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Chanter, jouer « à l’italienne » : techniques, pratiques et discours sur la voix et le corps chantant en France du XVIIe au XIXe siècles (Paris)

Chanter, jouer « à l’italienne » : techniques, pratiques et discours sur la voix et le corps chantant en France du XVIIe au XIXe siècles (Paris)

Publié le par Eloïse Bidegorry (Source : Barbara Nestola)

Les journées italiennes de l’Opéra-Comique, Opus II

Chanter, jouer « à l’italienne » : 

techniques, pratiques et discours sur la voix et le corps chantant 

en France du XVIIe au XIXe siècles

Colloque international

Paris, Maison de l’Italie et Théâtre National de l’Opéra-Comique, 27 et 28 mai 2026

 

Organisation :

Emanuele De Luca, Université Côte d’Azur - CTELA

Céline Frigau Manning, Université Lyon 3 - IHRIM

Barbara Nestola, Centre de musique baroque de Versailles - CESR

Maria Chiara Prodi, Maison de l’Italie - Paris

Agnès Terrier, Théâtre National de l’Opéra-Comique 

 

Que serait la musique française sans les Italiens ? C’est la question que posait l’Opéra-Comique en juin 2024 à l’occasion d’un premier colloque intitulé « Trois siècles de musique et de théâtre italien en France ». Cet Opus Iinaugurait ainsi un cycle de rencontres consacrées aux Italiens dans la musique française. Nombreux sont en effet les artistes ultramontains qui, depuis la Renaissance, ont activement participé à la vie musicale et théâtrale française – donnant même lieu à des institutions telles que la Comédie-Italienne au XVIIe et au XVIIIe siècle et le Théâtre-Italien au XIXe siècle. Cette présence forte garantit la circulation des techniques, nourrit des pratiques nouvelles de composition et d’interprétation, tout en suscitant pléthore de discours qui se focalisent sur la voix mais aussi très régulièrement sur le corps d’acteurs-chanteurs italiens ou affiliés à une école de chant identifiée comme italienne. Comment sont donc perçues, importées ou hybridées, du XVIIe au XIXe siècles, les pratiques vocales et scéniques des artistes italiens ? Qu’est-ce que chanter, jouer « à l’italienne » ? C’est ce que cet Opus II entend explorer en faisant dialoguer l’histoire de la musique et du spectacle avec l’histoire des arts, des idées ou encore des sciences pour interroger les représentations de l’acteur-chanteur italien sur les scènes françaises. 

Effectifs et pratiques

Il s’agit notamment d’envisager les pratiques d’interprétation du répertoire italien et/ou italianisant à travers l’étude des effectifs vocaux et instrumentaux des théâtres parisiens dans la période considérée. Nous prêterons une attention privilégiée au chant dont les techniques évoluent sensiblement entre le XVIIe et le XIXe siècles. Le chant italien, indiscutablement associé à une vocalité exubérante, suscite en France autant de critiques que d’admiration. Au-delà d’une différence évidente entre l’écriture italienne et française pour les voix, dans quelle mesure cette opposition repose-t-elle sur des éléments concrets, ou est-elle le fruit de textes polémiques qui lancent puis reprennent incessamment les mêmes motifs ? Les enjeux et les arguments que présentent ces textes polémiques s’inscrivent-ils dans une continuité entre le XVIIe et le XIXe siècles ?  Une relecture de ces sources, accompagnée de l’analyse des partitions, permettrait de reconsidérer cette dialectique. 

Par ailleurs, plusieurs aspects demeurent à ce jour inédits sur la composition et le fonctionnement mêmes de l’orchestre des théâtres parisiens, comme la Comédie-Italienne, aussi bien que de l’effectif instrumental des œuvres italiennes ayant déclenché la Querelle des Bouffons (1752-1754) : comment l’orchestre de l’Académie royale de musique, surdimensionné par rapport aux effectifs requis pour jouer ce répertoire, s’organise-t-il pour les accompagner ? Comment sont pratiqués l’accompagnement du recitativo secco et la basse continue ? Qu’en est-il des effectifs et des pratiques de l’Opéra-Comique puis du Théâtre-Italien au XIXe siècle ?    

