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Postures d'humoristes dans les littératures francophones (Brest)

Postures d'humoristes dans les littératures francophones (Brest)

Publié le par Marie Berjon (Source : Christophe COSKER)

APPEL À CONTRIBUTIONS

Ouvrage collectif portant sur l’humour littéraire francophone, sous le titre :

Postures d'humoristes dans les littératures francophones

 

Argumentaire

À composition d’un classique L’Humour dans la littérature francophone, nous avons préféré proposer aux intéressés de contribuer à un ouvrage consacré aux Postures d’humoristes dans les littératures francophones. Ainsi le but est-il d’explorer l’humour à hauteur d’homme – et de femme – en s’intéressant aux humoristes. Là où la théorie peut se perdre dans les nuées, nous avons souhaité retrouver le sens de l’humour en analysant des pratiques d’agents.

En francophonie, l’humour a déjà été étudié notamment par Vincent Simédoh dans L’Humour et l’ironie en littérature francophone subsaharienne. Des enjeux critiques à une poétique du rire (2011) :

En effet, une lecture attentive des œuvres africaines francophones révèle une constante au niveau de la représentation : le rire exprimé par l’humour et l’ironie. Ces deux figures sont présentes dans la littérature francophone africaine depuis le début et connaissent un essor et un emploi de plus en plus fréquents. Elles permettent de créer un univers constitué globalement « d’un procès tendant à dissoudre l’opposition jusque-là stricte du sérieux et du non-sérieux » (Lipovetsky, 195). Il y a comme une volonté de la part des écrivains de se démarquer de l’univers qu’ils ont créé, de se distancier des personnages sortis de leur imagination. L’univers romanesque semble ainsi se circonscrire à l’intérieur de symbolismes particuliers, susceptibles d’évoquer une expérience singulière. Il s’agit d’une aventure réellement ambiguë, dans ce crépuscule des temps anciens où les vieux nègres et leurs médailles indiquent la fin du temps des enfants noirs. On sait que ce soit sous sa forme comique ou risible, le rire s’oppose aux normes sérieuses, au sacré. Il est un principe de rabaissement du sublime, du pouvoir, du sacré ; il met la hiérarchie à l’envers en inversant le haut et le bas, en précipitant tout ce qui est sublime et digne dans les gouffres de la matérialité. (p. 2-3)

 

À cette approche francophone s’en ajoute une autre, postcoloniale, à savoir :

Dans une autre étude plus récente (2008), Sathya Rao parle du rire africain en le qualifiant de rire des marges qui selon lui « ne se constitue pas au dépens de ceux qu’il exclut » (Ndiaye, 12). Il subdivise « l’humour nègre » en rire des marges, rire colonial puis en rire néocolonial et postcolonial. Il le décrit comme un outil de « solidarité oppositionnel des marginaux » et conclut qu’en fait c’est tout simplement une idée de l’homme. Tout en brossant et caractérisant ce rire, qui va de la critique du système colonial au postcolonial qui porte que les travers de la bourgeoisie et autre, il ne montre pas son fonctionnement dans les textes, car l’article reste après tout très général tout comme l’étude de Martin-Granel (1991) qui ne fait qu’explorer des textes. Le dessein est ici de considérer, très spécifiquement, le phénomène du rire sous l’angle de l’humour et de l’ironie devenus un art en soi. » (p. 3)

 

En ce qui concerne le choix du singulier ou du pluriel – littérature francophone versus littératures francophones -, nous avons opté pour la seconde afin de laisser le champ libre à plusieurs conceptions de l’humour en fonction des aires culturelles.

