
La résistance dans les sociétés postcoloniales. Pratiques etenjeux contemporains (Gafsa, Tunisie)
Colloque international
« La résistance dans les sociétés postcoloniales : Pratiques et enjeux contemporains »
Organisé par :
Le Département de Sociologie & le Département de Français - Institut Supérieur des Études Appliquées en Humanités de Gafsa - Université de Gafsa
et le Centre Arabe des Recherches et de l'Etude des Politiques (CAREP)
25 et 26 Novembre 2025 à l’ISEAH de Gafsa (Tunisie)
Avec le soutien de :
- Université de Gafsa
- Laboratoire Analyse Textuelle, Traduction, Communication (ATTC) – Université de la Manouba
- Laboratoire des études interdisciplinaires sur les transitions, les transformations et la transmission (TransLab) - Université de Tunis
- Laboratoire Maghreb arabe : Omrane Pluriel - Université de Sfax
- Le site « alsifr.org »
- Association Tunisienne de Sociologie
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Dans un monde marqué par l’héritage du colonialisme, parler de « postcolonial » ne signifie pas simplement tourner la page. Les formes de domination, les hiérarchies raciales, les injustices sociales ou encore les inégalités économiques héritées de l’époque coloniale sont toujours bien présentes, bien que transformées. Et face à cela, les résistances, sous toutes leurs formes, n’ont jamais cessé. Résister aujourd’hui, ce n’est pas seulement descendre dans la rue ou prendre les armes. Cela peut être un acte silencieux, un geste quotidien, une prise de parole, un refus discret, une manière de vivre autrement. C’est parfois dans les détails de la vie ordinaire que l’on trouve les formes les plus fortes de résistance (Scott, 1985).
Ces résistances, souvent invisibles ou négligées, prennent racine dans un monde où les anciens rapports coloniaux se prolongent sous d’autres formes : savoirs imposés, normes culturelles dominantes, langues hiérarchisées, rapports de pouvoir dans l’économie mondialisée, contrôles migratoires, etc. (Said, 1978 ; Mbembe, 2014). Résister, c’est alors remettre en question ces cadres, c’est revendiquer d’autres façons d’être, de penser, de sentir, d’agir. Ce que nous appelons « postcolonial » n’efface pas les tensions ni les blessures du passé. Au contraire, il en est souvent le prolongement. Les anciennes colonies sont devenues indépendantes, mais leurs populations vivent encore dans des systèmes où les ressources, les savoirs et les récits restent inégalement partagés (Fanon, 2011 ; Spivak, 2013). Résister, c’est donc aussi chercher à réparer, à revaloriser, à reprendre la parole.
Loin des regards officiels, beaucoup de ces résistances prennent vie dans les marges : quartiers populaires, périphéries urbaines, zones rurales oubliées. Là, les populations inventent des formes de survie, d’entraide, d’autonomie, parfois en dehors des lois ou des institutions, souvent à travers des pratiques détournées (De Certeau, 1980 ; Bayat, 2010). On y trouve des stratégies de contournement, de créativité, des façons d’habiter le monde autrement. Mais la résistance se joue aussi dans les arts et les récits. Par la musique, le théâtre, la littérature, le cinéma, les artistes postcoloniaux racontent leurs histoires, déforment les images imposées, renversent les symboles, et surtout, imaginent d’autres futurs (Hall, 1994). Dans leurs œuvres, on sent une volonté de se réapproprier ce qui a été volé : la parole, la mémoire, la dignité.
La question de la mémoire est d’ailleurs essentielle. Beaucoup de luttes d’aujourd’hui sont traversées par le souvenir des résistances d’hier. Les récits familiaux, les traditions orales, les silences aussi, portent les marques de ces combats passés. Résister aujourd’hui, c’est parfois raviver cette mémoire, lui redonner une voix (Nora, 2001 ; Assmann, 2011). Les femmes, en particulier, ont souvent été reléguées au second plan dans les récits de la résistance. Pourtant, elles ont porté – et portent encore – des formes puissantes d’engagement, souvent en dehors des formes traditionnelles de la politique. Elles transforment la sphère domestique, le langage, les rapports de genre, et proposent des luttes intersectionnelles, qui croisent les questions de classe, de race, de genre et de sexualité (Hooks, 1981 ; Mohanty, 2003).
Dans les universités aussi, des voix s’élèvent pour questionner les savoirs que l’on enseigne, les auteurs qu’on lit, les théories qu’on valorise. Une autre résistance s’y joue : celle qui consiste à décoloniser les esprits, à ouvrir la pensée à d’autres horizons, à écouter les voix qui ont été mises de côté (Spivak, 1988 ; Mignolo, 2014).
