Appel – « Adaptations animées – Animations adaptées », Transcr(é)ation (printemps 2025 / été 2025)
Appel – « Adaptations animées – Animations adaptées » (printemps 2025 / été 2025)
Mentionnant que la littérature a été une source d’inspiration importante pour le cinéma dès ses débuts, Paul Wells rapporte que l’animation, tout particulièrement, a cette capacité de créer des images qui sont suggérées par la littérature (métaphores, symboliques, procédés littéraires, etc.) (1999, p. 201). Et, en effet, le cinéma d’animation s’est développé en proposant des adaptations issues des canons de la littérature-monde. Par exemple, Les Aventures du Prince Ahmed réalisé dès 1926 par Lotte Reiniger en Allemagne s’inspire des contes des Mille et une nuits, aux États-Unis, les premiers courts et longs métrages de Disney dès les années 1930 s’approprient les contes de fées de la littérature européenne et les comptines anglophones, de même, le premier long métrage des frères Fleischer en 1939 est une adaptation des Voyages de Gulliver. Le long métrage russe La Reine des neiges (Atamanov, 1957), premier chef d’œuvre de l’ère soviétique, s’inspire du conte éponyme et le premier long métrage de la Toei Doga au Japon, Le Serpent blanc (Yabushita, 1958) adapte une légende chinoise. Les exemples plus récents sont tout aussi prolifiques. Pensons à Frozen (Lee & Buck, 2013) dernier exemple d’adaptation d’un conte de fées chez Disney ou aux adaptations inspirées de sources japonaises (Le Tombeau des Lucioles [1988] ou Le Conte de la Princesse Kaguya [2013] réalisés par Isao Takahata) ou anglophones (les romans de l’autrice galloise Dianna Wynne Jones ont été adaptés par Miyazaki père avec Le Château dans le ciel en 2004 et Miyazaki fils avec Aya et la Sorcière en 2020) dans l’œuvre des studios Ghibli. Dreamworks Animation, quant à lui, établit une nouvelle approche d’adaptation de contes de fées plus parodique avec la série de long métrages de la franchise Shrek (2001, 2004, 2007 et 2010) et fait également la part belle à la bande dessinée, avec Bad Guys (Perifel, 2022) ou aux albums pour enfant avec le tout récent La nuit d’Orion (Charmatz, 2024).
La francophonie n’est pas en reste en ce qui a trait aux adaptations animées. Le studio belge Belvision, notamment, né en 1955 des aspirations cinématographique de l’éditeur du Journal de Tintin, Raymond Leblanc, donnera naissance à des franchises d’animations multiples dont certaines sont encore actives aujourd’hui. Le « phénomène Tintin » en fait partie avec d’abord deux films réalisés en 1969 et 1972, ensuite une série télévisée de 39 épisodes (Bernasconi, 1992), puis enfin le film The Adventures of Tintin (Spielberg, 2011). Un autre exemple concerne les albums d’Astérix et Obélix de René Goscinny et Albert Uderzo d’abord adaptés en 2D avec, par exemple, Astérix et Cléopâtre (1968) et Les Douze Travaux d’Astérix (1976), puis en 3D avec Astérix : Le Domaine des dieux (Clichy et Astier, 2014) et Astérix et le secret de la potion magique (Clichy et Astier, 2018). Du côté du cinéma d’auteur, les exemples sont nombreux. Citons notamment le cinéaste d’animation tchèque Karel Zeman qui s’inspire non seulement des textes de Jules Verne mais aussi des illustrations de ses livres pour produire Invention for Destruction (1958). Mentionnons aussi La Planète fantastique (Laloux, 1973) tiré du roman Oms en série (1957) de Stéphan Wul. Il y a aussi L’homme qui plantait des arbres (1987) dans lequel Frédéric Back, à partir d’un « sujet plutôt statique et totalement narratif, […] a su extraire le rythme et le mouvement et entrainer l’esprit au cœur du vivant » (Vimenet, 2017, p. 81).
L’animation permet également de s’émanciper de la préoccupation habituelle du réalisme dans le dialogue texte/film (Wells, 1999, p. 200), prouvant ainsi que la transposition du texte à l’image animée va plus loin que la ‘simple’ illustration, que « l’adaptation témoigne de ce que littérature et cinéma entretiennent une relation dynamique » (Serceau dans Dutel, 2020, p. 13). Cette question de la fidélité du film d’animation au matériel source est également rattachée aux différents niveaux d’adaptation : les adaptations strictes, libres et dites « d’après » (Baby, 1980). Par exemple, alors que Snow White and the Seven Dwarfs (Hand, 1937) des studios Disney respecte à la fois l’œuvre originale des frères Grimm tout en apportant certaines modifications au récit (voir à ce propos Brunette, 2020 [1980]), d’autres films comme Red Hot Riding Hood (Avery, 1943) transgressent tant le texte source qu’ils le subvertissent (Floquet, 2020). Soulignons enfin qu’une variété de « textes » suggèrent naturellement des images animées : Martine Chartrand a réalisé le film MacPherson (2012) à partir d’une chanson de Félix Leclerc (2022) ; Caroline Leaf a adapté un roman de Franz Kafka dans son film The Metamorphosis of Mr. Samsa (1977) ; Diane Obomsawin a adapté sa propre bande dessinée avec J’aime les filles (2016) et Lotte Reiniger s’est inspirée d’opéras et de contes notamment dans Papageno (1935). À cet égard, le spécialiste de l’animation Giannalberto Bendazzi (dans Rall, 2020) remarque que toute adaptation est parodie, ou réappropriation stylisée, « comme en peinture, chaque tableau est une stylisation ou une caricature » (p. 17).
