les cibles. Et qui littéralement en meurent.
Trigger warning : une stéréotypie sexiste ?
Des milliers de titres sont disponibles en librairie et sur les plateformes de vente de livres numériques : Dévoile-moi, Regarde-moi, Délivre-moi, Enlace-moi, Possède-moi, Toi + moi l’un contre l’autre, Toi + moi seuls contre tous, etc.[48].
L’avertissement « TW» (littéralement : « Avertissement de déclenchement ») est presque devenu un cri de ralliement pour les jeunes lectrices, toujours avides de découvrir une dark romance encore plus captivante que la précédente – un peu comme lorsqu’on désigne par syllepse une cigarette par l’avertissement porté sur le paquet en demandant une « Fumer tue ». Clairement, les garçons veulent toujours en venir aux gestes : « Je ne sais pas pourquoi personne ne t'a jamais baisée. J'imagine que ton self-control doit vraiment t'aider à résister. Je déglutis. – Je… je n'ai jamais vraiment eu besoin de résister. (…) - Soit tu mens, soit tu étais dans un lycée pour aveugle. Je bande rien qu'à regarder tes lèvres [49]», quand les filles attendent éternellement que les mauvais garçons s’amendent et deviennent de parfaits gentlemen, ce qu’ils ne feront jamais, bien entendu : « En rentrant dans ma chambre, je réalise à quel point j'ai été stupide de croire que Hardin avait changé. Je devrais savoir à quoi m'en tenir, depuis le temps j'aurais dû deviner que c'était trop beau pour être vrai. (…) J'aurais dû me douter que dès qu'il retrouverait ses copains, il redeviendrait le Hardin que je méprisais il y a quinze jours encore [50]».
Mais le moment crucial qui fait toute la différence est celui où le héros se décide enfin à embrasser l’héroïne (ou le contraire) : ce morceau de bravoure est systématiquement désigné par l’expression « #etpuismerde! », en anglais Fuck it !. Il prélude généralement à une explosion de d’érotisme attendu depuis longtemps : « Kiara descendit les premières valises, me laissant seule dans la pièce que j'appelais ma chambre. Cette chambre m'avait vue dans tous mes états. Triste, en colère, amoureuse, heureuse... Cette chambre avait vu Asher venir le soir pour m’observer dormir »[51].
Pour en revenir à ce Fuck it !, il est l’objet de nombreux commentaires et d’analyses passionnées. Les auteurs doivent donc spécialement soigner cette scène qui la plupart du temps décide du succès de leur roman, ou au contraire de son échec à mobiliser la communauté fanique. Les spécialistes en profitent pour dénoncer ce qu’ils désignent comme l’homophilie, c’est-à-dire la consommation effrénée des mêmes personnages, des mêmes situations, des mêmes scènes – parfois au mot près, seulement différenciés par les prénoms : « Ses doigts se glissent sous ma ceinture. Je gémis, bouleversée tant par ses mots que par la sensation de ses mains sur mon corps. Ces paroles tournent en rond dans ma tête quand il me touche, ce que je fais aussi. Visiblement il bande fort et quand je m'occupe de la braguette de son jean, il murmure mon nom »[52]. Les lectrices booktubeuses, elles, échangent des vidéos où elles se filment en train de découvrir le fameux moment dans leur romance préférée… malgré les mises en garde moqueuses de Camille Emmanuelle : « Mais comme on va le découvrir, les femmes ne sont pas les seuls clichés sur pattes virgule dans ces ouvrages. C'est toute la société qui est aseptisée : elle est hétéronormée, conservatrice et néolibérale[53]». S’agit-il réellement pour autant de misogynie ou même de sexisme ? Le milliard de vues qui a salué la production d’After n’est quand même pas le signe d’une vague de gynophobie qui submergerait tout sur son passage :
Il me colla un peu plus contre lui. Mes mains se posèrent instinctivement sur sa nuque. Ses lèvres effleurèrent les miennes, mais il éloigna sa tête point il ne comptait pas se laisser faire si rapidement. Cette torture aussi physique que psychologique me rendait dingue. - Je t'avais promis que tu allais perdre la tête en enfer, mais sache que c'est parce que j'y suis déjà. Je hoquetai de surprise lorsque ses mains emprisonnèrent brutalement mes cuisses et les soulevèrent pour les enrouler autour de sa taille. Il plaqua mon dos contre le mur derrière moi[54].
