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La mémoire collective dans les longs-métrages fictionnels contemporains (Ottawa, Canada)

La mémoire collective dans les longs-métrages fictionnels contemporains (Ottawa, Canada)

Publié le par Faculté des lettres - Université de Lausanne (Source : Karine Bertrand)

 La mémoire collective dans les longs-métrages fictionnels contemporains

Université d’Ottawa (Canada) 11-12 juin 2026

La mémoire collective et l’action de se souvenir (« remembering ») occupent une place importante dans le cinéma, que ce soit à travers divers thèmes qui explorent l’histoire des individus et des nations ou à travers l’agentivité du spectateur qui utilise ses propres souvenirs (et son imagination) pour donner un sens au récit. 

La mémoire collective a d'abord été explorée en profondeur par le sociologue Maurice Halbwachs qui, dans son ouvrage Les cadres sociaux de la mémoire, publié en 1925, a proposé de nouvelles façons d’envisager la mémoire comme une mosaïque d’expériences communes et partagées auxquelles contribuent de nombreux individus. Plus précisément, Halbwachs a déclaré que les souvenirs collectifs et individuels semblent représenter l’unité plutôt que la disparité, car les souvenirs personnels sont considérés à travers le prisme d’un groupe ou d’un collectif « dont la présence est essentielle pour déclencher et valider les instances du souvenir » (Isurin, 2017, 10). L’une des questions majeures qui se posent dans l’étude de la mémoire, outre la recherche d’une terminologie appropriée, est par exemple l’adoption des termes « souvenir » et « se souvenir » pour refléter « la nature dynamique du processus mémoriel » (Isurin, 2017, 11). 

La mémoire collective a depuis été comprise et définie de nombreuses façons et à travers différents prismes, notamment la psychanalyse, l’histoire, la sociologie, etc. Au fil du temps, et en particulier au cours des vingt-cinq dernières années, des auteurs tels que Boyer et Wertsch (2009) ont appelé à « briser les frontières disciplinaires » afin d’explorer le phénomène de la mémoire humaine (ibid., 11). Le domaine des études cinématographiques est peut-être l’un des domaines les plus intéressants en termes d’interdisciplinarité et d’abolition des frontières entre les champs de recherche, dans le sens où ces dernières intègrent, déforment et repositionnent de manière fluide les définitions et les concepts provenant des autres champs de recherche. De plus, un large éventail de films démontre ce lien qui existe, par rapport à la mémoire, entre l’individu et le collectif, entre le personnel et le politique. Les histoires personnelles (par exemple, les récits sur les pensionnats racontés par des cinéastes autochtones) deviennent alors les histoires partagées de nations entières. En ce qui concerne les travaux effectués au cours du dernier quart de siècle, des chercheurs tels que Martin Lefebvre et Jay Winter ont exploré le lien entre la mémoire et l’imagination dans l’expérience cinématographique (Lefebvre, 2017), ainsi que la manière dont les films dépeignent et façonnent notre compréhension de la mémoire, tant individuelle que collective, en utilisant souvent une « matrice » de culture visuelle et de narration pour créer une nouvelle réalité (Winter, 2001). Récemment, des efforts ont également été déployés pour restaurer et préserver les archives cinématographiques vulnérables (par exemple, grâce au projet Archive-Counter-Archive financé par le CRSH), contribuant ainsi à la survie des mémoires collectives et culturelles des communautés autochtones, des femmes et des membres des communautés 2SLGBTQIA+.

Bien que le thème de la mémoire collective et de l’acte de se souvenir ait été particulièrement présent dans les courts-métrages documentaires et/ou autobiographiques, les recherches sur les longs-métrages de fiction et leur représentation de la mémoire collective sont plutôt rares. Ainsi, à travers cette conférence, nous cherchons à répondre à certaines des questions suivantes : Comment les transformations de la mémoire collective ont-elles été traitées et/ou initiées dans les longs-métrages fictionnels réalisés au cours des 25 dernières années ? Comment la postmémoire, définie comme « la relation de la deuxième génération à des expériences puissantes, souvent traumatisantes, qui ont précédé leur naissance » (Hirsch, 2008) est-elle illustrée dans ces films? Que signifie cet engagement d’une collectivité dans un acte de « remémoration » à travers la réalisation cinématographique ? Quelle est la pertinence et l’importance de voir leurs souvenirs et/ou ceux de leur nation, de leur famille et de leurs ancêtres représentés à travers le cinéma ? Comment une histoire individuelle devient-elle collective, et comment le personnel devient-il politique? Comment la nostalgie (positive et négative) est-elle instrumentalisée et comment sert-elle les personnages de ces œuvres mémorielles ?

