Trad. de l'anglais (États-Unis) par Hélène Borraz
Les ouvrages sur la Révolution française sont innombrables. Tous, ou presque, partent de juillet 1789 pour choisir dans les décennies précédentes les événements qui peu ou prou conduisirent à la prise de la Bastille. Robert Darnton, à l’inverse, arrive à juillet 1789 en partant de la multitude d’agitations, de troubles, d’insurrections qui parcoururent le royaume, et Paris tout particulièrement. Pourquoi aucun de ces moments ne donna-t-il lieu à l’équivalent de la prise de la Bastille ?
Darnton, à travers le système d’information si particulier au petit peuple du XVIIIᵉ siècle — rumeurs, nouvelles orales ou à la main, épigrammes et chansons pornographiques contre la Cour, gazettes venues de l’étranger ou tracts parisiens —, reconstitue les cycles de violence du XVIIIᵉ siècle : ce qu’il appelle l’humeur révolutionnaire.
C’est-à-dire, entre autres éléments, la haine du despotisme — tout abus de pouvoir perçu comme tel, qu’il s’agisse des restrictions imposées par les corporations au commerce, de l’autorité exercée par la faculté de Médecine de Paris sur les médecins ou encore de l’emprise de l’Académie française sur la littérature — ; la résistance face à l’inégalité devant l’impôt ; l’amour de la liberté, soit le droit commun d’agir et parler librement sans craindre les espions de la police ni les lettres de cachet, de lire des journaux indépendants non soumis à la censure, et d’obéir à des lois déterminées par les citoyens et non proclamées par Versailles ; l’engagement envers la nation, comme citoyens et non plus comme sujets, devant l’impéritie militaire de la monarchie ; la foi dans les pouvoirs de la raison et des Lumières.
Tout cumula en juillet 1789. D’où, en conclusion, la question posée par Darnton : qu’est-ce que 1789 a eu de révolutionnaire ?
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On peut lire sur en-attendant-nadeau.fr un article sur cet ouvrage :
"Qu’entendez-vous par l’humeur révolutionnaire ?" par Maïté Bouyssy (en ligne le 21 novembre 2024).
Ce livre nous conte l’époque qui précéda la révolution au fil des ragots qui secouèrent Paris. Et c’est avec délectation que l’on retrouve la vieille chanson, ces scandales qui jadis faisaient quasiment les raisons matricielles d’une révolution obligée. On y retrouve « tout », la Pompadour et la du Barry, Mesmer et le jansénisme, les exils du Parlement, les ballons, le collier de la Reine, les feux d’artifice des grandes fêtes, les « coups d’État » et le « despotisme ministériel ».