Féminisme républicain remis en question : Perspectives intersectionnelles, transnationales et décoloniales sur l’universalisme (Colloque international en ligne)
Féminisme républicain remis en question
Perspectives intersectionnelles, transnationales et décoloniales sur l’universalisme
Colloque international en ligne
Mardi 7, mercredi 8 et jeudi 9 avril 2026
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‘Pourquoi ceux qui se pensent et se disent universalistes sont-ils convaincus qu’il n’en existe qu’une seule forme – celle qu’ils professent‘ (Suaudeau and Niang 2022, 6).
‘Ma conception de l’universel est celle d’un universel riche de tout le particulier, riche de tous les particuliers, approfondissement et coexistence de tous les particuliers‘ (Césaire 2008 [1956]).
‘Toutes les femmes qui vivent dans l’espace de la République française ne bénéficient pas automatiquement des droits accordés aux femmes françaises blanches‘ (Vergès 2019, 51).
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Version anglaise: https://womeninfrenchaustralia.wordpress.com/questioning-republican-feminism/
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Conférencières invitées: Françoise Vergès, Mame-Fatou Niang, Sara R Farris
Co-organisatrices: Beth Kearney (the University of Queensland), Josephine Goldman (the University of Sydney), Sophie Tallis (the Australian National University).
La République française s’est établie sur le principe que tous les citoyens sont unis, égaux et libres, en tant que nation une et indivisible. En 1792, les femmes et les personnes en situation d’esclavage n’avaient pas la citoyenneté. Or, la montée du féminisme allait plus tard voir ces deux groupes, qui sont marginalisés de façon différente, devenir rivaux, car les féministes allaient utiliser l’universalisme au service du projet colonial de la France. Comme le démontrent Félix Boggio Éwanjé-Épée et Stella Magliani-Belkacem (2012), les féminismes français, tout au long de l’histoire, se sont alliés à des projets racistes et impérialistes, mobilisant la mission civilisatrice républicaine pour prôner l’assimilation et opprimer les femmes issues des colonies.
Des chercheur.euse.s et des activistes décolonial.e.s, anti-racistes et intersectionnel.le.s critiquent la notion d’un sujet féministe universel. Sara Farris (2017), par exemple, identifie le « fémonationalisme » comme une forme nationaliste de féminisme qui positionne l’islam comme l’ennemi, au lieu du patriarcat (blanc), de l’État et du capitalisme. En prétendant sauver les femmes musulmanes de leurs cultures patriarcales, le fémonationalisme prolonge la mission civilisatrice coloniale et, ce faisant, s’inscrit dans l’appareil étatique. Françoise Vergès considère que le fémonationalisme est ancré dans les dispositifs postcoloniaux des années 1960, à savoir le BUMIDOM et la guerre d’Algérie, dans lesquels les femmes racisées issues des colonies et des DOM-TOM viennent en France pour effectuer le travail de soins auparavant réalisé gratuitement par les femmes blanches. Elle prône ainsi un féminisme décolonial qui reconnaît l’histoire coloniale du féminisme républicain et qui crée un espace pour les femmes du « Sud global » de partager et réaliser leurs rêves de libération (2018, 28-29). La dérive problématique de l’égalité vers l’assimilation était également présente dans l’activisme du Mouvement de libération des femmes (MLF). Comme le soutient Ilana Eloit, la création d’une communauté de femmes reposait sur la « doctrine assimilationniste de la nation » qui exigeait « l’éradication des différences », notamment la suppression de la différence lesbienne et de la différence raciale : pour être une féministe française, il fallait être une femme du MLF, un sujet qui luttait pour les droits des femmes blanches hétérosexuelles en tant que « réitérations féminines de l’unité citoyenne française fondée sur une abstraite similitude universelle » (2018, 38, notre traduction).
L’universalisme et le féminisme prétendent garantir la liberté et l’égalité pour toustes, mais ce but peut-il s’appliquer réellement à tout le monde, ou exclut-il certaines identités ? Qui sont les sujets supposés de l’universalisme et du féminisme ? Est-ce que ces sujets changent dans les contextes postcoloniaux ou à travers les différentes régions géographiques ? Comment perçoit-on l’idéologie républicaine dans le contexte contemporain d’un monde dominé par les États-Unis, y compris dans des régions multilingues telles que les Antilles ?
Ce symposium essaie de comprendre comment la notion d’universalisme influence la théorie et les pratiques féministes contemporaines dans les contextes francophones. Il cherche à explorer comment les féministes problématisent ou adoptent l’universalisme à la française. Est-ce que les féministes, des dernières décennies du XXe siècle à nos jours, reformulent, revendiquent, ou rejettent l’idéal universaliste ? Est-il possible de conceptualiser un universalisme intersectionnel, transnational, et/ou décolonial, et si oui, que peut faire cet universalisme ?