La crainte d’une « contamination » effective des schémas sexistes dans l’exercice réel de la relation amoureuse parait pour le moins montée en épingle, comme en témoignent des titres exagérément alarmants[55] : « Le succès controversé de la DR » (Françoise-Marie Santucci), « DR, l’alerte des libraires », « La dark romance sur booktok, sexisme d’un nouveau genre », « Faut-il s’inquiéter du succès de la dark romance, ce genre littéraire qui érotise la maltraitance », « Ces livres pour ados qui glamourisent[56] violence et sexe » (Marie-Estelle Pech), « La dark romance, le genre littéraire sexiste et violent au succès inquiétant » (Thibault Dejace), etc. Mais on comprend pourquoi les éditions « papier » affluent, du coup, pour faire de ces chapitres en ligne non seulement des livres mais aussi des séries et des films (Simon et Shuster pour After, par exemple, ou Black Ink éditions). On peut donc comparer le stéréotype du Fuck it ! à l’obligation pour les réalisateurs financés par Netflix[57] de toujours proposer un What the fuck moment. Pour autant, le continent « gris » des lectures de masse n’a rien d’exceptionnellement nouveau :
Au placard, la collection Harlequin de mamie, l’eau de rose a changé de flacon. Mais il suffit d’arpenter les allées du palais des congrès de Strasbourg, où se tient depuis 2016 un festival de la New Romance, pour s’en assurer : l’ivresse, elle, est toujours là. [...] Certes, on y croise des héroïnes qui parlent de sexe, de harcèlement et vivent d’une manière moins corsetée que leurs ainées, mais certains sujets restent tabous, comme l’infidélité [...][58].
Le fantasme d’être prisonnière mais maîtresse quand même permet de réarticuler deux mythèmes assez courants : le charme secret de la soumission et l’ivresse de la puissance érotique : « Hadès dit sèchement : -Parce que la passion n'a pas besoin d'amour, ma chérie. Perséphone était aussi consciente que lui que leur passion mutuelle était nourrie de désir, pourtant sa réponse la mit hors d'elle. Pourquoi ? Il n'avait pas fait preuve de compassion envers elle, elle qui était une déesse. »[59]. On se souvient alors que Gustave Flaubert faisait de sa Bovary une grande lectrice de romans d’amour chevaleresque, imputant au passage les futurs malheurs de son héroïne à cette ingestion de bluettes mièvres et idéalisantes. Certes, elle aurait été sans doute perplexe devant la… netteté de certains termes, comme devant la précision des situations : « Elle halète mon nom, je caresse son clitoris et replonge encore en elle. Le son de ses cuisses tapant contre mon corps suffit à me faire bander encore.[60] ». Mais, mutatis mutandis, la passion appauvrissante du même, qui préside aux dark romances ou plutôt à leur consommation industrielle, est investiguée par quelques chercheurs et/ou sociologues plus spécialisés comme Sébastien François, Magalie Bigey, Marie-Pierre Tachet ou encore Oliver Belin et la poétesse Oriane Desseiligny. Tous s’interrogent sur ce besoin d’horizontalité dans la transmission et de reconduction permanente des clichés. N’en a-t-il cependant pas toujours été ainsi, même si les formes en effet différaient[61] ? Et répéter comme un mantra protecteur que tout repose sur l’âge et la maturité du lecteur[62] ne fait que renforcer l’évidence. Certes, tous s’accordent sur la nécessité des « paliers d’âge à respecter », mais sans jamais se donner les moyens du fameux « respect », et sans non plus trop expliciter ce qu’est le développement cognitif comparé d’un jeune de treize ans et de son aîné de seize ans. Reste cependant un grand motif de satisfaction : presque toutes les œuvres de dark romance font allégeance aux « prestigieuses ainées » que sont Jane Austen ou Emily Brontë, comme le manifeste ce passage : « Il se penche, ramasse quelques-unes de mes affaires et me tend un exemplaire détrempé des Hauts de Hurlevent en levant un sourcil. Puis il ajoute quelques pulls mouillés et Orgueil et préjugés en ajoutant tristement : - Tiens, celui-ci est en mauvais état [63]».
