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Éprouver, penser, figurer, déclarer sa force : les femmes dans la mêlée (XIXe-XXIe s.)

Éprouver, penser, figurer, déclarer sa force : les femmes dans la mêlée (XIXe-XXIe s.)

Publié le par Faculté des lettres - Université de Lausanne (Source : Ariane Ferry)

Éprouver, penser, figurer, déclarer sa force : les femmes dans la mêlée (XIXe-XXIe siècles) 

Colloque international organisé par

l'Université de Rouen-Normandie et le CÉRÉdI UR 3229,

Campus Mont-Saint-Aignan

Maison de l’Université

17-18 juin 2025

Salle des conférences (17 juin)

Salle divisible (18 juin)

 Ce colloque, programmé pour les 17 et 18 juin 2025 par l’Université de Rouen-Normandie et le CÉRÉdI, (soutiens à préciser), constituera la conclusion d’un projet intitulé La Force des femmes, hier et aujourd’hui[1], ouvert en 2016, piloté par le CÉRÉdI et marrainé par la SIEFAR (Société Internationale pour l’Étude des Femmes de l’Ancien Régime). L’objectif initial était de conduire une enquête collective, pluri-annuelle et interdisciplinaire sur les représentations littéraires, théâtrales et cinématographiques de la force féminine – envisagée à travers ses actualisations violentes et inquiétantes (le meurtre, le combat, la torture, l’action terroriste, etc.) et ses actualisations jugées admirables (le courage, la résistance, la ténacité) – et sur les présupposés idéologiques qui avaient accompagné ces productions à travers les siècles. Deux premiers colloques, Figures et personnages de criminelles, des histoires tragiques au roman policier (2017) et Le spectacle du crime féminin sur la scène et dans le cinéma européens (2018), ont exploré la face sombre de la force féminine et ses représentations contrastées dans les genres narratifs et sur la scène (théâtre, opéra) et à l’écran[2]. La violence et la criminalité des femmes, notamment lorsqu’elles mettent en péril l’ordre social et familial, tout en étant généralement condamnées, voire rapportées à une forme de monstruosité, peuvent, dans certaines représentations, être montrées sous l’angle de la réparation d’un tort ou d’une injustice subis ou sous l’angle d’une émancipation individuelle par rapport à un cadre patriarcal contraignant. Quant aux travaux portant sur la criminalisation des femmes, ils font apparaître à quel point les écarts par rapport aux attentes sociales et sexuelles entrent dans la condamnation de celles qui ne se soumettent pas aux assignations de genre et se montrent rebelles à l’ordre patriarcal, leur force, leur volonté d’affirmer un libre choix se retournant contre elles et les poussant parfois sur la voie du crime.

La deuxième phase du projet, se concentrant sur les aspects positifs de la force féminine s’est ouverte en 2021 avec un colloque intitulé Fortes de corps, d’âme et d’esprit : récits de vie et construction de modèles féminins du xive au xviiiesiècle dont les actes sont en cours de publication. Si, pour la période examinée, les définitions d’une force féminine « autorisée » et donc valorisée, comme le cadre de son exercice, demeurent relativement stables, notamment dans le discours des hommes – force morale associée à la chasteté et à la foi, engagement physique et résistance limités au contexte d’une adversité exceptionnelle –, le colloque montrait aussi que de nouvelles définitions et terrains d’observation de la force émergeaient dans de nombreux textes écrits par les femmes. Ces espaces d’observations étaient par exemple le quotidien, l’intime, la maternité, la sphère intellectuelle, ou encore le champ des savoirs où des autrices présentent des galeries de femmes savantes proposées en modèles à leurs contemporaines. Par ailleurs, se formulaient de nouvelles revendications touchant à l’indépendance économique des femmes, à leur capacité d’action, à leur expression politique, sociale ou médiatique dans l’espace public.