Dans les productions littéraires postcoloniales, la résistance se manifeste à travers une pluralité de formes narratives, stylistiques et symboliques. Qu’il s’agisse de romans, de poésies, de récits autobiographiques ou de théâtre, ces œuvres interrogent les récits dominants de l’histoire coloniale, réactivent des mémoires marginalisées et explorent les subjectivités niées. La littérature devient alors un espace de réappropriation et de subversion : on y déconstruit les hiérarchies culturelles, on y revalorise des langues longtemps dénigrées, et l’on y met en scènedes figures d’insoumission, souvent enracinées dans les tensions identitaires héritées du passé colonial.
Cette dynamique s’inscrit également dans un processus plus large de déconstruction des logiques de colonialité, concept forgé par Aníbal Quijano, qui désigne la persistance des structures de pouvoir, de savoir et de langage imposées par la colonisation bien après les indépendances politiques. En réponse, la décolonialité apparaît comme une stratégie critique visant à repenser les épistémologies, les identités et les pratiques culturelles depuis les marges.
C’est dans cette perspective que les apports de Louis-Jean Calvet, notamment dans Linguistique et colonialisme (1974), occupent une place fondamentale. Cet ouvrage pionnier a joué un rôle décisif dans l’épistémologie de la linguistique, en dénonçant les présupposés idéologiques qui sous-tendent les descriptions des langues dites "exotiques" ou "primitives". Il a contribué à l’émergence de la sociolinguistique comme discipline critique, attentive aux rapports de force entre les langues. Le concept central de glottophagie, que Calvet y développe, désigne le processus par lequel une langue dominante "dévore" les langues dominées, à travers l’école, les médias ou l’administration. Cette notion éclaire les mécanismes de standardisation, d’élimination et d’invisibilisation linguistique caractéristiques des politiques coloniales et néocoloniales. Les travaux de Christian Lagarde sur l’œuvre de Calvet ont permis de mettre en évidence la portée politique et théorique de cette critique, en soulignant la manière dont elle a influencé les réflexions contemporaines sur la diversité linguistique, les politiques de reconnaissance, et les pratiques militantes pour la défense des langues minorées.
Des écrivains comme Kateb Yacine, Rachid Boudjedra, Patrick Chamoiseau ou Maryse Condé ont donné corps à ces résistances à travers une langue travaillée, hybride, chargée de mémoire et de lutte. La littérature postcoloniale ne se contente pas de témoigner : elle agit comme un espace de recomposition symbolique, où l’acte d’écrire devient un acte politique. En contestant les normes esthétiques héritées du centre colonial, elle invente de nouveaux modes de narration, mêlant oralité, fragmentations, polyphonies et intertextualité. Ces dispositifs ne sont pas seulement stylistiques : ils traduisent un rapport complexe à l’histoire, à la filiation et à l’identité. Dans cette optique, la littérature devient aussi le lieu d’un imaginaire réparateur, qui tente de dire l’indicible, de reconstruire des filiations rompues, et de restituer aux sujets colonisés une voix, un corps et une mémoire. À leurs côtés, des voix plus récentes, issues notamment de la diaspora ou de la banlieue, prolongent ce geste contestataire en renouvelant les formes et les imaginaires, souvent en explorant de nouveaux médiums, comme le slam, la bande dessinée ou les écritures numériques. Les autrices francophones, en particulier, comme Assia Djebar, Leïla Sebbar ou Ken Bugul, proposent une écriture engagée qui croise les enjeux de genre, de langue et de mémoire, tout en dénonçant les silences et les exclusions dont les
femmes ont été victimes dans les récits historiques et culturels. Chez elles, l’écriture devient un acte de dévoilement et de résistance à la double marginalisation — coloniale et patriarcale — et ouvre un espace de relecture critique du passé comme du présent.
À ce titre, l’enseignement du français dans les contextes postcoloniaux mérite aussi d’être interrogé : langue de l’institution, de la mobilité sociale ou de l’exclusion symbolique, le français devient parfois le lieu d’une négociation identitaire, voire d’une résistance silencieuse, notamment dans les pratiques pédagogiques, les représentations des locuteurs ou les logiques de traduction et d’appropriation. Dans cette tension entre appropriation et aliénation, entre glottophagie et créativité linguistique, se dessinent les contours d’un espace littéraire et éducatif où se rejoue la lutte pour la reconnaissance, la mémoire et la dignité.
En privilégiant une approche transversale de la littérature comme pratique sociale et politique, il devient possible d’interroger les formes contemporaines de résistance sans compartimenter les disciplines. La littérature postcoloniale – dans ses enjeux esthétiques, linguistiques, pédagogiques et mémoriels – offre un terrain fécond pour penser les tensions, les fractures et les possibles qui traversent les sociétés issues de l’histoire coloniale.
Ce sont toutes ces formes de résistance – visibles ou invisibles, bruyantes ou silencieuses, individuelles ou collectives – que ce colloque souhaite explorer. Nous voulons ouvrir un espace de réflexion et de dialogue autour de ces manières de faire face, d’exister autrement, de construire d’autres mondes dans les plis du monde dominant.
