
12ème Colloque philosophique international d'Evian
16-22 juillet 2006
La structure de la réflexivité – conscience de soi et critique
Die Struktur der Reflexivität – Selbstbewusstsein und Kritik
The Structure of Reflection – Self-Consciousness and Critique
THÈME
Dans le paysage que composent les concepts fondamentaux ayant servi, tout au long de l'histoire de la philosophie, à expliquer la nature de l'esprit, le concept de réflexivité se détache tout particulièrement. En vertu de ce dernier, la constitution du spirituel tiendrait à ce qu'un être est donné à lui-même sur le mode réflexif, et qu'ainsi il se met à distance –à la fois structurellement et constitutivement– du monde et de lui-même. En ce sens, Hegel a pu caractériser la réflexion comme “l'activité séparatrice en général”. En tant que telle, la réflexivité marque la fin de l'immédiateté naturelle : Rousseau oppose l'état de nature et l'“état de réflexion”. En tant que moment central de l'esprit, la réflexivité a toutefois fait l'objet de deux compréhensions différentes que nous pourrions résumer par les mots-clés de “conscience de soi” et de “critique”. En concevant la réflexivité comme constitutive de la conscience de soi, on prétend expliciter ce que signifie avoir des pensées et des intentions en général, c'est-à-dire être déterminé par soi-même. Dans la féconde ligne de pensée ouverte par Locke, un être dispose d'attributs spirituels dans la simple mesure où non seulement il perçoit quelque chose (“sensation”), mais qu'en même temps il perçoit qu'il perçoit par le truchement du sens interne (“reflection”). Cette compréhension substantialiste a fait l'objet, d'abord chez Hume puis chez Kant, de fortes critiques. Selon Kant, la conscience de soi ne consiste pas en des représentations particulières, mais en une structure déterminée, celle de l'“aperception transcendantale”, qui sous-tend toutes les représentations.
Les critiques contemporains de Kant lui ont opposé la dimension sociale de la réflexivité comme conscience de soi (Hegel), ou bien son lien aux formes symboliques (Herder, Humboldt). Au XXe siècle, le modèle introspectif tout comme le modèle transcendantal de la conscience de soi a été mis en question de multiples manières par les philosophies phénoménologique (Merleau-Ponty), herméneutique (Heidegger, Gadamer, Taylor), néoidéaliste (Nagel, Henrich), mais aussi pragmatique (Ryle, Habermas) ou analytique (Sellars, Davidson, Tugendhat, Frankfurt). C'est alors que le concept même de conscience de soi comme instance de réflexivité est devenu – tout au moins partiellement– problématique (Derrida, Deleuze/Guattari, Foucault, Lyotard).La deuxième façon de comprendre la réflexivité –développée avant tout dans la philosophie des modernes– la relie au concept de critique. Qui saisit la réflexivité à travers ce concept prétend rendre intelligible ce que signifie le fait que les pensées en tant que telles sont toujours évaluées selon l'alternative du “vrai” et du “faux”. Est en cause ce que Kant appelle la majorité. Une telle majorité ne peut être atteinte que par une critique conçue par Kant comme critique de la raison pure ou “réflexion transcendantale”. Mais ce concept de critique, à l'instar du concept kantien de conscience de soi, a été critiqué comme abstrait par ses successeurs. Marx et la théorie critique au XXe siècle ont fait valoir que la critique ne peut être abstraite de son contexte historique et matériel. Ainsi l'idée d'une réflexion transcendantale “pure” est-elle l'expression d'une fausse conscience qui se méconnaît elle-même. Des auteurs comme Nietzsche et Freud, puis Foucault et la critique féministe, ont, chacun à sa manière, mis en doute la capacité de la réflexion critique à s'autolégitimer. A la suite de Marx, on a également posé la question de la relation entre la réflexivité de base et la réflexivité critique : la simple réflexivité de base de l'esprit ne pourrait être conçue sans la prise en compte de son potentiel critique ; ce serait seulement à ce niveau que la réflexivité prendrait tout son sens. Quelle est la relation entre “conscience de soi” et “critique”, considérées comme modes de compréhension de la réflexivité ? Cette alternative épuise-t-elle la question ? Le 12e Colloque philosophique international d'Evian sera consacré à l'explication systématique du concept de réflexivité. Faut-il comprendre la structure de la réflexivité comme conscience de soi et/ou comme critique, et comment ces deux dimensions se rapportent-elles l'une à l'autre ? Quelles sont les conditions auxquelles la réflexivité se trouve soumise, et qu'en résulte-t-il pour cette dernière ? Toute contribution retraçant de manière systématique les diverses traditions et écoles ayant déterminé et critiqué le concept de réflexivité sera la bienvenue. Conformément à l'objectif principal du Colloque Philosophique International d'Evian, il s'agira de discuter des positions (post-)structuralistes, herméneutiques et analytiques dans leurs différences et leurs points de convergence.
