
Le lien est une notion dense et ambivalente. Elle renvoie d’abord à ce qui unit ou réunit, à cet objet ou cette relation, qui rapproche deux êtres, deux idées ou deux choses. C’est ce que le Trésor de la langue française définit comme un « Objet flexible de forme allongée servant à entourer une chose pour maintenir ensemble ses différentes parties ». Elle incarne ainsi une forme de solidarité au premier abord. Cependant, le lien (et plus souvent encore « les liens », au pluriel) correspond à ce qui entrave, ce qui attache et finit par priver de la liberté. Ce sont ces liens qui œuvrent comme des chaînes pour contrôler des animaux ou des hommes. Il y a là une sorte d’emprisonnement et d’encloisonnement. C’est cette tension entre solidarité et exclusion, entre union et enfermement que nous souhaitons interroger dans le cadre des plurilinguismes.
La langue est, en effet, outil d’expression et de communication. Elle semble donc être le lien par excellence de l’homme avec le monde qui l’entoure. Mais que se passe-t-il quand il n’y a plus une langue commune mais plusieurs langues ? En posant l’expression « Délier les langues », nous souhaitons revenir à cette idée de libération de la parole. Il s’agira alors de mettre en lumière les silences et les non-dits qui habitent les interstices entre les langues.
Pour mettre en évidence la richesse de cette réflexion, nous prendrons brièvement, à titre d’exemple, le cas du guarani. Il s’agit une langue d’origine autochtone parlée aujourd’hui dans quatre pays d’Amérique du Sud : le Paraguay, le Brésil, l’Argentine et la Bolivie. Elle porte en elle les traces d’étapes historiques clefs telles que la colonisation, et le dialogue forcé avec l’espagnol, la création des États nations aboutissant à l’avènement d’une langue nationale, ou encore les différentes politiques linguistiques plus récentes. Certaines ont conduit à sa relégation dans les sphères de l’oralité, la renvoyant tantôt au statut de parler intime ou de langue régionale, d’autres, au contraire, l’ont placé sur le devant de la scène par la mise en place d’un bilinguisme officiel comme au Paraguay ou par le biais du nouveau constitutionnalisme latino-américain et des États plurinationaux comme en Bolivie.
Cette histoire jalonnée par la redéfinition des statuts et des représentations des langues nous invite à penser à la place des langues minoritaires en situation de bilinguisme ou de plurilinguisme en Amérique latine. Quelles sont les conséquences littéraires, juridiques, politiques ou encore éducatives de ce croisement des langues ?
Nous l’avons vu, il existe dans le lien une force de coercion. Celle-ci nous pousse à réfléchir aux rôles et aux conséquences des lois, des normes et des imaginaires dans le dialogue entre les langues. Quels sont ces carcans qui peuvent enfermer les langues dans un statut minorisé ? À l’inverse, quels sont les leviers institutionnels, publics ou culturels qui permettent de redéfinir les tensions et les statuts entre les langues ? Comment embrasser la diversité linguistique au cœur de l’appareil d’État ou encore au sein des pratiques sociales et individuelles ? Nous questionnerons ainsi la dialectique héritage/innovation par le prisme des plurilinguismes. Les droits linguistiques, par exemple, viennent questionner les législations, les politiques et les pratiques éducatives qui travaillent à renforcer l’inclusivité et le dialogue interculturel. Quelles sont les failles qui existent encore dans ces systèmes et les nouvelles mesures qui sont mises en place ?
Sur le plan sociolinguistique et identitaire, les plurilinguismes et les phénomènes diglossiques mettent en lumière une relation à soi et au monde qui n’est pas évidente. Comment le locuteur perçoit ses différentes langues ? Comment se situe-t-il sur l’échiquier linguistique qui oppose des langues dominantes à des langues minorisées ?
Quant au plan artistique, là aussi il nous faut penser aux conséquences et aux innovations du lien entre les langues. Comment les plurilinguismes peuvent-ils être envisagés à la fois comme des obstacles et des leviers pour la création ? Quelles sont les formes d’hybridation littéraire et artistique qui découlent d’un parler pluriel ?
Enfin, penser le lien, c’est aussi réfléchir à l’intermédiaire, à ce, celles et ceux, qui font le pont entre différentes langues et cultures. Il s’agira ici de questionner le rôle des traducteurs, des éditeurs et des critiques et de leur passe-droit entre les langues.
Dans une perspective pluridisciplinaire, ces journées d’étude se proposent de réfléchir ainsi aux dynamiques des liens linguistiques dans leurs manifestations littéraires et sociétales en Amérique latine.
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Les communications retenues pourront se faire en français, en espagnol ou en portugais, en présentiel ou en distanciel. Les propositions, entre 200 et 300 mots, sont à envoyer à l’adresse électronique suivante ecoterritoiresplurilingues@gmail.com avant le 20 mars.
Organisation :
Manon Naro (AMERIBER-CEPIAL, Université Paul Valéry Montpellier), Eugenia González Espinoza (AMERIBER-CEPIAL, Université Bordeaux Montaigne), Carla Fernandes (AMERIBER-CEPIAL, Université Bordeaux Montaigne), Ronald Soto-Quiros (AMERIBER-CEPIAL, Université Bordeaux Montaigne), Lizarlett Flores Díaz (AMERIBER-CEPIAL, Université Bordeaux Montaigne), Roudhia Sellin (AMERIBER-CEPIAL, Université Bordeaux Montaigne), Guillaume Weber (AMERIBER-CEPIAL, Université Bordeaux Montaigne).
Modalité hybride
Maison des Sciences de l’Homme Bordeaux, Salle Jean Borde.
