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Territoire(s) et genre(s) dans les Amériques (Nanterre)

Territoire(s) et genre(s) dans les Amériques (Nanterre)

Publié le par Marc Escola (Source : Inès Jacques)

Territoire(s) et genre(s) dans les Amériques

9 et 10 janvier 2025

Centre de Recherches Ibériques et Ibéro Américaines (CRIIA), UR Études Romanes, Université Paris-Nanterre

Si le territoire est généralement perçu dans sa dimension géographique, il apparaît également comme un lieu d’interactions entre des normes, des règles, et des institutions qui émanent de lui, le régulent et le gèrent. À la fois producteur et produit, le territoire se comprend comme un espace physique, immatériel et symbolique. Il s’envisage alors comme réceptacle de la mémoire ainsi que des différentes expressions culturelles, artistiques et spirituelles. Au-delà de sa dimension sociétale, le territoire doit être considéré à la lumière des expériences individuelles : le corps humain en devient une extension (Segato, 2006) en même temps que l’individu le façonne et le modifie. Le territoire national et institutionnel se retrouve ainsi confronté à de nouveaux territoires émergeant des communautés et de la société civile, d’où naissent tensions et nouvelles manières de l’habiter. Ces dynamiques sont d’autant plus visibles lorsque l’on considère le territoire au prisme du genre, des oppressions, des catégories sociales et des relations qui en découlent. 

Les interactions entre genre et territoire ont suscité l’intérêt du milieu académique et ont donné lieu à de nombreux événements scientifiques. Parmi ceux-ci, les journées d’études « Cartographier le genre » (2016, Université Paris 1), « Les territoires du genre » (2014, Université Hassan II de Casablanca), « Le genre des territoires » (2002, Université d’Angers et Université catholique de l’Ouest) ou encore le cycle de séminaire « Territoire(s) et genre » (Laboratoire de recherche sociétés & humanités de l’Institut National des Sciences Appliquées des Hauts-de-France, 2023-2024), pour l’espace francophone.

L’originalité de cet événement réside dans son inscription géographique et temporelle large, soit les territoires d’Abya Yala depuis l’époque préhispanique jusqu’à nos jours. Cette considération de la pluralité des Amériques, qu’elle soit linguistique, politique et culturelle requiert de croiser les regards et les approches. Elles seront de fait pluri et interdisciplinaires, faisant dialoguer anthropologie, sociologie, géographie, histoire, sciences politiques, archéologie et étude des arts. À ce titre, nous proposons trois axes afin de l'aborder.

Axe 1 : Le genre pris dans le territoire

Loin de considérer le territoire comme un élément de déterminisme du genre, il sera plutôt un outil pour en aborder les normes, visibles tant à l’échelle collective qu’individuelle. De même, le territoire sera envisagé en tant que producteur d’inégalités, de discriminations et de violences multiples, notamment à travers des politiques d’urbanisme, d’agencement des territoires et de gestion sociale discriminantes. Comment le territoire façonne-t-il les identités et les corps à travers des normes de genre, de race et de classe ? Nous nous interrogerons sur les processus coloniaux de féminisation et de déshumanisation des peuples colonisés (entre autres, les conquêtes européennes des territoires autochtones ou encore les conséquences de la guerre du Chaco (1932-1935)). Nous considérerons les questions de continuité de ces dynamiques de domination, telles que la question des stérilisations forcées des personnes indigènes au Pérou (1990), les disparitions et féminicides des femmes indigènes au Canada, dénoncées par la Native Women’s Association of Canada (NWAC), ou les violations constantes du droit des personnes indigènes à l’autogestion et l’invisibilisation des langues originaires au Mexique. Seront aussi traitées l’instrumentalisation politique des enjeux de genre (restrictions du droit à l’avortement aux États-Unis, l’interdiction de l’écriture inclusive sous le gouvernement de Milei en 2024), les sexualités et corps comme véhicules de normes et de coutumes locales, ainsi que la socio-géographie des violences de genre, de race et de classe.

