
CAHIERS OCTAVE MIRBEAU N°32
L’œuvre théâtrale d’Octave Mirbeau
L’œuvre romanesque et les travaux journalistiques ou critiques de Mirbeau ont depuis de nombreuses années été l’objet d’une attention soutenue des chercheurs, au point que se sont multipliés les ouvrages, les études ou les articles qui leur sont consacrés. Si l’œuvre théâtrale n’est pas totalement négligée, elle reste cependant trop souvent réduite à sa portion congrue au point que nombre de nos contemporains ne peuvent citer, dans le meilleur des cas, que Les affaires sont les affaires. Pourtant, les mirbelliens de toutes obédiences ont tenté de changer la donne, notamment à travers quelques ouvrages importants, par exemple l’édition du Théâtre complet (4 tomes) parue chez Eurédit en 2003 sous la direction de Pierre Michel, ou celle des Dialogues tristes sous la direction d’Arnaud Vareille, toujours chez Eurédit en 2005.
Cette réticence à aborder ce versant de l’œuvre de Mirbeau peut s’expliquer par l’attitude de l’écrivain lui-même. En effet, Mirbeau s’est essayé au théâtre tardivement. Outre une détestation des comédiens violemment affirmée en 1882, dans un article retentissant du Figaro, il était convaincu que cet art était condamné, victime du cabotinage, du mercantilisme des directeurs de théâtre, du recours à des sujets et des techniques dramatiques surannés, de l’attitude frileuse du public et de la pratique quasi industrielle des auteurs. À ses yeux, seule une révolution pouvait changer la donne. Faute de la voir venir – même lorsqu’elle était portée par Zola et, plus généralement, par les naturalistes –, il s’attela lui-même à la tâche, composant successivement Les Mauvais bergers (1897), Les affaires sont les affaires (1903), Les Farces et moralités (1904), Le Foyer (1908).
Les axes de ce dossier se déploieront dans plusieurs directions. Le premier, le plus évident, portera sur l’analyse des œuvres elles-mêmes, des plus connues aux moins connues, afin de repérer les techniques dramatiques de Mirbeau, auteur de théâtre, et d’approfondir l’étude des personnages et des péripéties. On pourra, également, s’interroger non seulement sur les ressemblances et les dissemblances entre les romans et les pièces, mais également sur la réception, s’inspirant pour cela de précédents travaux sur la bataille du Foyer lors de la représentation à Angers.
Cela ne saurait suffire, à nos yeux.
Un deuxième axe s’impose : l’inscription du théâtre de Mirbeau dans son temps. En effet, si les pièces s’inscrivent dans une tradition (par exemple, celle de Molière ou, plus intéressant, celle des dramaturges de la Grèce ancienne), il convient, malgré tout, de les replacer dans leur contexte pour, d’une part, éclairer les influences qui ont présidé à leur création ou repérer les événements qui ont favorisé leur écriture. Cela nécessitera sans doute de se plonger dans les journaux de l’époque et d’interroger les contemporains de Mirbeau.
Le théâtre a ceci de particulier qu’il n’est pas un exercice solitaire. Au xixe siècle notamment, il n’est pas rare de voir des auteurs collaborer. On profitera donc de ce dossier pour, dans un troisième axe, s’arrêter sur quelques figures de la galaxie mirbellienne parmi lesquelles citons, au hasard, Thadée Natanson, l’acteur Maurice de Feraudy ou des actrices. Quelle place ces hommes ou ces femmes ont-ils eue au cours de la gestation des œuvres ? Quels rapports professionnels ont-ils entretenus avec Mirbeau ? Quelles oppositions ont-ils manifestées ? Quel soutien ont-ils apporté ? Voilà les quelques questions qui surgissent au milieu de tant d’autres et dont les réponses sont, à l’heure actuelle, incomplètes.
Naturellement, ces quelques pistes ne sont que des suggestions. Les collaborateurs ou collaboratrices à venir ont toute latitude pour faire des propositions. Traduction des pièces, réception à l’étranger, comparaisons avec d’autres auteurs dramatiques, etc. L’ensemble des sujets à traiter est vaste et permettra, quel que soit l’article, d’enrichir la connaissance de Mirbeau et de son œuvre théâtrale.