Actualité
Appels à contributions
La fatigue et l'épuisement. Colloque international d'humanités médicales (en ligne)

La fatigue et l'épuisement. Colloque international d'humanités médicales (en ligne)

Publié le par Marc Escola (Source : Pamela Krause)

APPEL À COMMUNICATIONS

SÉMINAIRE INTERNATIONAL D’HUMANITÉS MÉDICALES (en ligne, 2 novembre 2024)

Concepts et représentations : la fatigue et l’épuisement (Médecine, philosophie, littérature)

L’appel à communications vise à rendre sensible les représentations et les récits liés à la fatigue : « au cœur de l’humain », elle est cette « usure inéluctable » qui « incarne sa « limite », au même titre que la maladie, la vieillesse ou la mort. Elle symbolise sa fragilité, son « manque », désignant un obstacle largement partagé : celui, « interne », venu des limites de sa propre existence, celui, « externe », venu du monde, de ses contraintes, de ses oppositions » (Georges Vigarello, Histoire de la fatigue : du moyen âge à nos jours, 2020). La fatigue est intrinsèquement reliée à notre corporéité : ce n’est pas un hasard si elle atteint son paroxysme dans les hôpitaux. Lieu de rencontre entre l’épuisement du corps médical et le vécu d’un patient en souffrance, l’hôpital permet de penser les multiples facettes de la fatigue : celle, institutionnalisée, des centres de soin et qui compromet la relation thérapeutique ; celle, existentielle, des individus qui la vivent dans leur chair. Outre le burnout qui compromet l’empathie et l’intégrité physique des soignants, la fatigue extrême pointe vers le dysfonctionnement d’un système de soins qu’il s’agira d’interroger—tant il est aujourd’hui soumis aux impératifs de rentabilité et victime de coupes budgétaires systématiques (David Fryburg, « What’s Playing in Your Waiting Room? Patient and Provider Stress and the Impact of Waiting Room Media »)

Aujourd’hui combattue par le transhumanisme ou par la psychiatrie, la fatigue est pourtant une expérience existentielle indissociable de notre condition humaine : « Si le dégoût du monde conférait à lui seul la sainteté, je ne vois pas comment je pourrais éviter la canonisation », écrivait Emil Cioran dans De l’inconvénient d’être né (1973) —auteur qui aura lutté toute sa vie contre ce nihilisme ambiant que diagnostiquait déjà Nietzsche. Si l’écriture permet de lutter contre « la fatigue du monde » comme l’exprimait Cioran, si elle rend compte de La nausée associée à l’extrême lassitude d’exister (Sartre), la fatigue « de mort » et « d’esprit » est « renversante », « aspirante » : « sentiment de fragilité incroyable » elle est celle qui signe le « commencement du monde » et de notre incarnation comme l’écrit Antonin Artaud dans sa Description d’un état physique (1925).

L’épuisement beckettien souligné par Deleuze, la fatigue de la conscience lévinassienne, celle de l’ouvrier réduit à une « bête de somme résignée » (Simone Weil, La Condition ouvrière, 1951)) sont autant d’Odes à la fatigue (Éric Fiat) et de symptômes qu’il s’agira de suivre à la trace pour tenter d’en dépister la mécanique, que celle-ci soit économique, sociale, existentielle ou politique. Dans 24/7 Le capitalisme à l’assaut du sommeil (2013), Jonathan Crary établit un lien net entre l’insomnie et le capitalisme : le système marque un temps « où la fragilité de la vie humaine revêt de moins en moins d’importance, où le sommeil n’est plus ni nécessaire ni inévitable. En ce qui concerne la vie professionnelle, l’idée qu’il faudrait travailler sans relâche, sans limites devient plausible, voire normale. On s’aligne sur l’existence de choses inanimées, inertes ou intemporelles. » Car, bien que le signe d’un effondrement (social ou somatique), la fatigue n’est-elle pas une invitation à l’humilité, comme l’affirmait Saint-Augustin dans ses Homélies sur l’Évangile de Jean ? N’est-elle pas un garde-fou précieux contre les exploitations du monde contemporain, une sonnette d’alarme qui permet de faire autrement monde ?  

Axes de recherche :

1- Les philosophies de la fatigue, de l’insomnie et de l’épuisement (Sartre, Nietzsche, Cioran, Weil, Crary…) ainsi que leurs enjeux politiques, sociaux, psychologiques 

2-L’écriture de l’épuisement (Artaud, Beckett, Houellebecq, Darrieussecq, le décadantisme…) et l’épuisement de l’écriture (en quoi l’écriture rend-t-elle sensible ou lutte-t-elle contre la fatigue d’exister ou d’écrire ?)