Axe 2 : Le genre en prise dans le territoire

Cet axe permettra de penser le genre comme un levier d’action ainsi qu’un outil de transformation et de reconfiguration du territoire. Le renversement des dynamiques de domination dans les espaces et l’empouvoirement dans et à travers les territoires seront des aspects appréciés. Comment parvenir à remettre en question les normes genrées d’un territoire ? Comment se le réapproprier comme un instrument de libération et d’émancipation ? À cet égard, nous nous interrogerons sur la question de l’auctorialité comme moyen d’affirmation de soi et de lutte pour un partage du territoire culturel, sur les revendications éco-féministes et les mobilisations autochtones contre les mégaprojets extractivistes, de même que sur l’affirmation et la matérialisation des mémoires invisibles ou souterraines (Pollack, 1993). Cette dernière peut passer par des processus de visibilisation, sensibilisation et réparation, que ce soit à l’échelle matérielle (à l’instar des actions du collectif “Ya no somos invisibles” à Mérida, Mexique) ou immatérielle. On pensera notamment à l’activisme digital de l’influenceuse canadienne Shina Novalinga, qui défie la silenciation des cultures inuites à travers la revalorisation des tatouages faciaux, des chants de gorge et des pratiques culinaires. Il s’agit ici d’habiter, de défaire et de refaire le territoire par le haut que par le bas, tant à travers des politiques publiques, des changements législatifs, l’activisme que la vie associative. Nous pensons notamment aux projets culturels comme le Festival Internacional de Cine LGBTQIA+ Asterisco (Buenos Aires), aux associations (Arcoiris, Honduras), et aux projets de refuges, de maisons culturelles et de lieux politiques pour les personnes des communautés trans, comme ceux d’Indianara Siqueira à Rio de Janeiro.

Axe 3 : Territoire(s) traversé(s), territoire(s) en mouvement(s),  territoire(s) mouvant(s)

Dans ce dernier axe, genres et territoires seront envisagés dans leur aspect mouvant, depuis les notions de passage, de franchissement, de fluidité et de transmission, à l’image du banc de sable (Anzaldúa, 1990). À l’instar de celui-ci, ils sont éphémères, fluctuent au gré du mouvement des eaux et leurs modalités de contact avec le rivage évoluent de façon constante. Dans ce contexte, leurs frontières, fixes et mouvantes, se constituent comme des enjeux et des espaces nouveaux qu’il convient aussi d’étudier. Parmi les apports théoriques envisagés, nous nous intéresserons particulièrement au concept de « frontières épaisses » qu’Aurore Monod-Becquelin (2012) propose d’appliquer aux champs de la sociologie et de l’anthropologie. Dès lors, l’idée de franchissement constituera un point de départ des réflexions développées dans cet axe, et nous amènera à penser celle de transgression. Nous contemplerons cette dernière à travers les déplacements géographiques, les processus de migration et les reconfigurations politique, culturelle et territoriale des espaces. L’angle d’approche de cette journée d’études permettra d’inclure des transgressions tant dans l’espace matériel qu’immatériel. Nous penserons notamment aux pratiques liées à la culture drag, aux questions de matrimoines, de revalorisation des héritages souterrains, de franchissement des normes de genre dans le domaine économique (tianguis de résistance économique comme à Mexico), dans les champs sportif et urbain (Las Cholitas en Bolivie), entre autres.

Portée par des doctorantes, cette journée d’étude a pour objectif d’interroger les liens entre le(s) genre(s) et le(s) territoire(s) dans l’aire géographique des Amériques, en s’inscrivant dans la pensée décoloniale et les outils de l’intersectionnalité.

Sont attendues des propositions qui :

s’inscrivent dans un ou plusieurs des trois axes
portent sur les espaces de langues anglaise, française, espagnole et portugaise, ainsi que leurs interactions et circulations au sein de ces espaces. Des ouvertures comparatistes vers d’autres langues et espaces sont bienvenues.

Modalités et calendrier :

Les propositions de contribution devront inclure : une courte notice-bibliographique (nom, prénom, université et/ou laboratoire de rattachement, adresse électronique), le titre envisagé de la communication, un résumé de 300 mots et 5 mots-clés. 

