Essai
Nouvelle parution
Nina Gourfinkel, Dostoievski

Nina Gourfinkel, Dostoievski

Publié le par Marc Escola

Préface de Jean-Louis Backès.

« Cette œuvre a pris des allures absconses, bien faites pour rebuter le grand public. C’est pourtant pour le grand public que Dostoïevski a écrit, c’est à tout être pensant, et non à des spécialistes, qu’il faisait appel. S’il est complexe, c’est que telle est sa matière – la trame enchevêtrée de notre existence. Ce n’est pas lui qui est en contradiction avec lui-même, c’est le monde et l’homme tels qu’il les perçoit. Mais, pour complexe qu’elle soit, l’analyse qu’il en fait est toujours claire. Afin de rendre perceptible cette vision mouvante du monde nouveau, dominé par des idées-sentiments, Dostoïevski a trouvé une nouvelle forme de roman, lequel – et là est son génie – n’est pas un roman « idéologique » ; il ne conclut ni n’enseigne, mais se contente de mettre en évidence l’éternel combat de l’âme en quête de vérité, cette psychomachie que des foules suivaient avidement, il y a quelques siècles, devant des tréteaux ou le parvis d’une église. Le public d’aujourd’hui serai-t-il moins compréhensif, moins avide de vérité que les spectateurs médiévaux ?

Que connaît le lecteur français de cette œuvre si riche, génératrice de tant de doutes féconds ? Dans le meilleur des cas, deux ou trois romans « qu’il faut avoir lus », à moins d’en avoir vu des adaptations. Et pourtant, ces ouvrages sont d’une actualité brûlante, bâtis sur des thèmes qui nous sollicitent avec une insistance qu’ils n’avaient pas il y a un demi-siècle. Nous vivons dans un univers dostoïevskien, et l’issue du combat qui s’y livre, est pour nous vitale. »

Avec le style et la clarté qui la caractérisent, Nina Gourfinkel met la culture à disposition du plus grand nombre. À rebours de toute analyse académique grandiloquente, elle rend hommage à Dostoïevski en l’extrayant du cercle fermé des « intellectuels », afin de le rendre au lectorat populaire. Pour le descendre de ce perchoir (où il avait été posé contre son gré), elle innove : plutôt que de faire appel aux philosophes, psychologues et théologiens, Nina Gourfinkel se réfère aux historiens de la littérature et de la société russes ; plutôt que de gonfler son texte d’analyses extérieures, elle cite l’auteur, ses ouvrages et ses lettres ; plutôt que de séparer biographie et bibliographie, elle les fusionne en montrant comment elles se répondent et se nourrissent l’une de l’autre. Toutes les traductions de Dostoïevski sont de l’autrice, point qui garantie une lecture inédite de cette œuvre gigantesque, et qui en dit long sur son rapport au sujet : véritable passionnée, elle écrit pour partager cette passion, et on met au défi quiconque de résister à cette contagion.

Lire un extrait de l’introduction en ligne sur Antichambre :  “Dostoïesvki, lui même”…

Née en 1900 à Odessa dans une famille juive, étudiante à Pétrograd au moment de la Révolution de 1917, Nina Gourfinkel y adhère et participe au soulèvement populaire avant d’émigrer en France en 1925 pour fuir la stalinisation de l’URSS. Résistante pendant la Seconde Guerre mondiale, docteure en lettres, elle publie plusieurs biographies d’intellectuels et politiques russes, ainsi que ses Mémoires.