D’un point de vue scientifique, l’humour est donc ici envisagé comme une posture, c’est-à-dire, selon Alain Viala, comme une manière d’occuper une place. Quelle est donc cette place de l’humoriste ? Jérôme Meizoz développe une analyse du concept de posture dans le contexte des écrivains. Articulant lecture externe et lecture interne, son approche sera pour nous une boussole dont nous espérons qu’elle puisse aboutir au moins à un échantillon de postures d’humoristes francophones, au mieux à un système des postures d’humoristes francophones. On rappellera, si besoin est, qu’une approche postcoloniale des postures d’écrivains existe déjà, celle de Lydie Moudileno avec Parades postcoloniales. La fabrication des identités dans le roman congolais (2006).

 

Le terrain de recherche du présent ouvrage est la francophonie, c’est-à-dire une expression de l’humour en lien avec la langue française et dans un cadre culturel qui peut être français ou autre. En ce sens, le fil conducteur est le suivant : comment l’humour se sert-il de la langue française ? Question francophone par excellence, et ici traité dans le domaine de la littérature, nous n’oublions que l’humour ne se réduit pas à la sphère littéraire.

Étant donné qu’il est souvent relié à l’ironie, il nous semble également important que cet ouvrage collectif puisse se comprendre comme une première pierre vers une Poétique de l’humour, à la manière de la Poétique de l’ironie (2001) de Pierre Schoentjes. En ce sens, le point de départ de l’ouvrage ici cité est le fait que l’ironie est utilisée par l’opinion commune au sens de l’antiphrase à travers l’opposition entre la phrase selon laquelle il ferait beau alors qu’il pleut. L’équivalent humoristique nous semble être le suivant : « Tu n’as pas le sens de l’humour ». C’est ainsi que peut réagir tout un chacun lorsqu’on ne rit pas à sa blague ou que l’on prend mal ses propos. Cette pierre angulaire de l’humour montre qu’il est un rapport à l’autre et que l’humour recherche le rire au risque de la blessure. En sortant de la communication standard, il espère une plus-value, recherche une sorte de fusion et peut aboutir à la séparation. Il nous semble qu’il en va de même dans un sketch ou dans un livre.

En ce sens, le but du présent ouvrage, lorsqu’il analyse en contexte l’humour d’un agent, est de comprendre à la fois la stratégie mise en place par l’écrivain, son amont, c’est-à-dire les raisons qui l’amènent à faire ce choix et son aval c’est-à-dire l’effet bénévole ou malévole obtenu sur le lectorat. Un dernier axe nous paraît également important, à savoir celui du réajustement de posture lorsque la communication humoristique s’avère un fiasco.

Le présent ouvrage se veut ouvert à toutes sortes de contributeurs. Il s’intéresse aux aires francophones qui sont aussi des aires postcoloniales. Il souhaite une approche disciplinaire qui soit d’ordre littéraire, linguistique ou sociologique. En effet, l’humour se situe à la croisée de plusieurs disciplines dont la littérature, qui s’est appropriée de lui pour en faire un potentiel de création et de réception. Ainsi, comme en témoigne le répertoire florissant et coloré d’œuvres littéraires, l’humour confère aux littératures francophones une profondeur remarquable.

A cet égard, nous pouvons citer les récits de Driss Chraïbi, d’Alain Mabanckou, de Fouad Laroui, de Najat El Hachmi, de Mahi Binebine, de Jonas Hassen Khemiri, d’Ahmadou Kourouma, de Dany Laferrière, de Fatou Diome et de Kamal Daoud. Ces écrivains, appartenant à des aires géoculturelles différentes et des générations variées, ont pu donner à voir / penser des réalités complexes et représenter des thématiques récurrentes de façon lucide et oblique. 

Nous tenons à préciser que caractère ambivalent de l’humour francophone le rend un phénomène global et protéiforme vu que « l’humour s’attache et s’attaque à tous les aspects de la littérature, cultive tous les registres et tous les genres » (Moura, 2010). Donc, il est plus facile de le reconnaitre que de le définir car il englobe d’autres notions avoisinantes comme la plaisanterie, la moquerie, la raillerie, le sarcasme, l’ironie et la dérision. Derrière cette ambivalence, nous trouvons les différentes théories de l’humour proposées jusqu’alors de l’humour ; ce sont généralement des théories fondées sur les notions de disjonction d’isotopie, de bisociation, d’inversion sémantique entre autres. En outre, l’humour est souvent lié au comique et à l’absurde, mais il pourrait être synonyme de tragique. 

