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Corps, désirs et communismes queers : vers de nouvelles formes d’organisation collective

Corps, désirs et communismes queers : vers de nouvelles formes d’organisation collective

Publié le par Eloïse Bidegorry (Source : Luc Bonenfant)

Corps, désirs et communismes queers : vers de nouvelles formes d’organisation collective

Université du Québec à Montréal

30 avril 2026.

 

Dans le contexte des crises contemporaines du capitalisme globalisé, marqué par l’intensification des dispositifs de contrôle social, la marchandisation des corps et des affects, et la montée des identitarismes réactionnaires, les enjeux liés à la sexualité et au désir occupent une place cruciale dans les luttes pour la transformation sociale. C’est au croisement des analyses queers et communistes que s’ouvre un espace critique permettant de repenser les rapports entre corps, subjectivités et structures économiques (Floyd, 2013).

Le « communisme queer » (Zappino, 2022) se distingue comme un paradigme qui ne se limite pas à inscrire le genre et la sexualité dans les luttes pour la reconnaissance, mais qui vise à déconstruire les rapports de pouvoir et les modes de productions hétérosexuels qui régulent les désirs et les formes de vie. Contrairement au communisme entendu dans son sens le plus courant, orienté vers l’abolition des classes sociales par une lutte collective unifiée, le communisme queer met l’accent sur l’hétérogénéité des positions sociales et sur la nécessité d’articuler des alliances entre minorités sexuelles, de genre et de pratiques. Il ne s’agit pas de penser le commun comme une position homogène, mais « de penser la différence en termes de positionnements sociaux divergents dont naissent des aspirations divergentes [à faire communs]. » (Floyd, 2014) Dans cette perspective, les groupes ou les alliances queers ne sont pas de simples objets de résistance, mais deviennent les foyers d’expérimentation de praxis collectives, où désir et politique se conjuguent pour faire advenir d’autres manières de vivre et de partager.

Comme le rappelle Gianfranco Rebucini (2017), le capitalisme néolibéral produit un « réalisme hétérosexuel » — un sens commun paralysant qui naturalise l’impossibilité d’un dehors au système. Face à cette privatisation généralisée des espaces et des désirs, il devient nécessaire de réactiver la conflictualité sexuelle et d’inventer des formes de communs queers : ces zones d’affect, de solidarité et de mutualisme qui surgissent dans les interstices du capitalisme mais qui tendent aussi à se constituer en extériorité à sa logique. Ces communs queers représentent des lieux d’expérimentation sociale et politique où s’éprouvent déjà, par fragments, des pratiques collectives alternatives.

Pierre Niedergang (2023) propose, dans Vers la normativité queer, de penser une « normativité queer » qui ne se confond pas avec une nouvelle normalisation, mais qui désigne la capacité de produire des régimes de vie partagés, des cadres d’action collectifs et des formes de désir qui échappent à la logique marchande. En ce sens, la normativité queer et les communs queers ne se réduisent pas à une simple utopie : ils constituent des forces instituantes qui rendent possible l’invention de nouveaux horizons d’organisation collective, au-delà de la propriété privée, de l’isolement individuel et des hiérarchies de genre et de sexualité.

Ainsi, le communisme queer ne relève pas seulement d’une politique de dissidence ou de reconnaissance, mais d’une stratégie de recomposition radicale. Il s’agit de dépasser l’hégémonie du sens commun capitaliste et hétéronormatif (Rebucini, 2017) en inventant des pratiques d’entraide, de solidarité et d’utopie concrète, où les corps improductifs, déviants et dissidents deviennent les vecteurs d’une réinvention des rapports sociaux. Ce colloque invite à penser les corps queers comme autant d’espaces poétiques et critiques, porteurs d’un avenir où les communs queers ouvriraient la voie à l’avènement de communismes queers.

Cet appel à communication propose d’interroger les articulations entre corps, sexualité, désirs et communisme queer à travers plusieurs axes possibles, sans s’y limiter :

·       Désir et émancipation

·       Les communs affectifs et sexuels

·       Normativité queer et formes de vie alternatives

·       Critique des normes et des régimes hétéronormatifs

·       Corps, subjectivités et luttes collectives

·       Théories et pratiques d’un communisme queer

·       Penser la déviance comme force révolutionnaire

·       Utopie des corps improductifs

·       Communisme « orthodoxe » et militantisme queer

 

Les contributions pourront mobiliser des cadres théoriques multidisciplinaires (sciences politiques, sociologie, sexologie, histoire, études littéraires, philosophie, etc.), des approches issues des sciences humaines, des arts ou des récits militants, afin de nourrir une réflexion collective sur les transformations en cours et à venir.

Bien que ce colloque soit francophone, les propositions en anglais sont également acceptées.
Les propositions (env. 300 mots) sont à envoyer avant le 5 janvier à : colloquecommunismesqueers@gmail.com.

Le colloque aura lieu à l'Université du Québec à Montréal le 30 avril 2026. 

Bibliographie 

Chitty, Christopher, Sexual Hegemony: Statecraft, Sodomy, and Capital in the Rise of the World System, Durham, Duke University Press, coll. « Theory Q », 2020, 222 p. 

Federici, Sylvia, Le capitalisme patriarchal, traduction de l’italien par Étienne Dobenesque, Paris, La Fabrique éditions, 2019, 190 p.  

Feinberg, Leslie, Stone Butch Blues, traduit de l’anglais par un collectif militant, Paris, Hystériques et associéEs, 2024 [2019], 602 p. 

Fisher, Mark, Le réalisme capitalisme. N’y a-t-il aucune alternative ?, Genève, Entremonde, 2018, 128 p. 

Floyd, Kevin, La réification du désir : vers un marxisme queer, traduction de l’anglais par Myriam Dennehy, Charlotte Nordmann, Clémence Garrot et Marion Duval, Paris, Éditions Amsterdam, 2013, 307 p. 

—————, « Marxisme et théorie queer : divergences et convergences », Contretemps, 2014, en ligne,https://www.contretemps.eu/marxisme-et-theorie-queer-divergences-et-convergences-entretien-avec-kevin-floyd/, consulté le 7 septembre 2025. 

Muñoz, José Esteban, Cruiser l’utopie. L’après et l’ailleurs de l’advenir queer, traduction de l’anglais par Alice Wambergue, Montreuil, Éditions Brook, 2021, 321 p.

Negri, Antonio et Michel Hardt, Multitude. Guerre et démocratie à l’âge de l’Empire, traduction de l’anglais par Nicolas Guilhot, Montréal, Boréal, 2004, 407 p. 

Niedergang, Pierre, Vers la normativité queer, Toulouse, éditions blast, coll. « Relief », 2023, 171 p.  

O’Brian, M.E., Family Abolition: Capitalism and The Communizing of Care, London; Las Vegas, Pluto Press, 2023, 290 p.

Preciado, Paul B., Dysphoria Mundi : le son du monde qui s’écroule, Paris, Grasset, 2022, 590 p. 

Rebucini, Gianfranco, « Vers un communisme queer, Conscience autonome, désidentification, et révolution sexuelle », 2017, en ligne, https://www.academia.edu/34596618/_Vers_un_communisme_queer_Conscience_autonome_d%C3%A9sidentification_et_r%C3%A9volution_sexuelle_Penser_l%C3%A9mancipation_2017

Wittig, Monique, La pensée straight, Paris, Éditions Amsterdam, 2018, 153 p. 

Zappino, Federico, Communisme queer : pour une subversion de l'hétérosexualité, traduction de l'italien par Stefania Caristia et Romain Descottes, Paris, Éditions syllepse, 2022, 260 p.