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Racine et Shakespeare (Rouen)

Racine et Shakespeare (Rouen)

Publié le par Marc Escola (Source : Tony Gheeraert)

Racine et Shakespeare,

Université de Rouen, Maison de l’université, salle de conférences, place Emile Blondel,  76 130 Mont-Saint-Aignan

les 19-20 novembre 2026

Organisateurs :

Christine Sukic, Tony Gheeraert, Claire Gheeraert-Graffeuille

Comité d’organisation :

François Vanoosthuyse, Caroline Labrune, Servane L’Hopital, Victoire Malenfer.

Comité scientifique  :

Gisèle Venet, Anne-Marie Miller-Blaise, Gilles Bertheau, Christine Sukic, Line Cottegnies, Carine Barbafiéri, Gilles Declercq, Sylvaine Bataille-Brennetot, Sylvain Ledda

Institutions partenaires :

Société Française Shakespeare, Centre International Jean Racine, Centre de recherche Éditer-Interpréter (CEREdI UR 3229), Équipe de Recherche Interdisciplinaire sur les Aires Culturelles (ERIAC UR 4705)

Le théâtre de Racine s’est toujours prêté volontiers à l’exercice scolaire du parallèle. Celui qui l’oppose à Corneille est célèbre : il a donné lieu à quelques pages virtuoses de nos meilleurs écrivains, de La Bruyère à Proust. Mais le parallèle Racine-Shakespeare, pour avoir été peu étudié en diachronie, n’a pas été moins structurant pour notre histoire littéraire et dramatique. Rien ne devait l’imposer, puisque les deux auteurs ont mené leur carrière indépendamment, et sans que l’Anglais ait pu exercer d’influence sur le Français. Pourtant, quelque factice qu’elle soit, la comparaison entre les deux dramaturges organise depuis le XVIIIe siècle un dialogue entre des traditions théâtrales, nationales et culturelles présentées à la fois comme opposées et complémentaires.

La première rencontre entre Racine et Shakespeare date de l’aube des Lumières : en 1726, Voltaire, exilé à Londres, en éprouva le choc, en subit l’influence, mais prit garde de tenir l’élisabéthain à distance, tandis qu’un peu plus tard Ducis tenta d’adapter Shakespeare à un goût français identifié au classicisme racinien. Mais très vite, le dramaturge anglais servit d’étendard à une génération qui comptait bien échapper grâce à ses outrances aux scléroses d’un classicisme sur le déclin : la confrontation devient un lieu obligé chez les Romantiques et au-delà, de Hugo à Stendhal ou Ponsard. Shakespeare, parce qu’il était vu comme  un poète capable de représenter toutes les contradictions de l’âme humaine, servit de référence au drame naissant. Son nom devenait un manifeste, celui d’un théâtre de la vie, que Hugo et Stendhal opposaient à une dramaturgie froide et formelle, celle de Racine, “paralysé par les préjugés de son siècle”, symbole de la “perfection d’un idéal classique érigé en modèle et lié aux valeurs de l’Ancien Régime”.

Le positivisme tenta un peu plus tard d’expliquer les différences entre les deux dramaturges non seulement par des considérations esthétiques, mais surtout en mettant en avant des explications sociologiques, historiques et culturelles. Ainsi, Taine, dans son Histoire de la littérature anglaise, oppose Racine, “courtisan”, dramaturge d’une “France éloquente et mondaine”, aux poètes élisabéthains décrits comme des poètes romantiques maudits, “bohèmes nés dans le peuple”, qui “vivent comme ils peuvent, font des dettes, écrivent pour gagner leur pain”. Chez Taine, Racine apparaît comme le produit de l’ordre classique, tandis que Shakespeare est marqué par l’effervescence des passions populaires.

Si aux XXe et XXIe siècle le parallèle savamment construit et souvent polémique ne sert plus à défendre une dramaturgie nouvelle contre un théâtre jugé dépassé, il n’en continue pas moins d’inspirer les lecteurs et de nourrir la réflexion : en 2004, Michael Edwards emprunte à Stendhal le titre de son célèbre pamphlet et propose sur Racine et Shakespeare une méditation sereine, en se refusant à toute confrontation et à tout palmarès. Pour Edwards, avec les moyens artistiques et linguistiques qui leur sont propres, les deux auteurs visent à atteindre un même monde. Et malgré leurs divergences, “il semble [à Michael Edwards] que Shakespeare et Racine, le plus grand écrivain anglais et le plus français des écrivains français, dans leur tentative pour comprendre la tragédie en l’incarnant sans cesse au théâtre, se retrouvent finalement au cœur de l’humaine condition”. Vers la même date, Gisèle Venet confesse aussi l’influence sur ses travaux du “tragique racinien”, qu’elle “connaît par cœur”. Cette proximité avec le classique français permet à l’autrice de Temps et vision tragique de distinguer les deux dramaturges, opposant le théâtre de Racine, où “tout est arrivé”, à celui de Shakespeare, où “tout arrive par le temps”.

Le présent colloque propose d’une part de prendre au sérieux l’exercice du parallèle, afin de réinterroger à nouveaux frais les liens invisibles tissés entre ces deux auteurs qui ne se connaissaient pas, mais qui tous deux ont vécu au même siècle, et tous deux également sont redevables à une tradition antique parfaitement maîtrisée. Mais il s’agira aussi de retracer l’histoire de ce parallèle improbable, dans lequel se pensent depuis trois siècles différentes manières de concevoir le théâtre et la littérature.

Les propositions de communication (environ 300 mots) devront parvenir, accompagnées d’un bref CV, aux adresses : anniversaires_raciniens@googlegroups.com claire.gheeraert-graffeuille@univ-rouen.fr et christine.sukic@univ-reims.fr avant le 15/02/2026.