Pourtant, nous pouvons citer quelques dimensions que revêt l’humour littéraire francophone pour cerner son essence : 

· La dimension pragmatique : L’humour se veut particulièrement un usage ludique du langage qui s’exerce ou non contre une cible. Pour ce faire, divers procédés discursifs, narratologiques et stylistiques capables de mettre en relief l’insoutenable légèreté de l’Etre. En effet, la visée de la communication humoristique est d’amuser en rendant la réalité soutenable et plaisante.

 Pour Jean Marc Moura, l’humour est « une communication esthétique, sémiotiquement complexe, dont la particularité est d’engendrer chez le lecteur une forme très singulière de sourire » (Moura, 2010, p. 03). 

 

· La dimension ontologique : Pour un bon nombre d’écrivains francophones, l’aventure humoristique rime davantage avec refuge et échappatoire. Cela dit, l’humour demeure un trait d’esprit chez ces auteurs qui cherchent à donner sens à un réel souvent administré par l’absurde et le non-sens, causé par l’entre-deux cultures et deux langues, mais aussi par l’hybridité des appartenances.

· La dimension esthétique : l’humour est assimilé à un jeu de mots qui complique la structure d’une œuvre littéraire et accroit ainsi la participation, voire la connivence, du lecteur.  Pour l’analyser, il faut passer sous cribles les différents procédés rhétoriques, discursif et énonciatifs investis dans l’œuvre. Ce processus agit aussi sur la forme, c’est-à-dire sur les genres, et les formes d’expressions avoisinantes comme la parodie, le pastiche, l’ironie et la moquerie. L’humour est le sourire de la littérature. Sur le plan formel, l’acte humoristique peut déclencher un certain engrenage identitaire générique. Nous assistons donc au travestissement générique, à l’hétérolinguisme et à l’hybridité qui caractérisent généralement les productions littéraires francophones.  Certains de ces phénomènes, comme la transgénéricité et l’hétérolinguisme nécessitent des réflexions approfondies et des mises au point définitoires. 

· La dimension intellectuelle, voire politique : L’humour est voué à être une arme de dénonciation et de critique sociale par le biais de la satire, de la raillerie, de la moquerie et de l’inversion sémantique. 

 

Sans prétendre à l’exhaustivité, nous proposons les axes de réflexion suivants, qui invitent à une exploration fructueuse de perspectives diverses. Toute proposition en rapport avec le thème de l’humour littéraire francophone et de son inscription dans un processus de création -réception, de même que dans une historicité ou une thématologie spécifique sera appréciée.  

1. L’humour comme rapport à la norme : humour et rapport de force, dominant/dominé.

2. L’humour comme rapport à la force : humour et rapport à la norme, le congru et l’incongru, l’attendu et l’inattendu, l’angoisse et le soulagement

3. Questions d’humour, de genre, de généricité et de transgénéricité dans les littératures francophones : Nouvelles postures, nouveaux paradigmes.

4. L’humour comme remise en jeu du réel et comme distanciation.

5. Jeux et enjeux de l’hybridité dans la littérature francophone d’extrême contemporaine (de l’an 2000 à nos jours) …

6. L’humour littéraire francophone : Du postmodernisme au postcolonialisme. 

 

Modalité de soumission :

Les articles sont à envoyer aux adresses électroniques suivantes avant le 31 décembre 2025 :

christophecosker@univ-brest.fr  / elalami.amine@uit.ac.ma

 

Coordonnateurs :

PR. CHRISTOPHE COSKER & PR. AMINE EL ALAMI

 

Dates importantes :

·       30 juin 2025 : Lancement de l’appel à contributions.