Il est un peu curieux d’imaginer Asher ou Hardin en médiateurs vers Heathcliff et Darcy, mais il n’en demeure pas moins qu’accompagner, conseiller, relativiser et partager… à propos et autour des romances érotiques crée du lien, et permet d’éprouver cette drôle de féminité, un peu bancale, un peu tapageuse, mais tout aussi sympathiquement badasse que montraient qu’on peut l’être les icônes Buffy (Buffy the Vampire Slayer) ou Daenerys (Game of Thrones) car, comme dit C. Emmanuelle : « Il est temps de tuer les figures de Barbie et de Ken : les femmes n'ont pas éternellement 10 ans et demi. Il est temps d'arrêter de fabriquer des livres genrés, des livres pour les femmes[64] ». Chiche !
Conclusion
Le fait est que si elle est théoriquement destinée à un public majeur, la dark romance est pourtant allègrement consommée par de très (trop) jeunes filles. Avides de frisson, bon nombre en arrivent à ne plus engloutir que pareille junk-food littéraire sans avoir conscience qu’un tel régime risque, à terme, d’avoir un impact sur leur vision du couple et de la sexualité, au point d’en oublier que passion et danger sont deux choses bien distinctes. Candides, elles y puisent inspiration et idéaux sans toutefois disposer de la distance nécessaire à ne pas considérer pareils agissements comme acceptables dans la vraie vie[65].
Tout le monde se renvoie la balle, les uns demandant que soient appliqués aux livres les mêmes PEGI[66] que pour les jeux vidéo (ou les films), les autres reprochant aux éditeurs de capitaliser sur ces succès inattendus au lieu d’alerter (qui ? comment ? mystère !) sur leur supposée nocivité pour les jeunes esprits, et tous critiquant les couvertures aguicheuses et les « quatrièmes » soigneusement édulcorées ; mais en fait, il est aisé de relier entre eux plusieurs faits sociologiques, qui à première vue n’ont pas forcément de liens. On songe en effet à ce goût des petites filles pour des maquillages de plus en plus précoces, comme si dès le plus jeune âge leur seule perspective dans cette vie était de séduire le plus de garçons possible : « Une horde de préados surexcités envahit l’espace et se jette, connaisseuse, sur les crèmes, sérums, mascaras, et autres highlighters attestés. Sur TikTok, c’est l’indignation. [...] Après une rentrée scolaire où le hashtag # backtoschoolmakeup totalisa 179 millions de vues de Teenvogue à Fashion Network, le sujet des fillettes « beauty obsessed » fait débat chez les boomers effarés comme chez les dermatos affolés[67]. »
La lecture des dark romances figure alors comme une continuité de ces si précoces préoccupations de beauté et de conformité, affirmées et scrutées au moins autant que l’influence des DR : « Chaque matin, Charlie, 10 ans, se lève un quart d’heure plus tôt que l’an dernier pour « faire sa skincare ». Le rituel ne comprend que deux ou trois étapes (un nettoyant, une crème hydratante, parfois une brume), mais si sa mère le permettait, il y en aurait beaucoup plus, car « les produits de beauté, c’est (s)a passion. » [...] En janvier, une employée de la chaîne racontait sur TikTok qu’une fille de 10 ans avait dépensé 500 dollars en cosmétiques[68]. » Là encore, c’est dans un passé pas si lointain que plongent les racines de ce contrôle permanent et anxiogène de l’apparence physique. Jadis en effet, dans les revues de mariage, hommes et femmes avaient des codes rigides de présentation : « Mariages d’amour ou d’intérêt, peu importe, le marché de la rencontre traduit la hiérarchie des genres : la femme doit se présenter comme « femme d’intérieur » et le futur mari promettre un statut social en essor. [...] Moralistes, dramaturges et journalistes dénoncent le mercantilisme conjugal et pointent le risque de prostitution, avec les demi-mondaines en coulisse. C’est que ce marché de la rencontre est toujours porteur de fantasmes et de soupçons [...] Quelles menaces sur le peuple des femmes ! Le comble de la candeur et le comble de la vilenie [...] mijotent dans cette marmite de sorcière qu’est une revue de mariages[69]. »
On ne peut évidemment établir une connexion précise entre d’une part les impératifs de beauté[70] ou les sites pour Incels[71], et d’autre part la lecture des dark romances, mais l’on sent bien que pour les instances régulatrices (parents, professeurs documentalistes, libraires), il est difficile de savoir à quel niveau intervenir au risque d’être tout simplement inaudible ou ridicule. Certes il faut déconstruire les clichés sexistes, mais les jeunes adolescentes éprises de bad boys et de scènes d’amour dans les hôtels de luxe sont-elles dupes de ces flots d’eau de rose au piment ? Rien n’est moins sûr… s’il faut en croire l’énergique remarque de Natacha Levet :
J’ai un peu de mal avec ces polémiques qui accusent la dark romance de prédisposer les jeunes filles à des relations toxiques. Un reproche classique adressé depuis des lustres aux femmes qui seraient donc des cruches, incapables de faire la part de la réalité et de la fiction. Ce que je vois, moi, c’est que cela fait lire des filles qui ne lisent pas d’ordinaire, et elles ne sont pas dupes du discours. On ne s’en prenait pas aux hommes qui lisaient SAS ou les Brigades mondaines[72] !
