Scènes arabes en festivals. Enjeux de la circulation des œuvres et des artistes arabes dans les festivals internationaux, Europe-SWANA (Lyon)
Appel à communications / Call for Papers / دعوة لتقديم المداخلات
Colloque international (Université Lumière Lyon 2 – APPI, Université Bordeaux Montaigne)
Lyon, 16 & 17 juin 2026
[For English & Arabic, see website]
Scènes arabes en festivals
Enjeux de la circulation des œuvres et des artistes arabes dans les festivals internationaux (Europe-SWANA)
Ce colloque est organisé dans le cadre du projet FesTA (Festivalisation des Théâtres Arabes) lauréat de l’APPI 2025-2026 (Appel à Projet Pluridisciplinaire Interne) de l’Université Lumière Lyon 2.
À partir de la seconde moitié du XXᵉ siècle, puis de manière accélérée dans les années 1990, la circulation des œuvres et des artistes ainsi que les échanges se sont multipliés au point de représenter un moment d’ouverture et de mobilité fondamental dans le secteur de la culture. Les festivals internationaux constituent dès lors le fer de lance de ces nouveaux paradigmes au point de constituer un écosystème festivalier au croisement d’enjeux locaux, nationaux, régionaux et internationaux.
Dans les pays arabes, les années qui ont suivi les Indépendances ont vu émerger de grands festivals fondateurs tels ceux de Baalbeck au Liban (1956) ou Carthage en Tunisie (1964). Dans les années 1980 et 1990 apparaissent des festivals nationaux (à vocation internationale mais dotés et soutenus par les États) principalement tournés vers le théâtre, et des festivals universitaires que l’on peut dans une certaine mesure considérer comme leurs pendants dédiés à la jeunesse – surtout lorsqu’ils sont organisés dans des universités publiques. Depuis le début du XXIème siècle cependant, ce sont d’autres types de festivals qui voient le jour dans les pays arabes. Ils sont souvent à l’initiative d’artistes et davantage tournés vers la pluridisciplinarité, et sont plus enclins à s’emparer de thématiques politiques et sociales, tout en cherchant à tisser des liens – parfois complexes – entre l’échelle locale et les perspectives internationales. Ces festivals accompagnent et sont le témoin d’un renouvellement de la création théâtrale et chorégraphique dans les pays du SWANA (South West Asia and North Africa / Asie du Sud-Ouest et Afrique du Nord), en particulier du fait de l’émergence d’initiatives indépendantes dans les années 1990, cherchant à produire des spectacles d’envergure professionnelle tout en s’émancipant – dans la mesure du possible – des financements étatiques. Ces festivals dédiés à la création arabe semblent enfin avoir connu une nouvelle dynamique au lendemain des mouvements révolutionnaires de 2011 (Amine 2020) bénéficiant d’une nouvelle ouverture sur l’Europe, alors que de pair d’autres initiatives témoignent de la remise en question de cette dépendance des scènes arabes à l’égard des structures et réseaux européens : le Festival du Théâtre Arabe, initiative régionale panarabe sous l’égide des Émirat Arabes Unis pourrait présenter un modèle de festival « résistant à l’hégémonie théâtrale occidentale » (Knowles 2020).
