Littérature et politique : Claude Lefort. Les entretiens de Po&Sie (Maison de la Poésie, Paris)
La revue Po&sie vous invite à ses Entretiens
le samedi 22 juin à 16.00 à
la Maison de la poésie, 157 rue Saint Martin (Métro Rambuteau).
Les Entretiens porteront sur le thème suivant :
Littérature et politique : Claude Lefort
avec
Gilles Bataillon
Anne Dujin
Géraldine Muhlmann
&
Laurent Jenny
Claude Mouchard
Martin Rueff
Claude Lefort est né en 1924. Il aurait eu cent ans. Il est un des grands philosophes politiques français de de la seconde moitié du XXèmesiècle, attentif plus qu’aucun autre à distinguer démocratie et totalitarisme, profond commentateur de la tradition et analyste implacable du présent. Il ne cessa de lire et de commenter la littérature. Il était proche de la revue Po&sie. Il écrivait « à l’épreuve du politique ».
En 1992 il déclarait :
« L’idéologie du mouvement est significative. Certains de ses adversaires recommandent, depuis peu de temps, de s’intéresser au programme du Front national, de montrer quelles seraient les conséquences désastreuses de son application. Or, les électeurs de Le Pen ne se soucient pas de la lettre de son programme. Ils absorbent sa parole sans l’entendre. Quelques images sonores leur suffisent. Autrefois de sages observateurs jugeaient que Hitler divaguait. Mais c’était une divagation très concertée. Et Le Pen a appris à divaguer pareillement.
Contrairement à ce que Hannah Arendt a écrit, manquant, pour une fois, de clairvoyance, l’idéologie totalitaire n’est pas la ‘logique d’une idée’. Elle consiste en une condensation de thèmes dont chacun a une signification, une origine et un destin éventuel différents. Les nazis associaient nationalisme, socialisme, autoritarisme, égalitarisme, culte du chef et du peuple, racisme, xénophobie, traditionalisme, individualisme, héroïque, ordre moral et discipline, mépris des lois, sacralisation de la nature, toute-puissance de l’industrie… Ceux qui écoutent le leader happent tout à la fois et s’agglutinent, quelle que soit la différence de leurs conditions sociales : il se sentent tous incorporés dans l’Un. Les multiples motions ne sont pas articulées, sinon elles se prêteraient à l’interprétation et s’entrechoqueraient. L’idéologie ignore le principe de non-contradiction. C’est ainsi qu’elle gagne sa plus grande efficacité : elle délivre des tensions que procurent l’expérience de la réalité et, très singulièrement, l’expérience de la démocratie, qui est celle, par excellence, du multiple. Le Pen, comme ses prédécesseurs, draine dans toutes les couches de la société des courants qu’il tente de faire refluer en une seule vague contre l’édifice de la démocratie ».