Nous avons donc fait le choix, dans le colloque conclusif de ce projet de recherche, de mettre l’accent sur la façon dont les femmes, au cours des xixe-xxie siècles, se sont emparées de la question de la force au féminin pour en élaborer leurs propres définitions et représentations, pour en élargir les champs d’application et les manifestations, pour investir et créer des espaces littéraires, artistiques et scientifiques, hors des limites, des assignations et des représentations largement construites par les hommes. En définitive, c’est la question de l’élaboration discursive d’une autonomie féminine que nous explorerons, quand les femmes définissent et déclarent une force qui leur est propre et qui peut prendre les noms d’« énergie », de « volonté », de « détermination », d’« intelligence » et de « compétence » et, dans un vocabulaire plus contemporain d’« agentivité » et d’« empouvoirement ». Les femmes sont définitivement entrées dans la mêlée pour y éprouver leur force – au double sens de sentir et de mettre à l’épreuve –, pour la penser, notamment dans de nouvelles constructions théoriques et/ou idéologiques, la figurer, à travers des représentations dont les supports se sont diversifiés, et déclarer à la face du monde que la force était avec elles, en elles et qu’elles le savaient.

Les corpus que nous proposons d’examiner collectivement sont des productions féminines littéraires, théâtrales, cinématographiques, documentaires, iconographiques et médiatiques du XIX au XXIe siècle. 

Les communications adoptant une approche diachronique ou portant sur d’autres aires culturelles que la France et l’Europe seront les bienvenues.

Les axes suivants pourront être explorés par les communications :

1)    Définitions et terminologie (lexicologie) de la force au féminin : les mots pour la dire

-     Approche lexicale et stylistique : si les femmes s’approprient le mot « force[3] », quels sens lui donnent-elles, quelles références et quels imaginaires sont mobilisés pour la dire ? Comment s’articulent force physique et force morale ? En quoi les réappropriations du terme « force » sont-elles susceptibles de travailler en retour le mot « femme », dans les usages féministes, mais pas seulement ?

-     Lexique contemporain et féministe (autonomie, agentivité, puissance d’agir, empouvoirement) : la force féminine peut-elle se penser et être racontée/décrite indépendamment des questions de l’émancipation et de la domination masculine ? Coïncide-t-elle nécessairement avec une reprise de pouvoir ?

-     Notions de « résistance » et de « résilience » au féminin : comment la résistance et la résilience féminine ont-elles été ou sont-elles invisibilisées ou mises en lumière ?

-     Énergie, désir, volonté de vivre : peut-on penser un conatus au féminin ?

-   Violence féminine et/ou féministe : se défendre, éprouver et déclarer sa force dans la revendication et la transgression.

2)    Lieux et modalités de l’exercice de la force au féminin

-     Monde du travail et des loisirs : féminisation croissante de certaines activités, professionnalité et compétences féminines.

-     Lieux de production et de conservation du savoir au féminin, espaces de discursivité (dont les espaces numériques), critique au féminin, nouvelles épistémologies et « savoirs situés »[4].

-     Champ politique et militant : lieux d’élaboration de stratégies féminines et féministes (cercles, clubs de lecture, sororités, collectifs, podcasts, espaces médiatiques et numériques, #MeToo, etc.).

-     Champ littéraire : maisons d’édition qui valorisent une production féminine, genres littéraires produits par des femmes et qui dénoncent et déconstruisent les stéréotypes de genre à destination de lectorats pluriels et bien au-delà des cercles féministes (essais féministes, littérature de jeunesse, littératures de l’imaginaire, etc.).

-     Scène théâtrale : engagement sur scène, par l’interprétation et la performance théâtrale, vocale, poétique ou chorégraphique ; diversification et choix des rôles.

-    Prises de paroles, voix féminines, « ventriloquie »[5].

