
« France/Allemagne : traduire les poètes des XVIe-XVIIe siècles »
dir. Maxime Cartron (FNRS-UCLouvain, GEMCA) et Thomas Hunkeler (Université de Fribourg)
La question de la traduction des poètes de langue allemande en français et des poètes de langue française en allemand, déjà bien étudiée à propos du romantisme et du XXe siècle [1], s’avère d’une importance cruciale si on l’envisage du point de vue idéologique des relations entre les deux pays, et plus précisément des convergences ou disjonctions culturelles qui les marquent. Or il est une période particulièrement propice aux interrogations sur ces politiques de la traduction : celle de la première modernité. En effet, que ce soit à cette époque ou dans les réinvestissements ultérieurs dont elle a fait l’objet, notamment au XXe siècle, la traduction franco-allemande a toujours été un lieu stratégique de (re)construction de l’identité européenne, les traducteurs l’investissant afin de favoriser les échanges entre l’espace francophone et l’espace germanique. Le présent dossier voudrait explorer les enjeux de ces gestes de traduction à propos des poètes des XVIe et XVIIe siècles, en interrogeant leurs impacts aussi bien du côté de la production que de celui de la réception. Qu’il s’agisse de poètes allemands, autrichiens et suisses traduits en français ou de poètes français traduits en allemand, l’objectif sera d’évaluer l’intentionnalité des traducteurs : pour quelles raisons et à quels moments donner en français ou en allemand des textes poétiques des XVIe-XVIIe siècles ? Cette problématique sera étudiée sous l’angle de la parution et de la circulation des traductions et des motivations historiques et idéologiques qui en rendent raison. Dans cette perspective, on pourra en particulier, sans exclusive, approfondir les trois axes suivants :
1) Traduction et compilation : quelle interaction entre ces deux gestes ? Comment comprendre le lien entre anthologisation et traduction ? Quelles stratégies éditoriales, pour quels publics ? Pour qui, en somme, traduit-on et compile-t-on de la poésie des XVIe-XVIIe siècles en allemand ou en français ? Quel est le statut et le rôle de l’éditeur dans ce processus ?
2) Mémoire et transhistoricité des traductions : quel est le statut des toutes premières traductions ? Les traducteurs suivants s’en servent-ils, réagissent-ils contre elles ? [2] Quelle est la différence de nature idéologique entre une traduction réalisée à l’époque du poète et une traduction publiée plusieurs siècles après sa mort ?
3) Idéologie et traduction : un ouvrage récent [3] invite à considérer un « double contexte – celui du texte original dans son moment propre et celui de leur [NDLR : les traductions] écriture dans une autre aire culturelle et un temps différé, avec des risques toujours possibles de décontextualisation » [4]. Il est par conséquent loisible d’approfondir le lien que les traductions franco-allemandes de textes poétiques des XVIe et XVIIe siècles entretiennent avec les idées de nation, de nationalisme et d’internationalisme.
Les propositions de contributions, en allemand ou en français, sont à adresser à maxime.cartron@uclouvain.be avant le 1er décembre 2025.
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Bibliographie indicative
Maxime Cartron, Jean Rousset. Traduire et compiler le baroque, préface de Thomas Hunkeler, Genève, Droz, « Courant critique », 2023.
Maxime Cartron, « “Prendre de vitesse la mort” : traductions françaises de la poésie baroque allemande », Romanische Forschungen, no136, 2024, p. 36-55.
Maxime Cartron, « “Nous plier à leurs exigences secrètes” : les poètes baroques allemands de René Lasne et Georg Rabuse, du nazisme à l’ombre de Jean Rousset », Édition et appropriation (XVIe-XVIIIe siècle), Maxime Cartron et Nicholas Dion (dir.), Mémoires du livre/Studies in Book Culture, vol. 15, no2, 2025, https://www.erudit.org/fr/revues/memoires/2024-v15-n2-memoires09841/1116161ar/resume/.
Marc Crépon et Ginevra Martina Venier (dir.), Politique des traductions, Paris, Éditions Rue d'Ulm, « Les rencontres de Normale sup », 2023.
Frank-Rutger Hausmann, « French-German and German-French Poetry Anthologies 1943-45», Christopher Rundle et Kate Sturge (dir.), Translation under Fascism, Londres, Palgrave Macmillan, 2010, p. 201-214.
Frank-Rutger Hausmann, « Die zweisprachige Anthologie de la poésie allemande des origines à nos jours (1943) und ihre Rezeption in Deutschland und Frankreich », Bernard Banoun, Michaela Enderle-Ristori et Sylvie Le Moël (dir.), Migration, exil et traduction. Espaces francophone et germanique (XVIIIe-XXe siècles), Tours, Presses Universitaires François-Rabelais, « Traductions dans l’Histoire », 2011, p. 197-219.
Thomas Hunkeler (dir.), Paradoxes de l’avant-garde. La modernité artistique à l’épreuve de sa nationalisation, Paris, Classiques Garnier, « Rencontres », 2014.
Christine Lombez, La Traduction de la poésie allemande en français dans la première moitié du XIXe siècle. Réception et interaction poétique, Tübingen, Max Niemeyer Verlag, « Communicatio », 2009.
Christine Lombez (dir.), Retraductions. De la Renaissance au XXIe siècle, Nantes, Cécile Defaut, « Horizons comparatistes », 2011.
Christine Lombez, « D’une anthologie à l'autre : que transmettre de la poésie allemande en français pendant/après l’Occupation ? », Ève de Dampierre, Anne-Laure Metzger, Vérane Partensky et Isabelle Poulin (dir.), Traduction et partages : que pensons-nous devoir transmettre ?, Bordeaux, Université Bordeaux Montaigne, 2013, http://sflgc.org/acte/christine-lombez-dune-anthologie-a-lautre-que-transmettre-de-la-poesie-allemande-en-francais-pendant-apres-loccupation/.
Christine Lombez (dir.), Traducteurs dans l’histoire, traducteurs en guerre, Atlantide, no5, 2016.
Christine Lombez, La Seconde profondeur. La traduction poétique et les poètes traducteurs en Europe au XXe siècle, Paris, Les Belles Lettres, 2016.
Christine Lombez (dir.), 1943 en traductions dans l’espace francophone européen, Atlantide, no8, 2018.
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[1] Sur cette question on consultera tout particulièrement les travaux de Christine Lombez, et notamment La Traduction de la poésie allemande en français dans la première moitié du XIXe siècle. Réception et interaction poétique, Tübingen, Max Niemeyer Verlag, « Communicatio », 2009.
[2] « Pourquoi, pour qui, retraduit-on ? Afin de rectifier les erreurs avérées d’une traduction antérieure ? De répondre à un « horizon d’attente » littéraire et culturel en constante mutation ? Pour des raisons banalement commerciales ? Quel type de relation un (re)traducteur entretient-il avec le texte produit par son ou ses prédécesseurs dans l’exercice ? » (« Avant-propos », Christine Lombez (dir.), Retraductions. De la Renaissance au XXIe siècle, Nantes, Cécile Defaut, « Horizons comparatistes », 2011, p. 9).
[3] Marc Crépon et Ginevra Martina Venier (dir.), Politique des traductions, Paris, Éditions Rue d'Ulm, « Les rencontres de Normale sup », 2023.
[4] Ibid., quatrième de couverture.