Appel à contributions pour un numéro spécial
Interculturel Francophonies
(Re)positionner l’œuvre de Johary Ravaloson
Entré assez tardivement sur la scène littéraire francophone, l’écrivain malgache Johary Ravaloson s’est démarqué dès son premier roman Géotropiques (2010). Se déclarant « dégagé » (Ranaivoson, 2010), l’auteur se fraie alors une voie à l’écart des critiques sociales acerbes qui caractérisent les écrits de ses contemporains malgaches. Il tentera de poursuivre son cheminement littéraire non sans difficultés éditoriales. Il co-fonde la maison d’édition Dodo vole où sont publiés d’abord ses albums de jeunesse et plus tard ses cinq romans. À travers une écriture manifestement décomplexée, l’écrivain malgache bouscule les codes et suggère des textes au style à la fois recherché et limpide. Il vulgarise la littérature en s’ouvrant à d’autres mediums et à de nouveaux lectorats. Ravaloson publie son recueil de nouvelles Antananarivo, ainsi les jours (2010) sur Publinet ; il anime la rubrique « Lettres de Lémurie » du magazine mensuel No comment pour la visibilité et la promotion des textes de l’océan Indien. Le recueil Les Nuits d’Antananarivo (2016) publié chez No Comment® éditions rassemble les douze nouvelles qu’il a écrites pour alimenter la rubrique. L’écrivain choisit en 2020 d’adapter en BD sa nouvelle La porte du sud et de rééditer son premier recueil en l’agrémentant des photographies de Sophie Bazin, Antananarivo intime. Ses participations aux projets culturels de l’océan Indien comme Fragments n°2, fruit de la résidence de photographie à Diego-Suarez ou la direction de la revue Lettres de Lémurie entre 2018 et 2022 légitiment sa place dans la sphère littéraire indianocéanique. Ravaloson s’est par ailleurs lancé dans la traduction en français des œuvres classiques de la littérature malgache telles que Ma Promise (2020) et Le Hameau des rêves (2023) d’E. D. Andriamalala. L’écrivain-traducteur prend part activement au développement des activités culturelles et littéraires de la Grande île.
Ciblant le plus souvent un lectorat jeune (Ravaloson, 2020), Johary Ravaloson choisit à cet effet des textes en petit format au détour d’une écriture résolument fluide, pour contourner d’éventuelles difficultés d’accessibilité. Le retour au pays entre 2008 et 2016 a été déterminant dans la trajectoire littéraire de l’écrivain dont l’œuvre semble de plus en plus s’ancrer dans les réalités socio-politiques et culturelles de Madagascar. Que ce soit dans Vol à vif (2016) ou Amour, patrie et soupe de crabes (2019) ou encore Tribunal des cailloux (2024), il est surtout question de Madagascar et ses injustices contemporaines, les inspirations personnelles des premiers romans se trouvant désormais reléguées en arrière-plan. Or, l’œuvre de Ravaloson ne se présente pas pour autant comme une littérature endogène, centrée exclusivement sur les déboires de l’île ; elle aspire aussi à une universalité de l’écriture car traitant des préoccupations mondiales. C’est ainsi que sa trilogie urbaine insiste sur les nuisances écologiques des grandes villes (Parfait, 2021) et que le dernier roman débusque le fléau de l’inceste et de l’homophobie. Mais Ravaloson n’est pas seulement un dénonciateur des maux sociaux, il se veut aussi témoin de la mémoire collective depuis ses premiers albums consacrés aux Zafimaniry. Les albums du Dodo bonimenteur qui sont les résultats des travaux de recueil des contes traditionnels se lisent comme une véritable forme de néo-oralité. La publication en 2023 du beau livre bilingue consacré à un personnage historique de l’Est de Madagascar, Ratsimilaho, atteste de l’intérêt de l’homme des lettres pour l’histoire du pays.
Johary Ravaloson joue volontairement sur tous les fronts. Son œuvre éclectique lui a valu des distinctions prestigieuses le propulsant sur les scènes internationales. Plusieurs de ses textes ont été traduits en anglais et en d’autres langues. Tout en dialoguant avec les canons littéraires français (Cornille, 2019), il se livre à une écriture éminemment personnelle pour s’ouvrir ensuite à des questions ontologiques. L’auteur de Amour, patrie et soupe de crabes s’attaque désormais à des pratiques politiques peu scrupuleuses. Il dévoile les vices sociaux et prête subtilement la voix aux exclus à l’orée d’un langage sans détour, souvent elliptique, en réponse aux demandes tacites d’une société en pleine crise d’attention (Citton, 2014). Johary Ravaloson s’écarte-t-il sciemment de son idéal statut d’écrivain « dégagé » ? Ou sont-ce plutôt ses stratégies éditoriales qui influent sur son écriture au point de se distancier de sa position initiale ? Pourrait-on alors conclure à une réinvention de l’écrivain francophone face aux « attentes de la sphère de production restreinte ou large » (Malela, 2019) ?
Ce numéro spécial de la revue Interculturel Francophonies propose de réfléchir sur la trajectoire tracée par Johary Ravaloson en l’inscrivant dans un ensemble national, régional et mondial. Il s’agira plus précisément de (re)positionner l’œuvre de l’écrivain malgache et y apposer un nouveau regard selon les perspectives de lecture actuelles, l’ambition étant d’esquisser une cohérence de l’écriture au sein d’une œuvre d’apparence hétéroclite. Les contributions pourront ainsi s’articuler autour des axes suivants :
- Repenser le statut de l’écrivain « dégagé »
- Nouvelle lecture écologique de l’œuvre
- Nouveaux dialogues intertextuels
- Ecriture de la mémoire collective
- Vers une perspective queer
- Délimitation de l’œuvre : entre littérature et paralittérature
- Adaptation et Intermédialité
- Traductions : œuvres traduites par et œuvres traduites de Johary Ravaloson
Les propositions de contributions d’environ 300 mots accompagnées d’une courte notice bio-bibliographique sont à envoyer à volanosyparfait@gmail.com">volanosyparfait@gmail.com au plus tard le 30 juin 2024.
Échéancier :
Envoi des propositions : jusqu'au 30 juin 2024.
Notification d’acceptation des propositions : 15 juillet 2024
Envoi des contributions (25 000 – 35 000 caractères espaces compris) : 30 mars 2025
Publication du numéro : Novembre-Décembre 2025
Responsable : Cynthia Volanosy Parfait, Université d’Antsiranana (Madagascar)