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Sexy Pop 3. Un siècle de parodies sexy (1920-2020). Des

Sexy Pop 3. Un siècle de parodies sexy (1920-2020). Des "sexy pulp fictions" au "Scooby doo porn" (Reims & Montréal, en ligne)

Publié le par Marc Escola (Source : Sébastien Hubier)

Sexy Pop 3

Un siècle de parodies sexy (1920-2020). Des « sexy pulp fictions » au « Scooby doo porn »

Aux printemps 2023 et 2024, des journées d’études coproduites par l’Université du Québec à Montréal et par l’Université de Reims-Champagne-Ardenne, s’étaient penchées, dans la perspective des cultural, gender & queer studies, sur l’âge d’or de la pornographie filmée, sur Raúlo Cáceres, sur les multiples facettes de la femme fatale dans l’animation de Jessica Rabbit, sur les Années folles conçues comme un laboratoire de la sexy pop actuelle, sur le shōnen Assassination Classroom, sur la puissance érotico-horrifique du vampire dans la culture populaire, sur la figuration de la possession par le sexy chez Alan Moore, sur les liens très étroits tissés entre lubricité et horreur dans le genre cinématographique du torture porn, sur le tópos de la quête de la vidéocassette classée X dans les fictions de jeunesse, sur les « bombasses et canons » publicitaires de la Grande Guerre à la guerre d’Ukraine, etc. Dans le sillage de ces ateliers, tables rondes et publications (https://popenstock.uqam.ca/dossiers-thematiques/sexy-pop) et podcasts (https://oic.uqam.ca/mediatheque/sexy-pop-1), un nouvel événement consacré à la « sexy pop » aura le lieu le vendredi 16 mai 2025 sous une forme analogue à celles des années passées.

Depuis les « roaring sixties » ne cesse de se développer une culture populaire de masse qui se présente comme source à la fois de joie, de jouissance et de contestation. Parmi ses thématiques privilégiées se trouvent quelques invariants : le bonheur, la jeunesse, l’amour ou, plus précisément l’éros tel qu’il est conçu depuis Bataille et Marcuse. C’est précisément ce qui explique la prégnance, depuis les « sexties », des registres, voisins mais pas entièrement synonymes, du hot, du glamour, du sexy. Si le hot renvoie clairement à la figuration explicite de la sexualité et si le glamour associe le charme à un goût certain pour la mode, « le sexy d’un corps (qui n’est pas sa beauté), comme l’observait Barthes, tient à ce qu’il soit possible de marquer (de fantasmer) en lui la pratique amoureuse à laquelle on le soumet en pensée (j’ai l’idée de celle-ci précisément, et non de telle autre) »1. Dans la culture hypersexuelle de la postmodernité, ou s’opère sans cesse une véritable « pornographisation du social »2, le sexy est partout, et le culte de l’apparence, du look accompli ne cesse de s’intensifier. « Ce qui était vilipendé parce que porteur d’une image mauvais genre et vulgaire est devenu tendance [...]. Tel est le sexy, lequel se définit par un style aguicheur et décomplexé, une érotisation appuyée du corps délivrée des anciennes condamnations morales »3.

Conformément au projet des différentes branches des cultural studies qui n’établissent aucune hiérarchie entre les fictions qu’elles conçoivent indifféremment comme des textes idéologiques qui sont conjointement le produit et le reflet des conflits de la période qui les fabrique, on se penchera sur les mobiles et les enjeux extrêmement divers des liens qui unissent LES cultures pop (qui, toutes, « ser[vent] à faire éprouver à un peuple indéfini son propre pouvoir d’agrégation »4) et toutes les formes de mise en scène de cette catégorie incertaine et, symptomatiquement, très peu pensée, qu’est la sexiness. Théâtralisation de la séduction et scénographie du désir et du fantasme, celle-ci est aussi, comme l’ont montré les travaux entrepris par Sharon Lamb, Kaelin Farmer, Elena Kosterina, Susan Lambe Sariñana, Aleksandra Plocha et Renee Randazzo, affaire d’outrance, de confiance en soi, de désinvolture, d’insouciance, de goût pour le sexe et les diverses formes de sexualité. C’est aussi, enfin, une manière ambiguë de souffler le chaud et le froid, de susciter la jalousie en même temps que le désir, de maîtriser l’art de l’insinuation, d’induire l’autre en tentation, d’établir avec lui un jeu, subtil, sur les clichés de la séduction tels qu’ils sont fixés et réinterprétés par la pop culture. Nous nous pencherons donc sur tous ces usages du sexy – sexy qui demande à être soigneusement distingué du slutty certes, mais aussi situé par rapport aux notions de sex-appeal ou de sex-symbol (ou même du personnage stéréotypé de la sex-bomb popularisé par la chanson de Tom Jones et Mousse T).

