
La littérature mondiale désigne une expérience délicate à penser. La fréquentation d’œuvres littéraires de tous horizons suscite des sentiments d’appartenance à large échelle, souvent trop indéfinis pour être précisément formulés, mais assez vifs pour être intensément vécus.
Cette expérience est également multiple. Il n’y a pas une littérature mondiale, mais une grande diversité de littératures mondiales : depuis deux siècles, on n’a cessé sur tous les continents d’en saluer l’avènement, d’en décrier les compromissions, d’en fixer les critères.
La littérature mondiale désigne ici un rêve, celui d’un commun devenu mondial et favorisé par la circulation des œuvres littéraires. Ou un cauchemar, quand des régimes totalitaires s’inventent leur propre Weltliteratur ou mirovaja literatura. Un passé hétérogène, en somme, dont on n’hérite pas sans confusion aujourd’hui.
Explorer les archives, même les plus improbables, ne suffit pas. Il faut rêver à notre tour, puis juger ce que nous y découvrons : quelle expérience de la mondialité chaque littérature mondiale nous propose-t-elle ? Si nous rêvons avec elle, comment faisons-nous communauté par la littérature ?
Cet ouvrage mêle théorie, histoire et autobiographie. Il propose une réflexion qui va de Goethe à Spivak, des journaux de propagande aux foires du livre contemporaines, des bibliothèques prestigieuses aux plus modestes boîtes à bouquins.
Jérôme David est professeur à l’université de Genève. Il est notamment l’auteur de Spectres de Goethe. Les métamorphoses de la « littérature mondiale » (2012) et de Bodmer et les promesses de la littérature mondiale (Ithaque, 2018). Il a dirigé avec Hélène Merlin-Kajman le volume Transitions. Une aventure critique, 2011-2022 (Ithaque, 2024).