Nous proposons donc à nos contributrices et contributeurs de soumettre leurs propres lectures, ou expériences d’auteur.e.s ou de prescripteur.e.s, pour établir une forme de typologie de ce nouveau genre – nouveau en tout cas comme sujet herméneutique et textualisation sémiotisable.
CALENDRIER :
Remise des abstracts : 30 janvier 2026
Réponses : dans la foulée !
Remise des textes complets : mai 2026
Parution envisagée (après A/R entre contributeureurices et directrice scientifique) : deuxième semestre 2026
BIBLIOGRAPHIE :
Beaucul Merci et Mickaël Cora, Nouvelles notifications, https://www.radio.fr/podcast/nouvelle-notification.
Belin Olivier, « Vers une poésie commune ? Les poètes amateurs de Twitter, Instagram et Wattpad », Nouvelle revue d'esthétique, no 25, 2020, p. 57-66.
Bourdaa Mélanie, Les fans, public actif et engagé, Caen, C&F Éditions, « Les enfants du numérique » 2020.
Collectif, Désirer, Paris, L’iconoclaste, 2023.
Deseilligny Oriane, « Reformuler les processus éditoriaux, déplacer l’imaginaire du best-seller ? Formes, conditions et mythologies du succès en contexte numérique », Revue critique de fixxion française contemporaine, décembre 2017.
Emmanuelle Camille, Lettre à celle qui lit mes romances érotiques, et qui devrait arrêter tout de suite, Paris, Les échappés, 2017.
Laugier Sandra, Éthique, Littérature et Vie humaine, Paris, PUF, 2006.
Murdoch Iris, Metaphysics as a Guide to Morals (1992), London, Penguin Books, 1994.
Nin Anaïs, Auletris, Bouscat, Finitude, 2018.
Rivens Sarah, Captive, t. 1, Paris, Hachette, 2021.
St. Clair Scarlett, Hadès et Perséphone, t. 1, trad. Robyn Stella Bligh, Hugo + roman, 2022.
Thibaud Lio et Chloé, Désirer la violence, Paris, Hachette, « Les insolentes », 2024.
Todd Anna, After, saison 1, trad. Marie-Christine Tricottet, Hugo et compagnie, Le livre de poche, Wattpad, 2015.
Todd Anna, After, saison 2, trad. Claire Sarradel, Hugo et compagnie, Le livre de poche, Wattpad, 2015.
Todd Anna, After, saison 3, trad. Marie-Christine Tricottet, Hugo et compagnie, Le livre de poche, Wattpad, 2015.
Todd Anna, After, saison 4, trad. Marie-Christine Tricottet et Eugénie Chidlin, Hugo et compagnie, Le livre de poche, Wattpad, 2015.
Todd Anna, After, saison 5, trad. Claire Sarradel, Hugo et compagnie, Le livre de poche, Hugo et compagnie, Le livre de poche, Wattpad, 2015.