3-Les représentations cinématographiques/ plastiques de la fatigue

4-Une réflexion sur la fatigue des soignants et l’impact du burnout sur la bioéthique et la qualité des soins

5- L’évolution épistémologique de la notion de fatigue 

6-Les architectures de la fatigue: en quoi notre manière de concevoir la ville ou nos habitations favorise-t-elle aujourd'hui le burnout ?

Merci de parvenir une proposition de communication (200 mots) accompagnée d’une courte notice bio/bibliographique avant le 1er septembre 2024 à : fatigueseminar24@gmail.com 

Narratives and Representations : Fatigue and Exhaustion (Medicine, philosophy, literature)

ONLINE INTERNATIONAL MEDICAL HUMANITIES SEMINAR (Online, 2nd november, 2024)

This call for papers aims to explore literary representations and narratives of fatigue : « au cœur de l’humain », elle est cette « usure inéluctable » qui « incarne sa « limite », au même titre que la maladie, la vieillesse ou la mort. Elle symbolise sa fragilité, son « manque », désignant un obstacle largement partagé : celui, « interne », venu des limites de sa propre existence, celui, « externe », venu du monde, de ses contraintes, de ses oppositions » (Georges Vigarello, Histoire de la fatigue : du moyen âge à nos jours, 2020). Fatigue is intrinsically associated with our corporeality, becoming more visceral and clinical notably in hospitals, where one sees the exhaustion of medical professionals intersecting with the suffering of patients, illuminating various facets of fatigue : institutionalized in care settings, compromising therapeutic relationships, and existential for individuals experiencing it firsthand. Alongside caregiver burnout affecting empathy and physical integrity, extreme fatigue underscores dysfunctionality of the healthcare system amidst economic pressures and budget cuts (David A. Fryburg," What’s Playing in Your Waiting Room? Patient and Provider Stress and the Impact of Waiting Room Media,"). 

Despite challenges posed by transhumanism and psychiatry, fatigue remains an inseparable existential experience of human condition. As Emil Cioran expressed in The Trouble With Being Born (1973), « Si le dégoût du monde conférait à lui seul la sainteté, je ne vois pas comment je pourrais éviter la canonisation » while combating a pervasive nihilism as diagnosed by Nietzsche. Writing serves as a counterforce to « la fatigue du monde » as Cioran articulated, encapsulating existential nausea amid profound weariness of existence (Sartre), la fatigue « de mort » et « d’esprit » est « renversante », « aspirante » : « sentiment de fragilité incroyable » signals the « commencement du monde » and our embodiment, as Antonin Artaud detailed in his Description of a Physical State (1925).

Beckettian exhaustion highlighted by Deleuze, Lévinassienne fatigue of consciousness, and the worker’s weariness reduced to a « bête de somme résignée » (Simone Weil, La Condition ouvrière, 1951), metaphors expressed in Odes to Fatigue (Fiat, 2022), build a segue for the symptoms that warrant tracking to expose their mechanics, whether economic, social, existential, or political. Jonathan Crary's 24/7 Late capitalism and the ends of sleep (2013) draws clear connections between insomnia and capitalism : a time when human life's fragility diminishes, sleep becoming less essential or inevitable. In professional life, the notion of relentless, overwork becomes plausible, even normal, aligning with the existence of inanimate, inert, or timeless things. Despite signaling collapse, whether social or somatic, isn't fatigue an invitation to humility, as Saint Augustine posited in his Homilies on the Gospel of John? Isn't it a crucial safeguard against the exploitations of contemporary world?

Research topics include, but are not limited to :

1)     Philosophies of fatigue, insomnia, and exhaustion (Sartre, Nietzsche, Cioran, Weil, Wakefield, Crary...)

2)     The writing of exhaustion (Artaud, Beckett...) and the exhaustion of writing (how does writing sensitize or combat existential fatigue ?)

3)     Cinematic/plastic representations of fatigue

4)     Reflecting on caregiver fatigue and the impact of burnout on bioethics and quality of care

5)     Epistemological evolution of the concept of fatigue

6)     The architectures of fatigue

Kindly submit a 200-words abstract and a brief bio by September 1, 2024, to: fatigueseminar24@gmail.com

Comité d’organisation/ Scientific committee:

Pamela Krause (Université Saint-Joseph)

Yvonne Saaybi (Université Saint-Joseph)

Swati Joshi