Enfin, le choix d’organiser ce colloque à Gafsa s’inscrit pleinement dans cette volonté d’ancrer la réflexion dans les territoires marqués par l’histoire sociale des résistances. Ville minière du sud-ouest tunisien, Gafsa incarne à elle seule les tensions entre marginalisation économique, politiques néolibérales et aspirations populaires à la justice. Depuis le soulèvement de 2008 contre les formes locales de clientélisme et d’exclusion, cette région est devenue un symbole des luttes silencieuses et visibles portées par les marges (Allal, 2010 ; Hibou, 2011). En ce sens, une monographie régionale autour de Gafsa ne vise pas seulement à documenter un territoire, mais à mettre en lumière des formes situées de résistance, d’arrangement avec l’ordre établi, et de réinvention du politique par le bas. Ce colloque aspire ainsi à croiser les approches théoriques et les ancrages empiriques, à partir d’un lieu qui, loin d’être périphérique, est au cœur des dynamiques postcoloniales que nous souhaitons interroger.
Ce colloque se propose d’analyser les formes de résistance dans une perspective interdisciplinaire, intégrant sociologie, anthropologie, histoire, littérature, philosophie et arts. Il vise à interroger, à travers des études empiriques ou théoriques, les continuités coloniales et
les modalités de contestation actuelles : pratiques sociales, créations culturelles, mobilisations politiques ou décolonisation des savoirs. L’objectif est de saisir comment les sociétés postcoloniales réinventent des stratégies face aux dominations persistantes. Voici quelques axes possibles, à titre indicatif :
1. Arts, récits et imaginaires de la résistance
Cet axe explore les formes artistiques, narratives et littéraires à travers lesquelles les sociétés postcoloniales expriment, représentent ou rejouent la contestation. Il met en regard les pratiques culturelles populaires (musique, théâtre de rue, graffiti…) avec les récits littéraires qui subvertissent les discours coloniaux, et analyse leur portée critique dans la construction des mémoires collectives et des imaginaires de lutte.
2. Mémoire, transmission et luttes effacées
Cet axe interroge les mécanismes de mémoire, d’oubli ou de réactivation des luttes sociales et politiques, à travers les récits familiaux, les productions artistiques, les archives, les silences et les textes littéraires. Il s’agit de penser les continuités et les ruptures entre les luttes passées et présentes, entre mémoire sociale et écriture littéraire.
3. Genres, minorités et subjectivités en résistance
Cet axe aborde les résistances portées par les femmes, les minorités raciales, sexuelles ou sociales, en croisant les approches sociologiques (intersectionnalité, luttes collectives) et littéraires (écriture de soi, représentations genrées, subjectivités invisibilisées). Il s’intéresse également à la manière dont ces résistances fabriquent de nouveaux modes d’être, d’agir et de raconter.
4. Langues, normes et subversions invisibles
Cet axe traite des formes de résistance moins visibles, opérant dans les pratiques langagières, les savoirs, les usages détournés des normes ou les arrangements avec l’ordre dominant. Il articule les réflexions sur la glottophagie, les pratiques linguistiques informelles ou déviantes, et les épistémologies critiques qui déstabilisent les cadres de pensée imposés.
5. Enseignement, transmission et décolonisation du savoir
Cet axe se penche sur les enjeux liés à l’enseignement en contexte postcolonial, les tensions entre langues d’institution et identités, et les pratiques pédagogiques en tant qu’espaces de résistance ou d’aliénation. Il croise les approches sociologiques des institutions éducatives avec les réflexions critiques sur la didactique, les savoirs situés et la transmission culturelle.
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Bibliographie indicative :
Agier, Michel (2011), Le couloir des exilés : être étranger dans un monde commun, Paris, Éditions du Croquant.
Asad, Talal (2003), Formations of the Secular: Christianity, Islam, Modernity, Stanford, Stanford University Press.
Bayart, Jean-François (2006), L’État en Afrique : la politique du ventre, Paris, Fayard.
Bhabha, Homi K. (1994), The Location of Culture, London/New York, Routledge.
Chatterjee, Partha (1993), The Nation and Its Fragments: Colonial and Postcolonial Histories, Princeton, Princeton University Press.
Colonna, Fanny (1975), Instituteurs algériens 1883-1939, Alger, SNED.
Comaroff, Jean & Comaroff, John (2010), Théorie de l’ethnographie : le postcolonial et le vernaculaire, trad. fr. Paris, Éditions Karthala.
Comaroff, Jean & Comaroff, John (1992), Ethnography and the Historical Imagination, Boulder, Westview Press.
Copans, Jean (2010), La longue marche de la modernité africaine : savoirs, intellectuels, développement, Paris, Karthala.