3)    Figures et figuration(s) modernes et contemporaines de « femmes fortes » et de la force au féminin

-     Figures de femmes fortes fictives et non fictives : militantes et activistes d’hier et d’aujourd’hui (portraits, autoportraits, récits de vie) ; sportives, soldates, policières ; héroïnes du quotidien ; nouvelles héroïnes (fantasy, jeux vidéo, etc.) ; femmes qui prennent la parole pour dénoncer publiquement des agressions sexuelles à l'heure et dans le sillage du mouvement #MeToo.

-     Représentations de corps féminins puissants : corps musclés, corps guerriers, corps en mouvement ; figurations et représentations de la grossesse et de la maternité ; appropriations du désir et du plaisir féminin.

  • Les héroïnes de la mémoire au service de leurs sœurs d’hier : constitution de matrimoines et femmages.

Informations pratiques :

Les propositions de communication (un titre et un texte de 1000 à 2000 signes) sont à retourner, en fichier Word, avant le 28 février 2025 à Ariane Ferry, Anne-Claire Marpeau, Nina Roussel et Enrica Zanin, accompagnées d’une brève biobibliographie.

Ariane Ferry : ariane.ferry@univ-rouen.fr

Anne-Claire Marpeau : acmarpeau@unistra.fr

Nina Roussel : nina.roussel@univ-rouen.fr

Enrica Zanin : ezanin@unistra.fr

Comité d’organisation

Ariane Ferry (Université de Rouen-Normandie), Anne-Claire Marpeau (Université de Strasbourg), Nina Roussel (Université de Rouen-Normandie), Enrica Zanin (Université de Strasbourg).

Comité scientifique du projet « La force des femmes »

Éric Avocat (Université d’Osaka, Japon), Anna Bellavitis (Université de Rouen-Normandie), Anne Debrosse (SIEFAR), Diane Desrosiers (Université McGill, Canada), Myriam Dufour-Maître (Université de Rouen-Normandie), Marie Franco (Université de la Sorbonne Nouvelle), Véronique Gély (Université de la Sorbonne), Nathalie Grande (Université de Nantes, SIEFAR), Claudine Poulouin (Université de Rouen-Normandie), Jean-Marie Roulin (Université Jean Monnet, Saint-Étienne).

Comité scientifique du colloque 

Victoire Feuillebois (Université de Strasbourg), Pierre-Louis Fort (CY Cergy Paris Université), Henri Garric (Université de Bourgogne-Franche Comté), Marion Lata (Université de Rouen), Gwénaëlle Le Gras (Université de Bordeaux-Montaigne), Lucie Nizard (Université de Genève), Andrea Oberhuber (Université de Montréal), Sandra Provini (Université de Rouen), Denis Saint-Amand (Université de Namur), Françoise Simonet-Tenant (Sorbonne Université), Tatiana Victoroff (Université de Strasbourg).


 
[1] Le texte cadre du projet est consultable sur le carnet de recherche https://forcedesf.hypotheses.org/.

[2] Publication à venir aux PURH, coll. « Genres à lire…et à penser ».

[3] Voir notamment les définitions et analyses lexicales posées dans le cadrage du projet « La force des femmes » (https://forcedesf.hypotheses.org/41).

[4] Voir l’article de Marie-Jeanne Zenetti intitulé « Théorie, réflexivité et savoirs situés : la question de la scientificité en études littéraires » sur ces questions : https://www.fabula.org/lht/26/zenetti.html.

[5] La ventriloquie a été interrogée comme un outil paradoxal de domination masculine et d’émancipation féminine par les études féministes. Ainsi, les femmes, personnages ou autrices, ont pu se réapproprier une ventriloquie subie pour en faire un outil de revendication et/ou de dénonciation grâce auquel l’absence d’auctorialité devient un avantage pour faire passer des idées qui auraient sinon été censurées (voir Helen Davies, Gender and Ventriloquism in Victorian and Neo-Victorian Fiction: Passionate Puppets, Palgrave Mac Millan, 2012 ; Hertiman Marys Renné, « De l’homme ventriloque au discours des femmes dans la BD », À coups de cases et de bulles, édité par Frédéric Chauvaud et al., Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2023).