"Judith Gautier : passeuse du théâtre chinois et japonais à la Belle Époque". Conf. d'Oriane Chevalier (en ligne)
Nous avons le plaisir de vous convier à la prochaine séance du webinaire mensuel « Circulations théâtrales : le rôle des agentes », le vendredi 14 novembre de 14h à 16h, sur BBB.
Nous aurons le plaisir d’écouter Oriane Chevalier (Université Clermont Auvergne) pour une conférence intitulée « Judith Gautier : passeuse du théâtre chinois et japonais à la Belle Époque ».
Le webinaire se veut accessible à toutes et à tous, aux chercheurs et aux chercheuses, aux étudiantes et aux étudiants, aux curieux et aux curieuses, aux amies et aux amis, que vous souhaitiez rejoindre le groupe de recherche ou simplement écouter les conférences.
Pour participer à l’événement, vous pouvez vous connecter sur le lien suivant : https://bbb.univ-avignon.fr/rooms/txo-fyd-5sy-ntg/join
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Judith Gautier : passeuse du théâtre chinois et japonais à la Belle Époque
À la Belle Époque, le zaju chinois et le kabuki japonais gagnent les planches françaises grâce aux adaptions pionnières de Judith Gautier, qui ne cessent de façonner un théâtre extrême-oriental faisant évoluer l’imaginaire collectif associé à la Chine et au Japon. Cette traductrice-dramaturge nourrit ainsi son esthétique théâtrale à partir des théâtres chinois et japonais pour tendre vers son rêve de théâtre total.
Cette communication se propose tout d’abord d’explorer le rôle de passeuse du théâtre chinois et japonais, joué par Judith Gautier à la Belle Époque. Après avoir rappelé tous les défis que supposent la traduction du théâtre extrême-oriental, nous questionnerons les stratégies mises en place par cette passeuse : sont-elles toujours nécessaires pour assurer la réception des pièces ou relèvent-elles parfois de libres réécritures ? Il conviendra également d’étudier l’empreinte que Gautier laisse dans la mise en scène de ses pièces : présente aussi bien aux répétitions qu’aux représentations, elle accompagne en effet le choix des costumes mais aussi le jeu des acteurs et actrices. Marionnettiste, sculptrice, musicologue, chorégraphe, Judith Gautier s’illustre en femina universalis et expérimente la plupart de ses pièces dans son « petit théâtre » avant de les faire représenter sur la scène odéonienne, ajustant ainsi sa traduction textuelle et scénique face à un public choisi. Nous décrypterons également les postures et stratégies publiques mises en place par cette passeuse académicienne, qui ne cesse de s’adresser à son public par des causeries ou des interviews afin d’accompagner la réception de ses pièces, tout en vulgarisant l’accès au théâtre extrême-oriental.
Nous nous intéresserons ensuite aux stratégies d’adaptation cibliste mises en place par Judith Gautier qui offre à son public un théâtre eurasien, entremêlant traditions théâtrales extrême-orientales et occidentales. Nous établirons une typologie des rôles présents dans le théâtre de Judith Gautier, les types chinois et japonais fusionnant avec les types familiers du public français. Nous reviendrons également sur le cas de la Marchande de sourires, pièce chinoise que la traductrice déguise en japonaise afin de profiter de la vogue du Japonisme. Dès lors, le public odéonien découvre une pièce chinoise sous des traits japonais, sans se rendre compte du subterfuge, et la pièce connaît un véritable succès, avec cent-quarante-sept représentations en 1888 et 1889. Nous nous pencherons également sur la question du travestissement dans les pièces de Judith Gautier. En effet, alors que les rôles féminins sont encore joués par des hommes en Chine et au Japon au XIXe siècle, Judith Gautier semble renverser cette pratique du travestissement puisqu’elle met en scène des femmes travesties en hommes.
