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Vies mémorables

Vies mémorables

Publié le par Marc Escola

Notre intérêt pour les écrits de l’intime nous cache la fonction essentielle impartie après la Seconde Guerre mondiale au mémorable. Jean-Louis Jeannelle avait naguère donné un ouvrage de synthèse sur le genre sous le titre Écrire ses Mémoires au XXe siècle (Gallimard). Dans son nouvel essai, Vies mémorables (Hermann), il s'attache à trois figures à travers lesquelles le mémorable a pris forme après la Libération : le militant avec Victor Serge, le dirigeant avec le général de Gaulle et l’intellectuel avec Simone de Beauvoir. Il en a néanmoins résulté, de la part d’écrivains, une hostilité manifeste à l’égard d’un genre autrefois dominant. Une deuxième partie de l'ouvrage est consacrée à ces manifestations d’animosité : stratégique, de la part de Céline retournant l’arme des Mémoires contre les détenteurs de mémoire officielle, ou de principe en ce qui concerne Jean-Paul Sartre et Louis Aragon se refusant l’un et l’autre à l’injonction mémoriale, tout en y répondant de manière détournée. Brandi ou refusé, le genre des Vies mémorables a fait preuve d’une extraordinaire adaptabilité : la partie finale porte sur les récits de désaveu d’anciens militants communistes, le retour discret des Mémoires feints, en particulier grâce aux Bienveillantes de Jonathan Littell, enfin le recours chez Daniel Cordier au journal factice afin de combler la distance qui sépare tout récit mémorial des faits vécus. Fabula donne à lire l'introduction de l'ouvrage avec l'aimable autorisation des éditions Hermann : "Pour une autre histoire des récits de soi"…

(Photo. : Victor Serge)