·       31 décembre 2025 : Date limite de réception des articles.

·       30 janvier 2026 : Notification d’acceptation aux auteurs.

·       Mars 2026 : Parution de l’ouvrage collectif. 

 

Bibliographie :

-      Roger Caillois, Les Jeux et les hommes. Le masque et le vertige, Paris, Gallimard, 1958.

-      Christophe Cosker, Nassur Attoumani : mythologies, Moroni, Komedit, 2023.

-      Pierre Schoentjes, Poétique de l’ironie, Paris, Seuil, 2001.

-      Robert Escarpit, L’Humour, Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? », 1960.

-      Franck Evrard, L’Humour, Paris, Hachette supérieur, coll. « contours littéraires », 1996.

-      Jérôme Meizoz, Postures littéraires. Mises en scène modernes de l’auteur (essai), Genève, Slatkine, 2007.

-      Jérôme Meizoz, La Fabrique des singularités. Postures littéraires II, Genève, Slatkine, 2011.

-      Lydie Moudileno, Parades postcoloniales. La fabrication des identités dans le roman congolais, Paris, Karthala, coll. « Lettres du sud », 2006.

-      Vincent Simédoh, L’Humour et l’ironie en littérature francophone subsaharienne. Des enjeux critiques à une poétique du rire, Paris, Peter Lang, 2011.

-      Alain Viala et Georges Molinié, Approches de la réception, Paris, PUF, 1993.

-      Cécile Canut, « De l’Afrique des langues à l’Afrique des discours » in, Cahiers d’études africaines [En ligne], 198-199-200 | mis en ligne le 02 janvier 2013, URL : http://journals.openedition.org/etudesafricaines/1654 , 2010

-      Daniel Sibony, « Les sens de l’humour », in, Le Journal des psychologues, 2009/6/ numéro 269, pp. 30 -35, 2009

-      Daniel Sangsue, La relation parodique, Paris, J. Corti, col « Les essais », 2007

-      Khalid Zekri, 2006, Fictions du réel. Modernité romanesque et écriture du réel au Maroc 1990-2006, Paris, L’Harmattan

-      Kundera, Milan, L’art du roman, Paris, Gallimard « Folio », 1986

-      Laurent Perrin, L'Ironie mise en trope, Kimé, 1996

-      Catherine, Kerbrat- Orecchioni, L'implicite, Paris, Armand Colin, 1986

-      Jean Marc Moura, Le sens littéraire de l’humour, Paris, Presses universitaires de France, 2010

-      Jean Marc Moura, Poétique comparée du rire, Paris, Presses universitaires de Paris Nanterre, 2008

-      Jean Sareil, L’Écriture comique, Paris, Presses universitaires de France,1984

-      Ludwig Wittgenstein, Remarques mêlées, Paris, Flammarion, «GF», 2002

-      Michel Butor, Anthologie de l’humour noir, Paris, Le Livre de Poche, 1966

-      Vladimir Jankélévitch, L’ironie, ou la bonne conscience, Flammarion, collection Champs, 1991

-      Daniel Grojnowski, Aux commencements du rire moderne. L’esprit fumiste, Paris, J. Corti, 1997

-      Paul Aron, Histoire du pastiche, Paris, PUF, coll. « Les littéraires », 2008

-      Philipe Hamon, L’ironie littéraire, Paris, Seuil, 1986

-      Alain Vaillant, La civilisation du rire, Paris, CNRS éditions, 2016

-      Khalid, Zekri, « L’Homme Nouveau de Fouad Laroui » in, Notre librairie Revue des littératures du Sud, N°146, Nouvelle génération, Octobre – Décembre 2001

-      Linda Hutcheon, « Ironie, satire, parodie : Une approche pragmatique de l'ironie », https://tspace.library.utoronto.ca/bitstream/1807/10253/1/TSpace0166 , 1981