Dans ce dossier, nous aimerions investiguer la relation entretenue entre le cinéma d’animation et les textes (romans, nouvelles, paroles de chansons, bandes dessinées, etc.) dont ils s’inspirent ou s’emparent, discuter des avantages et des risques de telles adaptations tout en tenant compte des différentes techniques d’animation (2D, 3D, stop-motion, peinture sur verre, animation de papiers découpés, pixilation, écran d’épingles, etc.) et de leur diversité esthétique. Nous aimerions faciliter un débat intermédial sur l’adaptation en mettant en contact nos connaissances personnelles sur ces différentes approches.
Parmi les pistes de réflexion possibles, nous proposons les suivantes :
· Enjeux d’intermédialité (texte/animation, BD/animation, théâtre/animation)
· Enjeux propres aux techniques d’animation (2D, 3D, stop-motion, etc.)
· Enjeux transculturels de l’adaptation animée
· Risques et avantages de l’animation pour adapter un texte
· Apports liés à la bande sonore et aux voix des acteurs et actrices, étude narratologique
· Étude diachronique (paire texte/animation ou productions d’un studio spécialisé en adaptation)
· Étude de cas sur une suite d’animations adaptées
· Études de cas sur les œuvres de studios ou réalisateurs prompts à l’adaptation
Nous acceptons également des entretiens de réalisatrices, réalisateurs ou auteur.e.s en lien avec le sujet.
Échéancier
Date limite pour l’envoi des propositions (titre, résumé de 250-300 mots, adresse, affiliation et notice bio-bibliographique de 150 mots en français et en anglais) : le 1er août 2024 à l’adresse transcreation.journal@gmail.com (Vous recevrez une réponse avant fin août)
Date de soumission des articles (6 000 – 8 000 mots maximum) mis en forme selon le protocole de la revue : le 30 octobre 2024 (retours des évaluations début janvier 2025)
Publication du Vol. 6 No. 1 pour mars 2025 (dir : J. Harbour, M. Pascal) ; Vol. 6 No. 2 envisagée pour juin 2025 (dir : A. Louckx).
Bibliographie
Baby, François, « Du littéraire au cinématographique : une problématique de l’adaptation », Études littéraires, vol. 13, n° 1, 1980, pp. 11-29.
Brunette, Peter, « Snow White and the Seven Dwarfs », The American Animated Cartoon: A Critical Anthology, Danny Peary and Gerald Peary (eds.), Theme Park Press, 2020 [1980], pp. 75-84.
Cartmell, Deborah, « Adapting Children’s Literature », The Cambridge Companion to Literature on Screen, Deborah Cartmell and Imelda Whelehan (eds.), Cambridge University Press, 2007, pp. 167-180.
Dutel, Jérôme (ed.), Adaptation littéraire et courts métrages d’animation, Paris : L’Harmattan, 2020.
Floquet, Pierre, « L’adaptation à la Tex Avery : S’appuyer, s’approprier, s’affranchir », Adaptation littéraire et courts métrages d’animation, Jérôme Dutel (ed.), Paris : L’Harmattan, 2020, pp. 73-83.
Hoog, Anne-Marie et Pascal Vimenet (eds.), De Popeye à Persepolis : Bande dessinée et cinéma d’animation, Cité internationale de la bande dessinée et de l’image, 2022.
Poncet, Marie-Thérèse, L’esthétique du dessin animé, Librairie Nizet, 1952.
Ryan, Marie-Laure (ed.), Narrative Accross Media: The Languages of Storytelling, Lincoln&London: University of Nebraska Press, 2004.
Rall, Hannes, Adaptation for Animation – Transforming Literature Frame by Frame, Taylor and Francis Group, 2020.
Sanders, Julie, Adaptation and Appropriation, London and New York: Routledge, 2006.
Vimenet, Pascal, Un Abécédaire de la fantasmagorie, Paris, : L’Harmattan, 2017.
Wells, Paul, « Classic Literature and Animation: Alle Adaptations are Equal, but some are more Equal than Others », The Cambridge Companion to Literature on Screen, Deborah Cartmell and Imelda Whelehan (eds.), Cambridge University Press, 2007, pp. 199-211.
---, « ‘Thou art Translated’: Analysing Animated Adaptation », Adaptation – From Text to Screen, Screen to Text, Deborah Cartmell and Imelda Whelehan (eds.), Longond and New York: Routledge, 1999, pp. 199-213.