En tant que jeunes chercheuses féministes qui résident sur les terres volées, non cédées et souveraines des peuples autochtones Yuggera et Turrbal, Ngunnawal et Ngambri et Gadigal de la nation Eora, nous cherchons des propositions qui mettent en avant des perspectives marginalisées, et qui promeuvent de nouvelles manières de comprendre et conceptualiser les féminismes du monde francophone. Nous voulons déconstruire les diverses manières dont les connaissances sont « situées » (Haraway 1988, notre traduction) et « se trouvent dans les pratiques réelles de vivre » (Moreton-Robinson 2014, 332, notre traduction). Nous encourageons les participant.e.s à explorer comment l’universalisme et le féminisme se situent dans leurs contextes locaux.
Le symposium international aura lieu en ligne les mardi 7, mercredi 8, et jeudi 9 avril 2026. Dans la mesure du possible, nous essayerons de tenir compte des différents créneaux horaires tout en nous assurant que les panels seront organisés par thème. Nous considérerons des possibilités de présentation flexibles si nécessaire.
Nous souhaitons que ce colloque transdisciplinaire couvre une diversité de champs d’études, y compris, sans s’y limiter, les études culturelles, les études cinématographiques, les études littéraires, les sound studies, les memory studies, l’histoire, la sociologie, entre autres. Nous invitons les propositions de communication de 20 minutes en français ou en anglais qui bâtissent de nouvelles perspectives sur les connexions entre féminismes et universalisme dans le monde francophone, de la période de la deuxième vague du féminisme au 21e siècle. Nous sommes intéressées en particulier par les propositions qui adoptent une approche intersectionnelle, transnationale ou décoloniale. Veuillez noter que nous avons l’intention de publier certaines communications du colloque dans un ouvrage collectif ou un numéro spécial.
Les propositions de 300 mots et des courtes bio-bibliographies sont à envoyer dans un seul document aux trois organisatrices (b.kearney@uq.edu.au, josephine.goldman@sydney.edu.au, sophie.tallis@anu.edu.au) avant le 21 novembre 2025. Nous vous demandons également de préciser le lieu et le fuseau horaire à partir desquels vous allez faire votre communications. Les propositions de tables rondes ou de panels complets composés de trois ou quatre intervenant.e.s sont les bienvenues. Nous encourageons aussi des étudiant.e.s de recherche, des doctorant.e.s et des chercheur.euse.s en début de carrière à nous envoyer leurs propositions. Les propositions pourront s’inscrire dans ou à la croisée des sujets suivants (mais pas exclusivement) :
- Les analyses des produits culturels (littérature, film, arts visuels, music, etc.) qui entrent en dialogue avec les enjeux sur le féminisme républicain ;
- L’universalisme dans les débats féministes contemporains sur le voile islamique et la liberté vestiaire, la violence raciste, la violence sexuelle ou basée sur le genre, le travail du sexe, le droit à l’avortement, le capacitisme, le vieillissement, entre autres ;
- L’universalisme français et les deuxième, troisième ou quatrième vagues du féminisme ;
- Le féminisme et la littérature-monde ou le cinéma-monde ;
- Le féminisme républicain dans les (anciennes) colonies françaises ;
- L’universalisme français comparable à ou distinct d’autres domaines sociaux, culturels ou politiques, tels que les contextes anglophone, hispanophone ou italophone ;
- Le « French Feminism » comme un produit américain, semblable à la « French Theory » ;
- Le spectre du MLF dans les concepts de féminisme et d’universalisme ;
- Le féminisme et le pluriversalisme ;
- La relation entre le néolibéralisme et les formes contemporaines du féminisme ;
- La relation entre le nationalisme et les formes contemporaines du féminisme ;
- Des réflexions auto-ethnographiques sur le féminisme républicain ;Le féminisme universel dans/et l’université néolibérale.
Œuvres citées
Césaire, Aimé. 2008 [1956]. ‘Lettre à Maurice Thorez.’ Letter republished 14 April 2008, on Les mots sont importants: https://lmsi.net/Lettre-a-Maurice-Thorez
Eloit, Ilana. 2018. ‘Lesbian Trouble: Feminism, Heterosexuality and the French Nation (1970–1981).’ PhD thesis, London School of Economics and Political Science.
Éwanjé-Épée, Félix Boggio and Stella Magliani-Belkacem. 2012. Les féministes blanches et l’empire. La fabrique.
Farris, Sara. 2017. In the Name of Women’s Rights: The Rise of Femonationalism. Duke University Press
hooks, bell. 2015. Feminist Theory: From Margin to Center. 3rd ed. Routledge.
Moreton-Robinson, Aileen . 2014. ‘Towards an Australian Indigenous Women’s Standpoint Theory: A Methodological Tool.’ Australian Feminist Studies 28 (78): 331-347. https://doi.org/10.1080/08164649.2013.876664
Suaudeau, Julien and Mame-Fatou Niang. 2022. Universalisme. Éditions Anamosa
Vergès, Françoise. 2019. Un féminisme décolonial. La Fabrique éditions.