Résumés Noires, noires, noires romances…
Titre : De Wattpad à TikTok : noires, noires, noires romances en littérature YA
Title : From Wattpad to TikTok : dark, dark, dark romances in YA literature
Résumé :
De Wattpad à TikTok, le surgissement récent d’une étonnante fiction, dans les zones grises de la critique, montre à la fois la force des translations entre réseaux, librairies et influenceuses, la permanence des fantasmes de soumission et d’amour qui fait mal, et la labilité des scansions d’âge dans le lectorat supposé adolescent. Nommées « dark romance » (DR), ces œuvres hyper genrées et essentiellement dématérialisées, se situent donc quelque part entre Les Hauts de Hurlevent et Mauprat. L’influence de Wattpad, de TikTok ou des booktubeuses crée en effet un espace collaboratif addictif, qui permet de s’interroger : s’agit-il d’une littérature cross-age, ou bien d’un ébranlement supplémentaire des âges « doxiques » ? La juvénilisation permanente de notre « Umwelt » s’accommode-t-elle encore des présupposés de la loi du 16 juillet 1949 ? De nombreuses voix dénoncent la supposée nocivité des DR pour les jeunes esprits. Or, certes, il faut déconstruire les clichés sexistes, mais les adolescentes éprises de bad boys et de scènes d’amour dans les hôtels de luxe sont-elles dupes de ces flots d’eau de rose au piment ? Rien n’est moins sûr…
Abstract:
From Wattpad to TikTok, the recent emergence of an astonishing fiction, in the gray areas of criticism, shows both the force of translations between networks, bookstores and influencers, the permanence of fantasies of submission and love that hurts, and the lability of age scans… in the supposedly adolescent readership. Named “dark romance” (DR), these hyper-gendered and essentially dematerialized works are therefore located somewhere between Wuthering Heights and Mauprat. The influence of Wattpad, TikTok or booktubers in fact creates an addictive collaborative space, which allows us to question: is this a cross-age literature, or is it an additional shake-up of the “doxic” ages? »? Does the permanent juvenilization of our “Umwelt” still accommodate the presuppositions of the french law of July 16, 1949? Many voices denounce the supposed harmfulness of DR for young minds. Now, of course, we must deconstruct sexist clichés, but are teenage girls in love with bad boys and sex scenes in luxury hotels fooled by these waves of chilli rosewater? Nothing is less certain...
Mots-clés :
amour ; avertissement ; interactivité ; sexe ; soumission
Keywords:
interactivity; love; sex; submission; trigger warning
[1] Eléonore Hamaide, La Shoah en mots et en images, De Perec à la littérature de jeunesse, PURH, 2024, p. 19.
[2] Les lecteurs sont notamment invités à voter pour les textes, en évaluer le contenu et à émettre des conseils. Ils peuvent également signaler des fautes ou encore souligner un passage particulièrement réussi. Les commentaires constructifs peuvent servir pour l'amélioration du texte et faire évoluer l'auteur dans son écriture… L'application tire donc son originalité d'une écriture tributaire d'autrui, au cœur de laquelle l'interaction ouverte entre auteur et lecteur tient une place cruciale (source : Olivier Belin, « Vers une poésie commune ? Les poètes amateurs de Twitter, Instagram et Wattpad », Nouvelle revue d'esthétique, no 25, 2020, p.57-66.
[3] On aimera lire par exemple https://madame.lefigaro.fr/celebrites/culture/la-romance-l-incroyable-succes-de-cette-nouvelle-litterature-qui-attire-des-jeunes-qui-ne-lisaient-pas-20241208?utm_source=firefox-newtab-fr-fr (consulté le 10 décembre 2024), et https://www.lefigaro.fr/livres/pourquoi-les-maisons-d-edition-sont-elles-depassees-par-le-phenomene-de-la-romance-20250122.
[4] Constance Vilanova, « La dark romance sur Booktok, comme un poison dans l’eau de rose », Libération, 13 juin 2023, p. 18.
[5] Sarah Rivens, Captive, t. 1, Hachette livres, 2021, p. 141.
[6] Émeric Evin et Flora Chauveau, https://www.ouest-france.fr/leditiondusoir/2023-04-06/faut-il-s-inquieter-du-succes-de-la-dark-romance-ce-genre-litteraire-qui-erotise-la-maltraitance-d4cd386f-dc3f-4255-b509-66064f877789
[7] Anna Todd, After, saison 3, trad. Marie-Christine Tricottet, Hugo et compagnie, Le livre de poche, Wattpad, 2015, p. 561.
[8] Sarah Rivens, Captive, t. 1, Hachette livres, 2021, p. 535.
[9] Scarlett St. Clair, Hadès et Perséphone, t. 1, trad. Robyn Stella Bligh, Hugo + roman, 2022, p. 286.
[10] Todd Anna, After, saison 1, trad. Marie-Christine Tricottet, Hugo et compagnie, Le livre de poche, Wattpad, 2015, p. 33.
[11] Sarah Rivens, Captive, t. 1, Hachette livres, 2021, p. 455.