INVITATION
Le Colloque philosophique international d'Evian est un lieu de débats et de rencontres destiné aux philosophes.
Le but est de créer pour toute la durée du colloque un espace dialogal et non pas de juxtaposer des communications isolées. Pour cette raison le nombre des participants est limité à environ 25.
Le Colloque a une vocation internationale. Pour ce qui est des contenus, l'accent est mis sur la philosophie française contemporaine et plus généralement sur la philosophie continentale. Un dialogue est instauré avec la philosophie allemande et la philosophie anglo-américaine. A cet égard, le Colloque philosophique international d'Evian est aussi conçu comme un lieu permettant de dépasser la division entre philosophie continentale et philosophie anglo-américaine.
On peut participer au colloque en présentant une communication ou seulement en prenant part aux discussions. Les exposés peuvent être faits en allemand, anglais ou français. Ils ont une durée de 25-30 minutes maximum. Le déroulement thématique du Colloque s'organisera selon les contributions proposées (il n'y a pas de sections préétablies). Les langues de travail du Colloque sont l'allemand, l'anglais et le français. Quelle que soit la langue du conférencier, les participants sont libres de s'exprimer pendant la discussion dans la langue de leur préférence.
De ce qui précède découlent les conditions suivantes :
– Avoir une connaissance au moins passive des trois langues citées. Cela ne signifie pas que chacun soit capable de s'exprimer dans chacune de ces langues, mais que tout participant soit à même de comprendre les interventions des autres participants,
– Avoir de l'interêt pour le débat philosophique et donc préparer une contribution qui, par sa clarté et sa brièveté, permette de lancer une discussion,
– Etre présent pendant toute la durée du Colloque.
Appel à contributions : Les propositions de communication, qui consistent en un exposé d'une page maximum accompagné d'un court CV, seront adressées dès que possible, et au plus tard le 15 février 2006, à l'adresse électronique du Colloque : evian@uni-hildesheim.de.
QUESTIONS PRATIQUES
Depuis 1997, le Colloque a lieu dans une villa au bord du lac Léman, le Centre Jean Foa, administré par l'association française ADAPT. Sont proposées des chambres simples ou doubles, toutes avec douche et W-C. Le petit déjeuner ainsi que deux repas chauds sont prévus. Les frais de participation sont de 240 € en chambre double et de 320 € pour une chambre simple. Cette somme inclut la pension complète pendant tout le séjour. Nous essaierons de tenir compte des cas particuliers (situation financière difficile).
Informations : http://www.uni-hildesheim.de/eviancolloquium/
Organisation : Georg W. Bertram (Hildesheim), Stefan Blank (Berlin), Robin Celikates (Gießen), David Lauer (Berlin)
En coopération avec : Karen Feldman (Berkeley), Jo-Jo Koo (Pittsburgh), Christophe Laudou (Madrid), Jérôme Lèbre (Paris), Diane Perpich (Vanderbilt), Chris Doude van Troostvijk (Strasbourg)
S'adresser à : Georg W. Bertram / Institut für Philosophie / Universität Hildesheim / Marienburger Platz 22 /
D-31141 Hildesheim / Tel. ++49-5121-883-464 / Fax. ++49-5121-883-461 / evian@uni-hildesheim.de
Georg W. Bertram
http://www.uni-hildesheim.de/eviancolloquium/theme.html