L’objectif de cette conférence est d’offrir aux chercheurs un forum leur permettant d’explorer le rôle de la mémoire collective et du souvenir en relation avec les thèmes fondamentaux représentés dans les films contemporains (post-11 septembre 2001). Bien que nous ayons identifié plusieurs thèmes centraux ci-dessous, nous encourageons les chercheurs intéressés à considérer ces derniers comme des lignes directrices dans le cadre du thème plus général de la conférence, « La mémoire collective dans le cinéma ». Ces axes thématiques peuvent être interprétés de manière large et sont destinés à couvrir un grand éventail historique, géographique, social et culturel. Nous encourageons vivement l’exploration des films réalisés par des personnes issues des communautés BIPOC, des femmes, des membres de la communauté 2SLGBTQIA+ et des cinéastes en exil.

Thèmes suggérés

•  Résilience et résistance : Comment l’acte de se souvenir et la commémoration ont-ils contribué diverses communautés et individus à surmonter des passés difficiles et à résister aux mouvements antidémocratiques et au colonialisme ? (Ex: Of Ravens and Children, Arnait Video Productions, 2015 et Bamako, Abderrahmane Sissako, 2006).

Transmission intergénérationnelle : Comment la transmission intergénérationnelle de la mémoire s’opère-t-elle dans le cinéma ? Comment les conflits intergénérationnels sont-ils représentés ? Comment ce processus de partage (entre les protagonistes, et entre le public et le film) construit-il la mémoire collective ? (Ex : Ida, Pawel Palikowski, 2010 et L’Arbre et la forêt, Olivier Ducastel et Jacques Martineau, 2010).

 Postmémoire : Comment la deuxième génération de survivants d’un traumatisme exprime-t-elle sa propre relation avec le traumatisme et la mémoire à travers le cinéma ? Comment le deuil et le chagrin sont-ils représentés dans ces œuvres ? (Ex : Persepolis, Marjane Satrapi, 2007 et La petite prairie aux bouleaux, Marceline Loridan Ivens, 2002).

Archives : Comment les archives visuelles, écrites et sonores ont-elles été utilisées dans les films pour raviver les souvenirs personnels et collectifs ? Quelles sont les pratiques d’archivage qui peuvent servir d’exemples ou qui mettent en évidence les risques et les défis liés à l’utilisation d’archives ? (Ex : Everything is Illuminated, Liv Schriber, 2005 et Beans, Tracey Deer, 2020).

•  Traumatisme, affect et émotion : Comment les traumatismes et les réactions émotionnelles influencent-ils le souvenir dans les films ?  (Ex : Ru, Charles-Olivier Michaud, 2023 et Coming Home, Yimou Zhang, 2014).

•  Migration et (post)colonialisme : Comment les histoires coloniales et les expériences migratoires façonnent-elles la mémoire et l’identité collectives ? Que pouvons-nous apprendre sur la mémoire collective des groupes marginalisés à travers le cinéma ? (Ex : Kanaval, Henri Pardo, 2023 et The Namesake, Mira Nair, 2006).

•  Intersectionnalité, race, sexualité et genre : Comment la race, la sexualité, la classe socio-économique et le genre ont-ils façonné les pratiques mémorielles (y compris le souvenir) et les récits historiques dans le cinéma ? (Ex : Atlantique, Mati Diop, 2019 et 120 battements par minute, Robin Campillo, 2017).

Espace et territoire : quel rôle joue la relation au lieu et à l'espace dans la mémoire individuelle et collective ? Quels espaces sont partagés, et lesquels sont contestés ou divisés ? (Ex : Littoral, Wajdi Mouawad, 2004 et Maria Chapdelaine, Sébastien Pilote, 2021).

 Nostalgie : Quel rôle joue la nostalgie (positive et négative) dans la mémoire individuelle et collective ? (Ex: I’m Still Here, Walter Salles, 2024 et Good Bye Lenin!, Wolfgang Becker, 2003).

•  Voix de la mémoire : Quelles voix sont entendues et lesquelles ne le sont pas dans les processus de mémoire collective ? (The Old Oak, Ken Loach, 2023 et The History of Sound, Oliver Hermanus, 2025).