Fanon, Frantz (1961), Les damnés de la terre, Paris, François Maspero / La Découverte.
Mbembe, Achille (2013), Critique de la raison nègre, Paris, La Découverte.
Mbembe, Achille (2001), On the Postcolony, Berkeley, University of California Press.
Memmi, Albert (1957), Portrait du colonisé, précédé de Portrait du colonisateur, Paris, Éditions Buchet/Chastel.
Said, Edward W. (1993), Culture and Imperialism, London, Chatto & Windus.
Scott, James C. (1985), Weapons of the Weak: Everyday Forms of Peasant Resistance, New Haven, Yale University Press.
Spivak, Gayatri Chakravorty (1988), Can the Subaltern Speak?, in Marxism and the Interpretation of Culture, Nelson & Grossberg (eds), Urbana, University of Illinois Press.
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Modalités pratiques :
· Les propositions pourront être rédigées en langue arabe, française, ou anglaise.
· Titre + Résumé de la communication (300 à 500 mots) + notice biographique
· Date limite d’envoi des propositions de communications : 31 juillet 2025
· Notifications d’acceptation : 18 août 2025
· Date limite d’envoi des communications complètes : 18 octobre 2025
· Propositions à envoyer à : iseah.carep.colloqueresistance@gmail.com
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Comité scientifique :
· Houda Ben Hammadi – Professeur - Université de Carthage (TUN)
· Riadh Ben Khalifa – Maître de conférences - Université de Tunis (TUN)
· Mohamed Salah Bouomrani – Professeur - Université de Gafsa (TUN)
· Didier Fassin – Professeur - Université de Princeton (USA)
· Moncef Gabsi – Maître de conférences - Université de Sfax (TUN)
· Ahmed Khwaja – Professeur - Université de Tunis (TUN)
· Mehdi Mabrouk – Professeur - Université de Tunis (TUN)
· Mohamed Nachi – Professeur - Université de Liège (BEL)
· Abderrazzak Sayadi – Professeur - Université de Kairouan (TUN)
· Farah Zaïem – Professeur - Université de la Manouba (TUN)
· Hassen Zriba – Maître de conférences - Université de Gafsa (TUN)
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Comité d’organisation :
Wajdi Belgacem ; Rym Ben Tanfous ; Wijdène Bousleh ; Abdelkrim Brahmi ; Rania Chebbi ; Nouri Eladib ; Syrine Farhat ; Jamil Ghouaidia ; Henda Ghribi ; Amor Hfaiedh ; Ashref Hosni ; Naouel Khleifi ; Safouane Trabelsi ; Samira Zaïbi.
Responsables du colloque :
· Mohamed Anis Abrougui - Directeur du département de Français à l’institut supérieur des études appliquées en humanités de Gafsa
· Foued Ghorbali – Directeur du département de sociologie à l’institut supérieur des études appliquées en humanités de Gafsa
· Mehdi Mabrouk - Directeur du Centre arabe des recherches et de l’étude des politiques – Tunis.
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Conditions de participation :
· Formulaire d’inscription
Les personnes intéressées sont invitées à remplir le formulaire disponible à l’adresse suivante https://drive.google.com/drive/folders/1rbP7mlBgLC2hs90geih9easP1S_pw2Kw?usp=drive_link , en précisant l’axe thématique choisi.
· Soumission des résumés
Chaque proposition doit mentionner clairement l’axe dans lequel elle s’inscrit. Le résumé, d’environ 700 mots, devra inclure :
· le titre de la communication ;
· la problématique ;
· les objectifs et la méthodologie ;
· les idées principales ;
· une liste de cinq mots-clés minimum ;
· une brève bibliographie.
· Soumission du texte complet (Full Paper)
Le texte final devra compter entre 6000 et 8000 mots, en respectant les normes scientifiques en vigueur (notes de bas de page, bibliographie, etc.). Pour les consignes de rédaction, consulter : http://carep.tn
Normes de présentation :
Ø Pour les textes en arabe : police Sakkal Majalla, taille 14.
Ø Pour les textes en français ou en anglais : police Times New Roman, taille 12, interligne 1,5.
· Langues de la conférence
Les communications peuvent être présentées en arabe, français ou anglais.
· Originalité des contributions
Les textes soumis doivent être inédits, ne pas avoir été publiés (papier ou numérique), ni présentés dans d’autres manifestations scientifiques.
· Adresse de soumission
Les propositions doivent être envoyées à l’adresse suivante : iseah.carep.colloqueresistance@gmail.com
· Publication
Une sélection des contributions fera l’objet d’une publication ultérieure. Les auteurs seront informés des modalités et du calendrier.
· Informations complémentaires
Pour toute question, veuillez contacter conjointement : carep.tn@gmail.com ; abrougui.mohamed.anis@gmail.com