Par ailleurs, l’étude de la place occupée par les artistes arabes sur les scènes festivalières ne peut faire l’économie de l’analyse de leur présence dans les festivals européens. Cette présence a d’abord été marginale et assez circonscrite à des festivals thématiques à forte dimension militante (voir notamment pour le cas des artistes palestinien·nes en France : Thiébot 2019), dans des programmations festivalières marquées par un tropisme méditerranéen (Rencontres à l’Échelle Marseille, Campania Teatro Festival Naples), et/ou dans des villes à l’histoire marquée par l’immigration (c’est vrai pour les deux précédents, ainsi que pour le festival Shubbak fondé à Londres en 2011) mettant ainsi en jeu deux échelles locale et globale ou « glocale » (Djaoukane et Négrier, 2021). Depuis une décennie cependant, la scène artistique arabe tend à être de plus en plus présente sur les scènes festivalières (on pense à l’édition dédiée à la langue arabe à Avignon en 2025 même si on constatait déjà une nette augmentation de la programmation arabe sous la direction d’Olivier Py, ou encore au focus palestinien à Édimbourg en 2025, ou encore à la Saison France-Méditerranée 2026 pour ne citer que les exemples les plus récents). Néanmoins, les polémiques autour de la programmation de la 79ème édition du Festival d’Avignon en 2025 et de la quasi-absence du texte dans les productions arabes programmées, tout autant que le traitement très inégal du génocide à Gaza dans les festivals tournés vers les scènes arabes depuis 2023 montrent que la question ne se pose pas uniquement en termes quantitatifs. Dans ses récents travaux (2022), Ric Knowles souligne l’existence de nouveaux enjeux liés aux questions d’interculturalité au cœur de ces festivals internationaux où les programmations rassemblent des artistes du monde entier, à destination de publics locaux mais aussi internationaux. Aux enjeux esthétiques et économiques viennent alors s’ajouter d’évidents enjeux politiques, au croisement de l’histoire des représentations et de l’actualité internationale. La forte concentration de la programmation des artistes arabes dans le cadre de festivals, de focus ou de « temps forts », en comparaison à leur programmation dans le cadre de saisons régulières, vient aussi interroger les modalités de production et de diffusion des œuvres arabes à toutes les échelles. Cette concentration pose la question d’une « festivalisation » de ces œuvres, c’est-à-dire leur inscription dans un cadre « structuré et marketé » (Knowles 2022), ou encore dans ce que Jean Jourdheuil nommait en 2010 « système festivalier » ou encore mieux « dispositif festivalier », critique reprise par Olivier Neveux en 2013 à l’égard d’une logique de programmation obéissant aux lois du néolibéralisme.
L’augmentation du nombre de festivals dédiés aux arts de la scène dans les pays arabes tout autant que la présence accrue des artistes arabes sur les scènes festivalières européennes, dans la cadre d’une multiplication globale du nombre de festivals et de leurs modèles constituent donc des constats sur lesquels reposent les questions soulevées par ce colloque international. Dans le cadre de ces circulations, circonscrire ce qui est entendu par « artistes arabes » est central : à l’étude des programmations on constate que certains festivals se focalisent sur la production des artistes implantés dans les pays arabes, lorsque d’autres octroient une large place aux artistes des diasporas – les événements festivaliers étant d’ailleurs parfois leur porte d’entrée dans le champ théâtral national et/ou européen.
S’intéresser à la circulation des scènes arabes contemporaines, c’est donc s’intéresser à la genèse et à la construction des festivals dans les pays arabes et à la place qu’ils donnent aux artistes sur leurs scènes, ainsi qu’à l’histoire, l’actualité et les enjeux de la programmation des artistes dans les festivals en Europe. Il s’agit ici de dresser un panorama des festivals existants ainsi que des réseaux qui les lient, en les envisageant à la fois comme points nodaux entre scènes arabes contemporaines et institutions et structures européennes et en interrogeant les circulations spécifiques internes aux pays et régions arabes. Cela invite à penser ces réseaux mais aussi ce qui se passe en-dehors ou à leurs marges, en interrogeant la perméabilité de ces modalités de circulations.
Ce faisant, ce travail permet de réfléchir le modèle festivalier en lui-même et dans son ensemble, son histoire et sa pérennité, ses évolutions et ses usages – préoccupation majeure tant pour les opérateur·ices culturel·les, que pour les instances de la politiques culturelles (étatiques ou issues de la société civile), que pour les artistes et les chercheur·euses.