La conférence aura lieu à l’Université d’Ottawa (Ontario, Canada) les jeudi et vendredi 11 et 12 juin 2026. La mise en place d’un panel virtuel est envisageable, selon les circonstances. Vous pouvez envoyer votre résumé de 250 à 300 mots, accompagné de votre affiliation et d'une courte biographie, avant le 30 décembre 2025, à l’une des adresses suivantes :

Karine Bertrand: kb162@queensu.ca

Florian Grandena: florian.grandena@uottawa.ca

Claire Gray: Claire.gray@dal.ca

Nous vous aviserons de votre acceptation avant le 20 janvier 2026.

 

Bibliographie

Boyer, Pascal, and James V. Wertsch, eds. Memory in Mind and Culture. Cambridge University Press, 2009.

Halbwachs, Maurice. Les cadres sociaux de la mémoire. Albin Michel, 2009.

Hirsch, Marianne. « The Generation of Postmemory ». Poetics Today 29, no. 1 (2008): 103-128.

Isurin, Ludmila. Collective Remembering: Memory in the World and in the Mind. Cambridge University Press, 2017.

Lefebvre, Martin. « On Memory and Imagination in the Cinema ». New Literary History 30, no. 2 (1999): 479-498.

Winter, Jay. « Film and the Matrix of Memory ». The American Historical Review 106 no.3 (2001): 857-864.

 

Conference. University of Ottawa, June 11-12, 2026 (English version)

Collective Memory in Contemporary Fiction Films

Abstract: Collective memory and remembrance occupy an important place in film: whether through various themes that explore individual and national histories of; through the act of spectating (the act of watching a film), where the audience contributes their interpretation of the film; or where the audience uses their own memories to make sense of the narrative. 

Collective memory was first thoroughly explored by sociologist Maurice Halbwachs, who, in his 1925 book Les cadres sociaux de la mémoire, proposed new ways of envisioning memory as a mosaic of common and shared experiences contributed to by many individuals. More specifically, Halbwachs stated that collective and individual memories seem to represent unity rather than disparity because personal memories are viewed through the perspective of a group or collective “whose presence is essential for triggering and validating instances of remembrance” (Isurin, 2017, 10). One of the major issues that has arisen from studying memory, along with the search for the right terminology – is, for example, the adoption of the terms “remembrance” and “remembering” to reflect “the dynamic nature of the memory process” (Isurin, 2017, 11). 

Collective memory has since been understood and defined in many ways and through various lenses including psychoanalysis, history, sociology, etc.). Over time and especially in the last twenty-five years, authors such as Boyer and Wertsch (2009) have called for “breaking the boundaries of discipline” in order to explore the phenomenon of human memory (ibid, 11). The discipline of film studies is perhaps one of the most interesting areas in terms of interdisciplinarity and breaking down of boundaries between fields of research. It often integrates, distorts and repositions definitions and concepts from various disciplines with much fluidity. Moreover, a vast array of films demonstrates this connection that exists between the individual and the collective, between the personal and the political. Personal stories (e.g. narratives surrounding residential schools told by Indigenous filmmakers) become the stories of entire nations. In the last quarter century or so, scholars such as Martin Lefebvre and Jay Winter have explored the connection between memory and imagination in the experience of film (Lefebvre, 2017) as well as the ways in which movies depict and shape our understanding of memory, both individual and collective, often employing a “matrix” of visual culture and narrative to create a new reality” (Winter, 2001). Recently, there has also been efforts to restore and preserve life vulnerable film archives (e.g. through the SSHRC funded project Archive-Counter-Archive), thus contributing to the survival of the collective and cultural memories of Indigenous, women, and 2SLGBTQIA+ communities.

Although the theme of collective memory/remembering has been particularly prevalent regarding documentary and or autobiographical short films, research on feature-length fiction films and their rendering of collective memory/remembering is (to our knowledge) rare. Thus, through this conference, we seek to answer some of the following questions: How have transformations in personal and collective memory been processed and/or initiated in feature-length fiction films made in the last 25 years? How is postmemory, which is defined as “the relationship of the second generation to powerful, often traumatic, experiences that preceded their births” (Hirsch, 2008) illustrated in fiction films? What does it mean for a collectivity to engage in the act of “remembering” through filmmaking? What is the relevance and significance of having their memories and/or the memories of their nations, families, and ancestors represented through film? How does an individual story become collective (i.e. how does the personal become political)? In these works, how is nostalgia (both positive and negative) instrumentalized, and how does it serve its characters?