[12] Camille Emmanuelle, Lettre à celle qui lit mes romances érotiques et qui devrait arrêter tout de suite, Les échappés, 2017, p. 40.
[13] Todd Anna, After, saison 4, trad. Marie-Christine Tricottet et Eugénie Chidlin, Hugo et compagnie, Le livre de poche, Wattpad, p. 1.
[14] Anna Todd, After, saison 1, op. cit., p. 803-804.
[15] Les DR en ligne s’écrivent deux mille mots par deux mille mots, pour laisser le temps aux lectrices de commenter, rouspéter, réorienter, exiger… des modifications de tous ordres.
[16] https://www.liberation.fr/lifestyle/la-dark-romance-sur-booktok-sexisme-dun-nouveau-genre-20230610_T67Y76RNPNAEBNX7XOE4AZPLUA/?redirected=1 (consulté le 24 aout 2024).
[17] Camille Emmanuelle, Lettre à celle qui lit mes romances érotiques et qui devrait arrêter tout de suite, Les échappés, 2017, p. 16.
[18] Dans le cadre d’un cycle de formation continue de professeurs documentalistes de l’académie de Corse en 2022-2023.
[19] Le « pass Culture », étendu à tous les élèves depuis 2021, sert aussi à acquérir, en plus des mangas, des ouvrages de développement personnel et de conseils financiers pour les garçons…
[20] Anna Todd, After, saison 3, trad. Marie-Christine Tricottet, Hugo et compagnie, Le livre de poche, Wattpad, 2015, p. 441.
[21] Certains de ces ouvrages n’échappent cependant pas à la censure, comme le montre par exemple l’opposition qu’a suscitée le Bien trop petit, de Manu Causse, considéré comme trop cru par le Ministère de l’Intérieur et donc interdit à la vente aux mineurs (le 17 juillet 2023). Pour l’éditeur Thierry Magnier, qui a mis en place la collection « L’Ardeur » (destinée aux jeunes à partir de 15 ans, dont fait partie le roman Queen Kong), « c’est d’abord une collection qu’on a voulue littéraire dans laquelle on parle de sexualité sans tabou, mais avec une certaine convenance concernant la position des femmes. » (Christine Mathot, https://www.rtbf.be.)
[22] Notons quand même que pour Lauren K. Hamilton, c’est ce qui désigne l’instinct sexuel débridé de son héroïne badass Anita Blake dans le cycle éponyme.
[23] Scarlett St. Clair, Hadès et Perséphone, t. 1, trad. Robyn Stella Bligh, Hugo + roman, 2022, p. 78.
[24] Les sujets suivent souvent l’actualité ou les événements comme la Journée internationale des droits des femmes, ou encore une nouvelle série Netflix. De nombreux prix peuvent être remportés allant d’une aide pour les bourses scolaires à un contrat dans une maison d’édition, rencontrer un auteur ou bien gagner un ordinateur portable.
[25] Scarlett St. Clair, Hadès et Perséphone, t. 1, trad. Robyn Stella Bligh, Hugo + roman, 2022, p. 377.
[26] Constance Vilanova, « Starmania, Portraits de jeunes filles en fans », Libération, 7-8 octobre 2023, p. 44.
[27] Le sigle BMR popularisé par Hachette a immédiatement été interprété par le lectorat comme Beau Mec Rebelle.
[28] Anna Todd, After, saison 3, op. cit., p. 120.
[29] L’homosexualité féminine n’est pas absente, puisque les romans de Tania Byrne, After love, et celui de Pauline Delabroy-Allard, Ça raconte Sarah, évoquent chacun l’histoire d’amour de deux femmes.
[30] Anna Todd, After, saison 3, op. cit. p. 307.
[31] Successivement : mauvais garçon, ronchon au cœur d’or, petit ami monstrueux et… comme son nom l’indique.
[32] Successivement : l’ennemi devenu amoureux, le harceleur devenu amant, l’année d’enseignement dans un lycée, ou une université, très glauque : voir le film The Faculty (Roberto Rodriguez, 1998).
[33] Le trope de la « belle endormie ». Le procès Pélicot (2024) a montré l’effarante toxicité de ce fantasme mortifère, et son profond enracinement dans certaines psychés masculines.
[34] Autrement dit : le trope de la falsification.
[35] Autrement dit, l’écart d’âge (généralement entre un séduisant quadragénaire et une fraiche nymphette).
