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L'Occident vu du bouddhisme (Inalco, Paris)

L'Occident vu du bouddhisme (Inalco, Paris)

Publié le par Marc Escola (Source : Federico Benvenuto-Alberruche)

Eu égard à ses millions de pratiquants et à sa diffusion sur la quasi-totalité de l’Asie, le bouddhisme semble pouvoir se distinguer comme « religion mondiale » du continent par excellence (Mazusawa 2005). Longtemps conçu comme matrice culturelle de l’Asie orientale, il reste cependant difficile à appréhender en tant que phénomène unitaire. En effet, l’histoire de la « découverte » du bouddhisme par l’Occident est aussi celle de l’invention des catégories permettant sa compréhension (Skilling, Carbine et al (éds.) 2012) et la relecture de ce regard a souvent été marquée du sceau de la critique. Ont pu ainsi être étudiés, tour à tour, la construction par les savants européens d'une connaissance réflexive, à l'aune du bouddhisme, de la modernité occidentale et du christianisme (App 2010, 2012), l’imaginaire des convertis européens sur le bouddhisme et ses écarts avec les pratiquants d’Asie (Obadia 2007), ou encore la récupération individualiste et capitaliste de la mindfulness par les grandes firmes de la Silicon Valley (Dapsance 2018). Cet agencement complexe de miroirs, de regards et représentations face à un objet toujours fuyant, complexe et protéiforme projette cependant une zone d’ombre : celle d’un regard bouddhiste sur l’Occident.

Sur nos terrains, qu’il s’agisse d’archives, d’enquêtes ethnographiques ou sociologiques, qu’ils aient comme objet des textes anciens ou modernes, des inscriptions épigraphiques ou des œuvres d’art, les recherches et leurs auteurs achoppent sans distinction à une même difficulté : celle de l’appréhension du « bouddhisme » comme objet unitaire.

En effet, cet objet semble se dérober, se reconfigurer ou s'évanouir une fois confronté aux individus, groupes, organisations et aux traditions qui demeurent plurielles, parfois contradictoires, et souvent concurrentes. Notre visée n’est pas ici de réitérer la critique du regard occidental porté sur le bouddhisme, mais au contraire d’envisager la capacité commune, universelle et en partage de se représenter l’autre et de se positionner par rapport à lui, de concevoir en somme cette relation comme un champ possible d’approfondissement de la connaissance. Renversons-donc d'emblée la question : les bouddhistes d’Asie, eux, de quelle manière se representent-ils « l’Occident » ?

« L’Occident », comme « le bouddhisme », ne sont pas ici considérés comme des catégories figées, hermétiques ou définitives, mais bien comme des discours construits par des acteurs, qu’ils soient religieux ou laïcs. Dans un monde interconnecté, la curiosité, l’imagination, la fascination et l’aversion ne circulent pas unilatéralement d’ouest en est. L’anthropologie implicite des acteurs bouddhistes mérite ainsi d’être prise au sérieux : il ne s’agit plus seulement de comprendre l’autre, ou de nous comprendre nous-mêmes au prisme d'une compréhension de l’autre pensé comme « extériorité » (Jullien 2012), mais de comprendre comment lui- même nous perçoit, nous comprend et nous construit comme autre.

Comment donc les acteurs bouddhistes d’Asie discutent, comprennent ou se positionnent face à « l’Occident » ? Si la « rencontre avec le bouddhisme » a eu des effets sur les penseurs occidentaux, qu’en est-il de la « rencontre avec l’Occident » pour les penseurs bouddhistes ? Quelles stratégies opèrent les bouddhistes, en contexte diasporique ou missionnaire, pour pouvoir parler aux « occidentaux » ? Et à ce titre, quel est cet « Occident » en regard et vis-à-vis duquel les acteurs se positionnent ? S’agit-il du chercheur sur le terrain, des acteurs des communautés chrétiennes, de la « laïcité », de l’individu « post-moderne », « matérialiste » et « atomisé » ? Quels sont ses attributs, quels imaginaires sont ici mobilisés ? Sur quelles sources pouvons-nous baser ces questionnements et dans quelle mesure celles-ci influencent en dernière analyse les discours ? Sur quelles lignes de partage ou de fracture se consomme enfin l’économie de l’altérite, permettant la distinction entre « bouddhiste » et « occidental » ? Du travail comparatiste transparait finalement une problématique transversale : est-il possible de (re-)tracer les contours d’une « perspective bouddhique » sur l'Occident ?

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