Enfin, nous étudierons l’Orientalisme au féminin que Judith Gautier élabore dans ses pièces, en offrant de nouveaux emplois et rôles féminins pour l’Occident. Nous verrons tout d’abord en quoi la traduction et l’adaptation redéfinissent des trajectoires émancipatrices pour les personnages féminins. Une étude philologique montre ainsi que Judith Gautier a créé plusieurs personnages féminins dans ses adaptations, personnes qui étaient donc absents des pièces originales. Nous analyserons également les ajouts de répliques et de didascalies ainsi que la réécriture des dénouements qu’opère cette traductrice-dramaturge afin d’offrir une plus grande agentivité à ses rôles féminins. Judith Gautier semble également soucieuse d’offrir de nouveaux rôles plus diversifiés aux actrices occidentales, notamment en forgeant de nouveaux emplois. C’est le cas de la courtisane sublime, de la femme-combattante ou encore de la femme-auteure, que nous retrouvons dans plusieurs de ses pièces. Ces bas-bleus chinois et japonais offrent ainsi à Judith Gautier la possibilité de faire chanter ses propres traductions ou créations poétiques tout en jouissant d’une double réception : une réception par les autres personnages chinois ou japonais sur scène, d’une part, et une réception occidentale dans la salle, d’autre part. Finalement, cette communication vise à démontrer qu’au-delà du rôle de passeuse qu’elle a joué dans les transferts culturels entre la France et l’Extrême-Orient, Judith Gautier s’impose en dramaturge novatrice et influente pour la scène de la Belle Époque.
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Oriane Chevalier est doctorante en Littérature Comparée à l’Université Clermont Auvergne. Sa thèse est dirigée par Yvan Daniel et s’intitule « Passeuses d’Est en Ouest : l’Extrême-Orient à travers le prisme de cinq pionnières ». Diplômée de l’École Normale Supérieure de Lyon, elle consacre ses travaux au rapport à l’Extrême-Orient qu’entretiennent les écrivaines occidentales ainsi qu’à la diffusion de la littérature chinoise et japonaise par les femmes dans les mondes francophones, anglophones et hispanophones. Sa monographie Le Théâtre total de Judith Gautier : Rêve d’Extrême-Orient est parue en octobre 2025 aux Lettres Modernes Minard. Elle a donné des conférences en Chine, au Japon, en Corée du Sud, au Canada, aux États-Unis, en Irlande du Nord, en Angleterre, en Suède, en Suisse, au Portugal et en Espagne. En parallèle de son doctorat, elle traduit des poétesses chinoises et étatsunienne en français et réalise une licence de japonais.
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Rappel du programme annuel 25-26
Saison 2, automne 25
17 octobre : Marianne Bouchardon, Sorbonne Université : « Suzanne Lalique, décoratrice et costumière à la Comédie-Française : l'invention d'un style qui s'exporte »
14 novembre : Oriane Chevalier, Université Clermont Auvergne : « Judith Gautier : traductrice du théâtre chinois et japonais pour la Belle Époque »
12 décembre : Florence Filippi, Université de Rouen : « Mlle Raucourt et Mlle George : deux exemples de circulation des modèles dans l'Europe du premier XIXe siècle »
Saison 2, hiver-printemps 2026
30 janvier : Flávia Hiroki, Université Marie et Louis Pasteur : « Entre Paris et Rio de Janeiro : la dramaturgie de Júlia Lopes de Almeida (1862-1934), influences théâtrales françaises et construction d’une identité féminine brésilienne dans la Première République au Brésil (1889-1930) »
18 mars : présence du webinaire lors de la JE « invisibiliser/visibiliser les femmes » à l'Université Bourgogne-Europe.
27 mars : Bernard Jeannot-Guerin, Université de Lorraine : « De Dufresne à Dion, le souffle des chanteuses québécoises et le renouveau du spectacle musical français (1970-2000) »
10 avril : Véronique Lochert, Université de Haute-Alsace : « Les dédicaces, indices du rôle joué par les reines dans la circulation du théâtre européen aux XVIe et XVIIe siècles »
29 mai : Céline Candiard, Université Lumière-Lyon 2 : « Comédiennes françaises en Europe (XVIIe-XVIIIe siècles) »
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Contacts :
Corinne François-Denève : corinne.francois@u-bourgogne.fr
Nicolas Diassinous : nicolas.diassinous@univ-avignon.fr
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L’argumentaire du webinaire est disponible ici : https://www.fabula.org/actualites/129952/circulations-theatrales-le-role-des-agentes-saison-2-webinaire.html