Le colloque examinera l’œuvre de Cervantès à travers la question du « je ». Il observera ce je tel qu’il a été conçu, tel qu’il se dit et se pense dans les proses et les vers cervantins. À travers cette première personne grammaticale – sonorement exprimée par un pronom personnel ou bien portée par le verbe conjugué –, personne supposément plus intime que les autres et comme plus présente, plus parlante, plus à l’œuvre, en somme, dans les textes où elle se manifeste, tous les « genres » travaillés par « l’auteur du Quichotte » seront pris en compte et/ou (ré)examinés dans leur textualité même (leur manière, leur contenu et leurs discours) : aussi bien ceux canonisés par la tradition (Don Quichotte de la Manche [1605- 1615] ou les Nouvelles exemplaires [1613]) que les œuvres « secondes » jugées mineures par la tradition textuelle et la critique littéraire (œuvre poétique et comedias). Coquille vide que ce je, d’essence artificielle, consigné dans des écrits, très écrits, par un sujet véritable et je tout autre ? coquille vide que cet ego de papier qui, avant tout, relèverait en « circuit fermé » du langage et de ses codes, de la « tradition » écrite et de ses « variations » ? et non d’une substantielle « subjectivité » pouvant exprimer le « point de vue d’une conscience » (cf. Michel Zink, La Subjectivité littéraire) ?
En s’appuyant sur le savoir et l’optique de nombreux chercheurs, français et étrangers, la rencontre mettra en lumière l’expression formelle et sémantique de toute une série de je cervantins vraisemblablement traversés par l’esprit et les réverbérations de l’individualisme renaissant, lui-même peut-être un rien tendu entre une mécanique individuelle et les mécanismes sociaux de l’Espagne des Habsbourg.