The aim of this conference is to provide a forum for scholars to explore the role of collective memory and remembrance in relation to foundational themes represented through contemporary (post 9/11) films. Although we have identified several central thematic streams below, we encourage interested scholars to treat these themes as guidelines within the broader conference theme of “Collective Memory in Film.” These themes and thematic strands may be interpreted widely and are intended to have a wide historical, geographical, social, and cultural range. We strongly encourage the exploration of films made by BIPOC, 2SLGBTQIA+, women and exilic filmmakers.

Thematic Streams

Resilience and Resistance: in what ways has the act of remembering and commemorating contributed to overcoming difficult pasts and resisting undemocratic movements and colonialism? (e.g. Of Ravens and Children, Arnait Video Productions; 2015, Bamako, Abderrahmane Sissako, 2006).

Intergenerational Transmission: How does the intergenerational transmission of memory take place in film? How are intergenerational conflicts represented? How does this sharing process (between protagonists, and between the audience and the film) build collective memory? (e.g. Ida, Pawel Palikowski, 2010; L’Arbre et la forêt, Olivier Ducastel et Jacques Martineau, 2010).

Postmemory: How have the second-generation of trauma survivors expressed their own relationship with trauma and memory through film? How are mourning and grief represented in these works? (e.g. Persepolis, Marjane Satrapi, 2007; La petite prairie aux bouleaux, Marceline Loridan Ivens, 2002).

Archives: How have visual, written and aural archives been used in films to reignite personal and collective memories? What are the archiving practices that can serve as examples to follow or demonstrate risks and challenges? (e.g. Everything is Illuminated, Liv Schriber, 2005; Beans, Tracey Deer, 2020.).

Trauma, Affect, and Emotion: How do trauma and emotional responses affect remembrance in films?  (e.g. Ru, Charles-Olivier Michaud and Kim Thuy, 2023; Coming Home, Yimou Zhang, 2014).

Migration and (Post)Colonialism: How do colonial histories and migration experiences shape remembrance and collective memory and identity? What can we learn, about remembrance and collective memory from marginalized groups through film? (e.g. Kanaval, Henri Pardo, 2023; The Namesake, Mira Nair, 2006).

Intersectionality, Race, Sexuality and Gender: How have race, sexuality, socio-economic class, and gender shaped memory practices (including remembrance) and historical narratives in film? (e.g. Atlantique, Mati Diop, 2019; 120 battements par minute, Robin Campillo, 2017).

Space and Territory: What role does the relationship to place and space play in regard to individual and collective memory? Which spaces are shared, and which are contested or divided? (e.g. Littoral, Wajdi Mouawad, 2004; Maria Chapdelaine, Sébastien Pilote, 2021).

Nostalgia: What role does nostalgia (both positive and negative) play regarding individual and collective memory? (e.g. I’m Still Here, Walter Salles, 2024; Good Bye Lenin!, Wolfgang Becker, 2003).

Voices of Memory: Which voices are heard and which are not in collective memory processes? (e.g. The Old Oak, Ken Loach, 2023; The History of Sound, Oliver Hermanus, 2025).

The conference will take place at the University of Ottawa (Ontario, Canada) on Thursday and Friday June 11-12, 2026. The establishment of a virtual panel is a possibility, depending on the circumstances. You can send your abstract of 250-300 words, along with your affiliation and short bio, before December 30th, 2025, to either:

Karine Bertrand: kb162@queensu.ca

Florian Grandena: florian.grandena@uottawa.ca

Claire Gray: Claire.gray@dal.ca

You will be advised if your abstract has been accepted before January 20th, 2026.

Bibliography

Boyer, Pascal, and James V. Wertsch, eds. Memory in Mind and Culture. Cambridge University Press, 2009.

Halbwachs, Maurice. Les cadres sociaux de la mémoire. Albin Michel, 2009.

Hirsch, Marianne. "The Generation of Postmemory." Poetics Today 29, no. 1 (2008): 103-128.

Isurin, Ludmila. Collective Remembering: Memory in the World and in the Mind. Cambridge University Press, 2017.

Lefebvre, Martin. "On Memory and Imagination in the Cinema." New Literary History 30, no. 2 (1999): 479-498.

Winter, Jay. "Film and the Matrix of Memory." The American Historical Review 106, no. 3 (2001): 857-864.