On se penchera cette année sur la manière dont les codes érotiques sont aujourd’hui repris dans la publicité, la mode, la téléréalité, les jeux vidéo et la littérature de grande diffusion, ainsi que sur les limites entre sexiness et nouveau régime du « tout-pornographique » tel qu’il a été étudié par Dominique Baqué qui s’attache, dans le posthumanisme qui est le nôtre, au lissé froid des corps pornographiques, à l’enfer esthétique des pratiques extrêmes, aux mutations sexuelles dont témoignent les arts plastiques, la photographie, le cinéma, mais aussi la littérature et la mode5 – notamment dans le cadre de l’alternaporn, cette contre-culture qui relie étroitement la pornographie, soft ou hard, à des mouvements alternatifs tels que le gothique, le punk, la cyberculture ou la fameuse DIY culture. Dans cette optique, on se demandera comment et pourquoi la sexiness, à l’instar du porno auquel on ne saurait la réduire, se trouve prise dans les vastes mouvements post- et hypermodernes qui font éclater les catégories génériques (y compris au sens de gender) et, ipso facto, insistent sur la nécessité d’hybridation des tons et des registres : les images sexy finissent par s’immiscer dans des œuvres qui, elles, ne sont pas pleinement érotiques, et, partant, se trouvent décontextualisées et recontextualisées ; d’où l’importance des notions de parodie, de pastiche, de resémantisation, de circulation, de transfert culturel, de réappropriation, de métissage ou d’usage ludique. On s’attachera donc aussi bien à la littérature (pour expliquer, par exemple, la manière dont divers motifs du roman érotique ont influé sur quantité d’autres genres depuis les années 1960 et expliquent le triomphe actuel des smut literatures) qu’à la peinture (comment, par exemple, le Pop Art, britannique aussi bien que nord-américain, a-t-il pu récupérer des stéréotypes de longtemps attachés à la culture érotique ?) ou à la nouvelle vague de la photographie érotique à la mode de Nobuyoshi Araki, de Markus Amon, d’Alethea Austin, de Bruno Bisang, de Didier Carré, de Barney Cokeliss ou de Noritoshi Hirakawa, en passant par la vogue de sexualisation des pochettes de disque dans la seconde moitié du siècle dernier. On étudiera le rôle central qu’ont joué les fumetti per adulti dans l’émergence et la diffusion de l’érotisme postmoderne et on considérera comment ces bandes dessinées de petit format ont révélé des grands noms comme Milo Manara, Alessandro Biffignandi, Leone Frollo, Averardo Ciriello ou Aslan et ont surtout popifié de nouveaux types de scénarios érotiques. Il s’agira aussi d’étudier des genres finalement pas assez explorés par les théoriciens et les critiques (comme les erotic thrillers, les émissions de téléréalité ou les Harlequin sexy) et de discuter des grandes figures qui mériteraient d’être reconsidérées dans l’optique de la sexualisation de la pop (Madonna, Britney Spears, Miley Cyrus, Karol G et Becky G, pour ne rien dire des shôjo kashu et aidoru japonaises, mais aussi les rockstars sexy d’Elvis à Lenny Kravitz et les sexy crooners de Dean Martin à Zayn Malik). Enfin, on envisagera le flirt avec les codes de la pornographie dans des fictions destinées au grand public (Euphoria) ou dans des spectacles de théâtre ou de danse qui, bien que savants, sont directement reliés à l’imaginaire pop (pensons par exemple à $Shot qui, monté au printemps 2000 par Jennifer Lacey et Nadia Lauro, mêle volontairement les codes films érotiques aux canons de l’art minimaliste).

1Roland Barthes par Roland Barthes, éd.cit., p.41.
2Feona Attwood, Porn.com. Making Sense of Online Pornography, éd.cit.
3Gilles Lipovetsky, Plaire et toucher. Essai sur la société de séduction, Paris, Gallimard, 2017, p.205.
4Richard Mèmeteau, Pop Culture. Réflexions sur les industries du rêve et l’invention des identités, Paris, La Découverte, coll. « Zones », 2014, p.7.
5Dominique Baqué, Mauvais Genre(s) : Erotisme, pornographie, art contemporain, Paris, éditions du Regard, coll, « Essais sur l’art », 2002.

Programme

Jeudi 16 mai 2025

9h30 heure du Québec/15h30 heure française : Sébastien Hubier (Université de Reims-Champagne-Ardenne), « Introduction : contrefaçon, dérision et resémantisation. Quelques détournements et subversions érotico-pornographiques en bandes dessinées, de la Minnie Mouse des Dirty Comics à l'Alice de Mandryka et Riverstone ».

10h/16h : Fleur Hopkins-Loféron (Historienne des arts), « Crocs et tentacules : la monster romance, une littérature érotique... et révoltée ».

10h30h/16h30 : Pause

11h/17h, Lorène Trémerel (Université de Reims-Champagne-Ardenne), « Scary Movie : humour trash et désir horrifique »

11h30/17h30 Albain Le Garroy (Université de la Rochelle), «"Bimbo de Grégory Privat, ou la simulation de l'exploitation ».

12h/18h : Table ronde.

Pour participer à la journée d'études en visio, merci d'envoyer un mail à sebastien.hubier@univ-reims.fr