Techniques vocales, incarnations scéniques, textes théoriques

Au-delà des questions d’interprétation et de style, le chant se révèle également comme un véritable carrefour entre esthétique, technique vocale et incarnation scénique. La pratique et la théorie du chant peuvent ainsi être interrogées sous divers aspects. D’une part, en envisageant le chant comme élément constitutif de la création théâtrale et musicale, que ce soit à l’Opéra — où il représente l’un des vecteurs constitutifs de l’expression artistique — ou au sein de la Comédie-Italienne de Paris aux XVIIe et XVIIIe siècles, ainsi qu’au Théâtre-Italien du XIXe siècle. D’autre part, il s’agira d’examiner le chant comme exercice vocal, nécessaire non seulement pour les chanteurs désireux de développer et/ou d’affiner leur technique, mais aussi pour les comédiens, en tant qu’outil de travail corporel. Il conviendra ainsi de retracer une histoire du chant non seulement comme objet esthétique, mais aussi comme pratique corporelle visant la maîtrise de la voix et des organes phonatoires.

Dans cette perspective, nous nous intéresserons particulièrement à l’émergence des traités français sur le chant dès le XVIIe siècle. Quels discours sur le chant se dessinent dans ces textes produits, entre le XVIIe et le XIXe siècles, par des auteurs souvent eux-mêmes pédagogues ou chanteurs ? Tracent-ils des distinctions entre chant français et chant italien ? Des traités italiens circulent-ils alors en France ? Nous pourrons inverser la perspective d’une double manière : quelle est la place de ces savoirs dans la formation, la préparation et la pratique des acteurs et des actrices de théâtre ? Et comment les pratiques et les traités sur le jeu d’acteur interviennent-ils dans l’interprétation scénique des chanteurs et des chanteuses dans le théâtre musical ?

Du corps chantant au corps savant : médiations et imaginaires de l’interprète italien

Ce processus d’interrogation et de théorisation, qui ne s’arrête pas à la voix mais porte sur tout le corps du chanteur italien, va de pair avec une large opération de médiation et de médiatisation qui n’est pas l’œuvre des seuls spécialistes du chant. Elle se nourrit également de la prégnance de la figure de l’interprète italien dans des domaines dépassant largement ceux de la musique ou du spectacle. Le corps de l’interprète peut être ainsi questionné, pour reprendre les mots d’Alain Corbin, dans « la tension instaurée entre l’objet de science, de travail, le corps productif, le corps expérimental, et le corps fantasmé ». 

L’enquête pourra donc être menée au-delà du domaine musical et artistique : comment les discours sur l’interprète et, au-delà, sur le spectacle dit "italien", circulent plus largement dans la presse, la littérature, ou un genre comme la biographie de musiciens, qui s’affirme particulièrement depuis la fin du XVIIe siècle ? Comment ces discours prennent-ils de l’ampleur dans des domaines spécialisés comme ceux des sciences, en particulier médicales ? Nous pourrons questionner, du point de vue de l’histoire du jeu, les apports de l’anatomie, qui se développe particulièrement au XVIIIe siècle, ou de la laryngologie, qui prend tout son essor au XIXe siècle. Les scientifiques italiens ne sont pas en reste, comme en témoignent les travaux sur le mécanisme de la voix de Francesco Bennati, médecin du Théâtre-Italien de Paris. 

Ce ne sont là qu’autant de pistes ouvertes à la réflexion. Seront particulièrement appréciées les approches qui présenteront un caractère synthétique ou porteront sur des corpus multiples. Les études de cas seront les bienvenues, dès lors qu’elles s’imposeront particulièrement ou seront mises en perspective. Nous pourrons, en conclusion, aborder ces questions sous l’angle de leur permanence dans le monde contemporain.

 

Les propositions de communications (250 mots maximum), accompagnées d’une courte bio-bibliographie, devront être adressées avant le 15 décembre aux adresses suivantes : emanuele.de-luca@univ-cotedazur.fr ; celine.frigau@univ-lyon3.fr ; bnestola@cmbv.fr.