[36] Successivement : le harem inversé, le « pourquoi choisir », l’horreur érotique et le pornographique sanglant.
[37] Camille Emmanuelle, op. cit., p. 55.
[38] Anna Todd, After, saison 2, trad. Claire Sarradel, Hugo et compagnie, Le livre de poche, Wattpad, 2015, p. 467.
[39] Pour Thierry Magnier, selon Christine Mathot, ces livres sont dangereux : « À un âge où on se construit, montrer un homme – beau et riche – et une femme – belle et dépendante – sont des stéréotypes dangereux. » La sexologue Sylvie Loumaye est aussi mitigée sur le genre de dark romance : « Il y a une érotisation de la violence, une “chosification” du corps de la femme. » Un genre littéraire qui est principalement lu par des filles. Mais comme ce sont essentiellement les garçons qui consultent les sites pornographiques, déjà entre 11 et 13 ans, il est dommage d’interdire l’accès à un roman comme Bien trop petit pour cette tranche d’âge (https://www.rtbf.be/article/dark-romance-et-litterature-erotico-romantique-pour-ados-comment-la-litterature-peut-nous-aider-a-reflechir-a-nous-decouvrir-11287676). Rtbf, Tendance première, 17 novembre 2023.
[40] Anna Todd, After, saison 4, trad. Marie-Christine Tricottet et Eugénie Chidlin, Hugo et compagnie, Le livre de poche,Wattpad, 2015, p. 240.
[41] Aujourd'hui en Europe un phénomène étrange gagne tik-tok et booktok. A côté des livres de dark romance et des mangas, les influenceuses de la génération Z se prennent de passion pour Franz Kafka – l'un des écrivains les plus distinctement européens du siècle dernier, dont on commémore actuellement le centenaire de la mort, et dont Reiner Stach vient de publier le dernier volume de la biographie définitive. « Notre génération est constamment en ligne et connectée, mais au fond, nous nous sentons toujours déconnectés », dit par exemple Margarita Mouka, 25 ans, expliquant au New York Times sa passion pour Le Château. « Je me suis complètement identifiée au cafard de la métamorphose », dit Nast, même âge. La Lettre au Père, le Procès, sont les autres titres devenus best-sellers aux États-Unis comme en Europe. En France, les ventes des œuvres de Kafka ont été multipliées par trois.
[42] Pour l’auteur, il s’agit essentiellement de ne pas interrompre le fil logique de l’histoire dans les fameuses scènes, puisque la lectrice qui n’a pas opté ne doit jamais être surprise ou indisposée par un surgissement d’événements dont elle n’aurait pas l’explication.
[43] Camille Emmanuelle, op. cit., p. 119.
[44] Autrement dit les Involontary Celibates, ou Incels, les célibataires involontaires, persuadés que c’est la malignité des femmes qui les empêche de fonder le couple auquel ils ont droit. Le roman du Suédois Pascal Engman, The Widows, traite exactement cette question, avec tout le déploiement diégétique du « Nordic noir », tandis que sous la plume de Sandrine Lucchini l’histoire de Charlotte Chérie (Black Lab) nous immerge dans ce masculinisme new-look, à la recherche du « mâle alpha » à la mâchoire carrée.
[45] Le poisson-chat : se faire passer pour une tout autre personne, généralement jeune et belle…
[46] Anna Todd, After saison 5, trad. Claire Sarradel, Hugo et compagnie, Le livre de poche, Wattpad, 2015, p. 147.
[47] Anna Todd, After saison 2, op.cit, p. 843.
[48] Camille Emmanuelle, op. cit., p. 11.
[49] Anna Todd, After saison 1, p. 216.
[50] Anna Todd, After saison 1, p. 427.
[51] Sarah Rivens, Captive, op. cit., p. 544.
[52] Anna Todd, After, saison 5, op. cit., p. 485.
[53] Camille Emmanuelle, op. cit., p. 96.
[54] Sarah Rivens, Captive, t. 1, Hachette livres, 2021, p. 364.
[55] « Violences, relations abusives, ambiance malsaine… Ce genre littéraire, qui porte bien son nom de « romance sombre », connaît un vrai succès éditorial ». Slate.fr, https://search.app/SwCmCemYjjLmFUAb7 (consulté le 23/12/2024).