Cette étude articule deux axes structurants, l’un esthétique, l’autre s’inscrivant dans l’étude socio-économique du spectacle vivant et en particulier l’internationalisation des champs ; ces deux axes s’inscrivant bien sûr au croisement d’enjeux politiques majeurs. L’axe esthétique interroge les formes, les genres et les types de récits proposés : Quelle est la place octroyée aux esthétiques locales dans un réseau festivalier international au sein duquel certain·es chercheur·euses ont souligné le risque d’une standardisation des esthétiques pour intégrer la « communauté esthétique » festivalière (Schryburt, 2016) ? Cette question englobe celle des dramaturgies tout autant qu’un accès inégal aux moyens techniques entre les pays de formation, de création et de diffusion. Quels sont les types de récits qui circulent ? Existe-t-il une forme de censure plus ou moins insidieuse les agençant ? Quelle est la place octroyée (permise ?) à la langue arabe et aux langues arabes ? L’axe socio-économique comprend l’étude des enjeux économiques et juridiques liées à la production et à la diffusion des spectacles dans un triple contexte de forts déséquilibres économiques, politiques et symboliques (entre les pays du sud de la méditerranée et les pays européens ; à l’intérieur des pays arabes entre les réseaux officiels et les expériences indépendantes ; et en Europe entre les festivals nationaux à gros budget et les expériences plus locales, voire plus confidentielles). C’est aussi l’ensemble des logiques de coopérations qu’il faut investiguer notamment les réseaux artistiques transnationaux par l’étude des différents acteurs et des différents relais des festivals, des partenariats et des coproductions mises en place.
Plusieurs pistes de travail peuvent être envisagées dans les communications :
- Genèse et actualité de festivals des arts de la scène arabes (à l’échelle d’un festival ou d’un pays) via des études de cas
- Enjeux régionaux des festivals de spectacle vivant dans la région SWANA
- Programmation, production, diffusion des artistes arabes dans les festivals européens
- Discours et enjeux autour de la programmation des artistes arabes dans les festivals européens
- Analyse des réseaux via des trajectoires artistiques spécifiques (études de cas de parcours d’un·e artiste, d’une compagnie, etc.)
- Analyse thématique ou disciplinaire
- Analyse esthétique et politique des enjeux de programmation, dramaturgies festivalières
Bibliographie indicative :
AMINE Khalid, « Chap. 9: Theatre Festivals in Post-Arab Springs countries », in The Cambridge Companion to International Theatre Festivals, Ric KNOWLES (dir.), Cambridge University Press, 2020, p. 147-161.
CARLSON Marvin, « Theatre festivals in the Arab world », Contemporary Theatre Review, 13, 2003. p. 42-47.
CHABRAT-KAJDAN Astrid, « È lecito sognare quando si hanno vent’anni»: il festival multidisciplinare marsigliese Les Rencontres à l’Échelle ha festeggiato il suo anniversario », IF Magazine, il racconto dei festival , 31 juillet 2025, [En ligne, https://www.ifmagazine.org/article/les-rencontres-a-lechelle]
DJAOUKANE, Aurélien et al. « Fusions globales, effusions locales. Festivals et mondialisation ». Hermès, La Revue, 2020/1 n° 86, 2020. p.51-58 : [En ligne : shs.cairn.info/revue-hermes-la-revue-2020-1-page-51?lang=fr].
DONIZEAU Pauline, « Faire d’Avignon ‘une sorte de Grenade, de ville dans laquelle toute la Méditerranée s’est synthétisée’. Retour sur la programmation arabe du festival d’Avignon 2022, Regards n°29, 2023 p. 179-189, [En ligne : https://journals.usj.edu.lb/regards/article/view/810].
DONIZEAU Pauline, « Ces derniers festivals indépendants en Égypte », Orient XXI, article mis en ligne le 22 mars 2019, [En ligne : https://orientxxi.info/lu-vu-entendu/theatre-ces-derniers-festivals-independants-en-egypte,2981] .