Pour permettre des échanges et le dialogue pendant la journée, les communications seront en français et devront être envoyées au plus tard le 15 juillet à l’adresse suivante : jegenrecriia2025@gmail.com 

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Comité d’organisation: 

Sandrine Cayre, doctorante (CRIIA, Université Paris Nanterre)

Pauline Coeuret, doctorante (CRIIA, Université Paris Nanterre)

Beatriz Collantes Sánchez, Maîtresse de conférences (SOFHIAPOL, Université Paris Nanterre)

Lévana Garçon, doctorante (CRIIA/CERMA Mondes Américains) 

Inès Jacques, doctorante (CRIIA, Université Paris Nanterre)

Emmanuelle Sinardet, Professeure des Universités (CRIIA, Université Paris Nanterre)

Allison Taillot, Maîtresse de conférences (CRIIA, Université Paris Nanterre)

Comité Scientifique : 

Sandra Assunção, Maîtresse de conférences, (CRILUS, Université Paris Nanterre)

Corinne Bigot, Maîtresse de conférences, (CREA, Université Paris Nanterre)

Marianne Bloch-Robin, Maîtresse de conférences, (CRIMIC, Sorbonne Université)

Capucine Boidin, Professeure des Universités, (IHEAL CREDA-UMR 7227, Université Sorbonne Nouvelle)

Alice Braun, Maîtresse de conférences (CREA, Université Paris Nanterre)

Maria da Graça Dos Santos, Professeure des Universités (CRILUS, Université Paris Nanterre)

Myriam-Isabelle Ducrocq, Professeure des Universités (CREA, Université Paris Nanterre)

Séverine Letalleur, Maîtresse de conférences, (CREA, Université Paris Nanterre)

Lissell Quiroz, Professeure des Universités, (AGORA EA 7392, Cergy Paris Université)

Anne-Marie Paquet-Deyris, Professeure des Universités, (CREA, Université Paris Nanterre)


Bibliographie: 

ALTAMIRANO-JIMÉNEZ Isabel, “Possessing Land, Wind and Water in the Isthmus of Tehuantepec, Oaxaca”, in Australian Feminist Studies, vol. 35, n°106, 2020, pp. 321-335. 

ANZALDÚA Gloria, Borderlands/La Frontera : The New Mestiza, Spinsters, Aunt Lute, 1987. 

–, “Bridge, Drawbridge, Sandbar, or Island: Lesbians-of-Color Hacienda Alianzas”, in ALBRECHT Lisa, BREWER Rose M. (ed.), Bridges of Power: Women’s Multicultural Alliances, New Society Publishers, Philadelphia, 1990.

BOIDIN Capucine, DAVIDSON Naomi, « Le genre de la geste indépendantiste », in Clio. Femmes, Genre, Histoire, n°53, 2021/1, p. 7-22. URL : https://www.cairn.info/revue-clio-femmes-genre-histoire-2021-1-page-7.htm 

BOIDIN Capucine, « Residenta ou Reconstructora ? Les deux visages de « La » mater dolorosa de la Patrie paraguayenne », in Clio. Histoire, femmes et sociétés, n° 21, 2005/1, p. 16-16. URL : https://www.cairn.info/revue-clio-2005-1-page-16.htm 

CHAKRAVORTY SPIVAK Gayatri, « Can the Subaltern Speak ? » in CHRISMAN Laura, WILLIAMS Patrick (ed.), Colonial discourse and post-colonial theory, Columbia University Press, New York, 1994, pp. 66-111. 

PALAISI Marie-Agnès, « Habiter l’espace frontière : littératures lesbiennes et phénoménologie queer dans les Amériques (1980‑2020) » [en ligne], in Revue ORDA, L’Ordinaire des Amériques, n°229, 2022, mis en ligne le 10 novembre 2022, consulté le 13 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/orda/7965 

QUIROZ Lissell (dir.), Féminismes et artivisme dans les Amériques, xxe-xxie siècles, Mont-Saint-Aignan, Presses universitaires de Rouen et du Havre, 2021, 163 pages.