[56]https://www.marianne.net/societe/la-dark-romance-ces-livres-pour-ados-qui-glamourisent-violence-et-sexe#:~:text=D%C3%A8s%20l'%C3%A2ge%20de%2012,entre%20elles%20r%C3%A9am%C3%A9nagent%20leurs%20rayons (consulté le 23/12/2024).
[57] Netflix propose par ailleurs des programmes annoncés comme « torrides », comme Sex/Life, Sombre désir, ou À travers ma fenêtre. La série colombienne Faux Profil enchaîne clairement les scènes de sexe, avec un explicite conseil de ne pas regarder avant 16 ans, mais…
[58] Emilie Gavoille, « New Romance : ce que veulent les femmes », Télérama, no°3865, 07 février 2024, p. 116.
[59] Scarlett St. Clair, Hadès et Perséphone, op. cit., p. 151. On pourra lire ici un commentaire assez typique du genre de réaction induit : Elina Marcelli, sur Musanostra https://www.musanostra.com/dangers-lectures-adolescentes-hades-persephone/ (consulté le 23/12/2024).
[60] Anna Todd, After, saison 5, op. cit., p. 638.
[61] Le lectorat de Barbara Cartland voire de Harlan Coben ou Mary Higgins Clark obéit à peu près au même amour de l’identique, renforcé par le fait que la plateforme Wattpad permet également de partager ses histoires préférées sur Snapchat, laissant les lecteurices mutualiser leur passion pour un récit et se connecter encore plus à travers une expérience commune.
[62] Intéressante est également la tendance, chez les adultes, à redevenir « kidultes » en lisant cette fois des « vrais » livres de jeunesse… comme le signale Clémentine Beauvais dans un article de la journaliste Sophie Carquain (Version Fémina, 14 décembre 2024, p. 10-12 : « Ces adultes, fans de littérature de jeunesse »), où se trouve rappelé son ouvrage : Tout sur la littérature jeunesse, de la petite enfance aux jeunes adultes (Gallimard Jeunesse).
[63] Anna Todd, After, saison 2, op. cit., p. 49.
[64] Camille Emmanuelle, op. cit., p. 130.
[65] Melissa Bellevigne, https://www.liberation.fr/culture/livres/entre-ados-et-dark-romance-des-liaisons-dangereuses-20241126_CIFQFQEDLZFK7IL6DG3Y4ZSLZA/?redirected=1. (consulté le 23/12/2024).
[66] Pan European Game Information.
[67] Esther Ledroit, « Qui a peur des cosméto-babies ? », Marie-Claire, n° 860, 3 avril 2024, p. 36, ou https://www.pressreader.com/france/marie-claire/20240403/281818583847918 (consulté le 23/12/2024).
[68] Valentine Pétry, « Petites reines de beauté », Elle, 14 mars 2024, p. 122.
[69] Claire-Lise Gaillard, « Pas sérieux s’abstenir, histoire du marché de la rencontre. xixe-xxe siècles », Télérama, n°3866, 14 février 2024, p. 42-43. Aujourd’hui, on peut songer à la série Et si on se rencontrait ? (https://www.6play.fr/et-si-on-se-rencontrait--p_19477), (consulté le 23/12/2024).
[70] Un film réhabilite cependant la figure de la bimbo : Diamant Brut, de Agathe Riedinger (2024) – ce que commente également le livre d’Edie Blanchard, Bimbo. Repenser les normes de la féminité (JC Lattès).
[71] Signalons que le roman de Sandrine Lucchini, Charlotte Chérie, documente une plongée inquiétante dans le monde des cercles masculinistes (Black Lab, 2024)…
[72] Natacha Levet (Le Roman noir : une histoire française, PUF, 2024) en réponse à la question d’Alexandra Schwartzbrod : « Et la dark romance, qu’en pensez-vous ? », Libération, 29 mai 2024, https://www.liberation.fr/culture/livres/le-roman-noir-retranscrit-mieux-que-jamais-la-complexite-du-monde-20240529_PDMPUDF35JH6ZB33YMTGKPUIXY/?redirected=1, consulté le 30 juin 2024. Dans le même ordre d’idées, on lira, sur la romantasy, le long entretien accordé par Lauren Roberts à Anne Besson, dans Chimères 2, Le meilleur des mondes imaginaires (revue trimestrielle, hiver 2024, pp. 54-57) – entretien malheureusement trop profus pour être reproduit ici.