Journée d’étude: La fabrique des futurs de la science-fiction (24-25 avril 2025)
Cette journée d’étude s’inscrit dans un effort croissant entrepris par les sciences sociales pour analyser le futur comme enjeu politique et social : sociologues, historiens ou anthropologues sont ainsi conduits à interroger les processus, acteurs ou catégories qui structurent les façons dont nos sociétés envisagent l’avenir. Elle propose de contribuer à ce type de questionnements en se penchant sur un objet qui, malgré un ensemble de travaux épars, n’a guère été pris au sérieux par les sciences sociales francophones : la science-fiction, entendue de façon volontairement large comme l’ensemble des créations d’anticipation qui mobilisent, à des degrés variables, une dimension « scientifique ».
Les œuvres de science-fiction proposent pourtant des représentations des futurs socio-politiques – organisation des sociétés humaines, réaction à des événements imprévus (environnement, accident, invasion, etc.), mais aussi relations de travail, inégalités et discriminations sont, sous des formes diverses, des thèmes devenus classiques. L’ambition de cette journée d’étude est de rassembler de travaux qui s’efforcent d’analyser la construction, la circulation et la réception des représentations des futurs socio-politiques que la science-fiction véhicule à l’aide des outils des sciences sociales dans toute leur diversité.
Il s’agit, ce faisant, d’éviter un double écueil. D’un côté, le but est de mettre à distance une posture naïve qui verrait dans la science-fiction une pratique « oraculaire », autrement dit une construction directement heuristique pour tenter de déchiffrer les temps à venir. D’un autre côté, il s’agit de rompre avec l’indifférence des sciences sociales francophones pour l’un des « genres » culturels les plus populaires aujourd’hui (de la littérature aux films, en passant par les séries, bandes dessinées ou jeux-vidéo) et les visions du futur qu’il véhicule. Dans ce cadre, les communications pourront s’organiser autour de trois axes généraux :
1. Futurs présents : les conditions de production des futurs de la science-fiction
Les communications s’inscrivant dans cet axe analyseront comment sont rendus pensables les futurs véhiculés par les œuvres de science-fiction. On pourra pour cela se pencher sur les contextes politiques et sociaux de production des œuvres relevant de la science-fiction, et la façon dont ils contribuent à mettre en forme les futurs socio-politiques qu’elle imagine. Cela invite à étudier comment des thèmes et des représentations du futur s’imposent à certaines périodes et dans certains segments de la science-fiction – comme le thème de la « catastrophe », notamment environnementale, aujourd’hui. Mais ce travail peut aussi passer par une réflexion en amont sur les conditions de possibilité de la science-fiction comme « genre » - par exemple, en retraçant la socio-genèse du « champ de la science-fiction » dans différents contextes (voir une esquisse en ce sens dans Milner 2015), les luttes autour de ses frontières ou pour la reconnaissance en son sein – ainsi que sur ses rapports avec diverses sciences humaines en plein développement au moment de son apparition.
2. Futurs en mouvement : Circulations, traductions et usages des futurs véhiculés par la science-fiction
On peut également interroger les circulations, réceptions et usages de ces œuvres et des représentations des futurs socio-politiques qu’elles proposent. Les communications s’inscrivant dans cet axe pourront notamment travailler sur leurs conditions de circulation et de traduction – d’un espace linguistique à l’autre, mais aussi d’un support à l’autre (par exemple, du livre à la série). Cela mettra l’accent sur les processus de filtrage éditorial (qu’est-ce qui mérite d’être publié, traduit/adapté ; quelles mises en question de la domination, jusqu’à une période récente, des productions occidentales, et avant tout anglophones, etc.) et leurs contournements (par les publications issues des communautés de lecteurs notamment), ainsi que sur le marquage social (le rôle de formes de critiques plus ou moins institutionnalisées) des futurs qu’imaginent ces œuvres. Mais il sera également fécond d’interroger leurs réceptions et leurs publics – par exemple, le rôle des communautés de fans, les asymétries de genre ou les transformations des dispositions sociales de ces publics – ainsi que leurs usages sociaux.
3. Futurs extrapolés : les usages des sciences sociales dans la construction des futurs de la science-fiction
Enfin, il est possible d’envisager les croisements entre sciences sociales et science-fiction dans une perspective inverse – autrement dit, d’examiner comment les sciences sociales irriguent la science-fiction et les futurs socio-politiques qu’elle propose. En effet, il n’est pas rare que les œuvres de science-fiction fassent appel à des figures de savants (anthropologues, sociologues, psychologues…) ainsi qu’à des concepts ou des théories issues des sciences sociales. Dans certains cas, les futurs socio-politiques présentés convoquent même des disciplines entières, aux caractéristiques plus ou moins fictives – dont la psychohistoire imaginée par Isaac Asimov est sans doute l’exemple le plus célèbre, mais pas isolé (ainsi de la cosmo-sociologie inventée par Liu Cixin). Cela autorise alors à porter un regard neuf sur les futurs eux-mêmes qui sont proposés dans ces œuvres : non plus seulement comme des reflets d’une époque, de ses luttes et de ses préoccupations, mais aussi comme des extrapolations plus ou moins étayées par des réflexions issues des sciences sociales. Les communications pourront alors interroger les glissements et décalages qu’opèrent, vis-à-vis des sciences sociales dont elles se nourrissent, les œuvres de science-fiction.
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Merci d’envoyer vos propositions aux organisateurs avant le 1er décembre 2024.
Adrien Estève (Université Clermont Auvergne), adrien.esteve@sciencespo.fr
Hugo Canihac (IEP de Strasbourg), canihac@unistra.fr
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Dans la mesure du possible, l’organisation prendra en charge le déplacement et l’hébergement des intervenant.e.s.
Si la qualité et la cohérence des propositions reçues le permet, la journée d’étude pourra donner lieu à une publication collective.