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Ecoterritorios plurilingües de América latina: soltar las lenguas
El vínculo es una noción densa y ambivalente. Remite, en primer lugar, a aquello que une o reúne, a ese objeto o esa relación que acerca a dos seres, dos ideas o dos cosas. Es lo que el diccionario de la Real Academia española define como la “Unión o atadura de una persona o cosa con otra”. Así, encarna en un primer momento una forma de solidaridad. Sin embargo, el vínculo (y con mayor frecuencia aún, «los lazos», en plural) corresponde también a aquello que ata, que sujeta y acaba por privar de la libertad. Son estos vínculos los que actúan como cadenas para controlar a los animales o a los hombres. Aquí percibimos entonces una forma de encierro y coerción. La jornada de estudios ahondará en esta tensión entre solidaridad y exclusión, entre unión y reclusión, en el marco de los plurilingüismos.
La lengua es, en efecto, una herramienta de expresión y comunicación. Parece, por tanto, ser el vínculo por excelencia del ser humano con el mundo que lo rodea. Pero ¿qué ocurre cuando ya no hay una lengua común, sino varias lenguas? Al proponer la expresión "soltar las lenguas", queremos volver a esta idea de liberación de la palabra. Se tratará, entonces, de poner en evidencia los silencios y lo no dicho que habitan en los intersticios entre las lenguas.
Para ilustrar la riqueza de esta reflexión, tomaremos brevemente, a modo de ejemplo, el caso del guaraní. Se trata de una lengua de origen indígena hablada hoy en cuatro países de América del Sur: Paraguay, Brasil, Argentina y Bolivia. En ella se hallan las huellas de etapas históricas clave, como la colonización y el diálogo forzado con el español, la creación de los Estados-nación que llevó a la consolidación de una lengua nacional, o incluso las diferentes políticas lingüísticas más recientes. Algunas de ellas han conducido a su relegación a los ámbitos de la oralidad, situándola a veces como lengua íntima o regional, mientras que otras, por el contrario, la han puesto en el centro de la escena mediante la instauración de un bilingüismo oficial, como en Paraguay, o a través del nuevo constitucionalismo latinoamericano y de los Estados plurinacionales, como en Bolivia.
Esta historia, marcada por la redefinición de los estatus y representaciones de las lenguas, nos invita a reflexionar sobre el lugar de las lenguas minoritarias en contextos de bilingüismo o plurilingüismo en América latina. ¿Cuáles son las consecuencias literarias, jurídicas, políticas o incluso educativas de este entrecruzamiento de lenguas?
Como hemos visto, en el vínculo existe una fuerza de coerción. Esta nos lleva a reflexionar sobre los roles y las consecuencias de las leyes, normas e imaginarios en el diálogo entre las lenguas. ¿Cuáles son esas ataduras que pueden encerrar a las lenguas en un estatus minoritario? Por el contrario, ¿cuáles son los mecanismos institucionales, públicos o culturales que permiten redefinir las tensiones y los estatus entre las lenguas? ¿Cómo abrazar la diversidad lingüística desde el interior del aparato estatal o dentro de las prácticas sociales e individuales? Cuestionaremos así la dialéctica entre herencia e innovación a través del prisma de los plurilingüismos.
Los derechos lingüísticos, por ejemplo, plantean interrogantes sobre las legislaciones, las políticas y las prácticas educativas que buscan reforzar la inclusión y el diálogo intercultural. ¿Cuáles son las fallas que aún existen en estos sistemas y qué nuevas medidas se están implementando?
Desde una perspectiva sociolingüística e identitaria, los plurilingüismos y los fenómenos diglósicos revelan una relación con uno mismo y con el mundo que no es evidente. ¿Cómo percibe el hablante sus diferentes lenguas? ¿Cómo se sitúa en el tablero lingüístico, en el que se oponen lenguas dominantes y lenguas minorizadas?
En el plano artístico, también es necesario reflexionar sobre las consecuencias e innovaciones derivadas del vínculo entre las lenguas. ¿Cómo pueden los plurilingüismos ser considerados tanto como obstáculos como motores para la creación? ¿Cuáles son las formas de hibridación literaria y artística que surgen de un hablar plural?
Finalmente, pensar el vínculo implica también reflexionar sobre el intermediario, sobre aquello, aquellos y aquellas que hacen de puente entre distintas lenguas y culturas. Aquí nos proponemos cuestionar el papel de los traductores, editores y críticos, y su capacidad para transitar entre las lenguas.
Desde una perspectiva multidisciplinaria, el objetivo de esta jornada es reflexionar sobre las dinámicas de los vínculos lingüísticos en sus manifestaciones literarias y sociales en América latina.
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Las ponencias seleccionadas podrán realizarse en francés, español o portugués, en modalidad presencial o virtual.
Las propuestas, de entre 200 y 300 palabras, deberán enviarse al correo electrónico ecoterritoiresplurilingues@gmail.com antes del 20 de marzo.
Organización:
Manon Naro (AMERIBER-CEPIAL, Universidad Paul Valéry Montpellier), Eugenia González Espinoza (AMERIBER-CEPIAL, Universidad Bordeaux Montaigne), Carla Fernandes (AMERIBER-CEPIAL, Universidad Bordeaux Montaigne), Ronald Soto-Quiros (AMERIBER-CEPIAL, Universidad Bordeaux Montaigne), Lizarlett Flores Díaz (AMERIBER-CEPIAL, Universidad Bordeaux Montaigne), Roudhia Sellin (AMERIBER-CEPIAL, Universidad Bordeaux Montaigne), Guillaume Weber (AMERIBER-CEPIAL, Universidad Bordeaux Montaigne).
Modalidad híbrida
5 de junio de 2025, Maison des Sciences de l’Homme Bordeaux, Sala Jean Borde.