FISCHER-LICHTE Erika, « European Festivals », in KNOWLES R.The Cambridge Companion to International Theatre Festivals, op. cit., 2020, p. 87-200.
FLECHET Anaïs, GOETSCHEL Pascale, HIDIROGLOU Patricia, JACOTOT Sophie, MOINE Caroline, VERLAINE Julie (dir.), Une histoire des festivals, XXe-XXIe siècle, Paris, Publications de la Sorbonne, coll. Histoire contemporaine, 2013, 354 p.
JOURDHEUIL Jean, « Le théâtre, la culture, les festivals, l'Europe et l’euro. Essai pour élaborer un cadre permettant de penser l’histoire du théâtre contemporain », Revue Frictions, 17, 2011, p. 19-51.
KNOWLES Ric (dir.), The Cambridge Companion to International Theatre Festivals, Cambridge, Cambridge University Press, 2020
KNOWLES Ric, International Festivals and the 21st-Century Interculturalism, Cambridge, Cambridge University Press, 2022, 332 p.
NEGRIER Emmanuel, JOURDA Marie-Thérèse, Les nouveaux territoires des festivals, Paris, Michel de Maule, 2007, 200 p.
SAPIRO Gisèle, PACOURET Jérôme, PICAUD Myrtille, SEILER Hélène, « L’amour de la littérature : le festival, nouvelle instance de production de la croyance. Le cas des Correspondances de Manosque », Actes de la recherche en sciences sociales, 206-207 (1), 2015, p. 108-137.
THIEBOT Emmanuelle, Dramaturg(i)es du conflit israélo-palestinien en France. Entre assignations identitaires et résistances, thèse en Arts plastiques et musicologie, Université de Caen, 2019, soutenue en novembre 2019, 620 p.
SCHRYBURT Sylvain, « Économie festivalière et communautés esthétiques », Communication, Colloque international « L’art et l’argent : financement du travail artistique et enjeux socio-esthétiques - Art and money: the socio-aesthetic implications of arts funding », 20 & 21 mai 2016, Paris, EHESS, organisé par Annelies Fryberger, Viviane Waschbüsch & Marion Duquerroy [En ligne : https://www.youtube.com/watch?v=Y-EcnxVMu3s].
Pour soumettre une proposition :
Les propositions de communication sont à envoyer avant le 15 février 2026 à l’adresse suivante : projet.festa@gmail.com
Longueur attendue : 2500 à 3000 signes espaces compris.
Y seront mentionnés les nom et prénom de leur auteur·rice, leur adresse mail et leur affiliation académique.
Les propositions et communications seront prioritairement en français ou en anglais. Pendant le colloque, les échanges pourront se tenir en français, en anglais et en arabe.
Les réponses seront communiquées à leurs auteur·rices pour le 15 mars 2026.
Comité d’organisation :
Astrid Chabrat-Kajdan, Université Lumière Lyon 2
Pauline Donizeau, Université Lumière Lyon 2
Omar Fertat, Université Bordeaux Montaigne
Comité scientifique :
Annamaria Bianco, Aix-Marseille Université
Astrid Chabrat-Kajdan, Université Lumière Lyon 2
Mahmoud Chahdi, Institut supérieur d’art dramatique et d’animation culturelle (ISADAC), Rabat, Maroc
Sylvain Diaz, Université de Strasbourg
Pauline Donizeau, Université Lumière Lyon 2
Omar Fertat, Université Bordeaux Montaigne
Bérénice Hamidi, Université Lumière Lyon 2
Zohra Makach, Université Ibn Zohr, Agadir ; directrice du FITUA (Festival international du théâtre universitaire d’Agadir)
Najla Nakhlé-Cerruti, Ifpo/CNRS
Marianne Noujaim, Université Saint-Joseph, Beyrouth
Claudia Palazzolo, Université Lumière Lyon 2
Monica Ruocco, Université L’Orientale, Naples
Daniel Urrutiaguer, Université Paris 3 Sorbonne-Nouvelle