Émile Zola :
Le travail de l’œuvre, l’œuvre au travail
Colloque international
2-3 octobre 2024
Université Western (Canada)
« Ayons du courage et travaillons » implore Émile Zola. Le 18 septembre 1862, il s’adresse ainsi à ses amis Paul Cézanne et Jean-Baptistin Baille. « Quand le travail marche, tout marche », écrit-il quelques années plus tard à Gustave Flaubert le 30 novembre 1878[1]. Zola est sans conteste un travailleur inlassable ayant laissé à la postérité un ensemble riche et considérable de romans, pièces de théâtre, critiques, articles journalistiques, lettres et préfaces. Le travail est pour lui une conception philosophique et une thématique importante qui se trouvent intégrées à son œuvre à plusieurs niveaux. Les conditions de travail de toutes les classes sociales sont explorées dans le vaste ensemble littéraire que constitue ses romans. Mentionnons à titre d’exemples, la description des métiers ouvriers dans L’Assommoir (1877), la grève des mineurs et la syndicalisation dans Germinal (1885), la division des tâches dans le grand magasin d’Au Bonheur des dames (1883), la machine dans La Bête humaine (1891). La nature est une force qui vient compléter ce portrait social, philosophique et économique du travail qui est aussi celui de la vie, que l’on pense à l’importance que revêt les descriptions du « Paradou » dans La Faute de l’abbé Mouret (1875) ou aux travaux des champs dans La Terre (1887). L’univers romanesque zolien travaille. Cet élément clé des œuvres constitue à la fois le moteur des aspirations des personnages et le miroir des injustices sociales qu’ils subissent. En outre, le corps des personnages est constamment montré au (en) travail à travers les thèmes du regard, de l’hérédité, du sexe, de la maladie, de la maternité, et de l’accouchement, par exemple. Ces thèmes des derniers romans aux titres évocateurs (Fécondité, 1897 et Travail, 1901) ne laissent aucun doute sur les préoccupations romanesques de l’auteur. La vie y est définie comme « un continuel travail des forces chimiques et mécaniques[2] ». L’imaginaire zolien est hanté par le fantasme, voir le mythe de la production sous toutes ses formes. En quoi cette vision se distingue-t-elle des philosophies et des théories sur le travail représentées chez d’autres contemporains ?
L’art a bien entendu également sa place dans cette conception du monde du travail : que dire, en effet, de cette déclaration emblématique de Sandoz, personnage de L’Œuvre (1886), concluant le roman de manière sublime : « Allons travailler [3]»? La littérature est-elle la seule voie salutaire du travail ? Car l’art et la littérature sont bien considérés comme des métiers pour Zola. La création romanesque chez lui se résume aussi à un travail sérieux et complexe de recherches et de mise en archives. Les dossiers préparatoires à l’origine de l’œuvre dévoilent une autre face de ce travailleur des lettres. Observateur curieux, avide de connaissances, fervent lecteur, Zola est un scénariste, un architecte qui construit ses histoires au gré d’ébauches, de plans détaillés, d’essais avortés, de dialogues entendus dans la rue au fil de ses enquêtes sur le terrain, faisant preuve d’une créativité extraordinaire. C’est un self-made man, qui a construit patiemment sa carrière littéraire en passant par l’arène du journalisme. Il est de même un épistolier prolifique pour qui la correspondance est une forme de travail et d’engagement, comme en témoigne « J’accuse! », sa lettre sans doute la plus célèbre.
Ce colloque se propose d’examiner le thème du travail dans l’imaginaire et l’œuvre de Zola. Il s’agira à la fois de se questionner sur les représentations littéraires du travail chez l’écrivain mais également sur ses propres pratiques d’écriture.
L’autre objectif de cette rencontre est de réfléchir au concept de réception, à travers les notions de lecture, d’enseignement et d’héritage en soulignant la part active de passeurs culturels, tels que les professeurs et les chercheurs, dans la transmission de l’œuvre et de ses savoirs. En quoi l’enseignement de la littérature contribue-t-il à renouveler les interprétations de l’œuvre zolienne et à perpétuer son actualité dans la mémoire collective? Comment travailler sur Zola aujourd’hui? Qu’est-ce que l’œuvre et la carrière de Zola peuvent nous apprendre sur l’époque actuelle, marquée par de nombreux débats publics sur le travail et le recours à de nouvelles technologies, comme l’intelligence artificielle?
Jusqu’à présent les travaux qui ont porté sur la question du travail chez les écrivain.e.s du XIXe siècle se sont intéressés à démontrer les influences des courants de pensées importants qui ont marqué la période industrielle comme le saint-simonisme, le socialisme, le marxisme, ou encore le fouriérisme. La représentation du progrès scientifique et technologique, ainsi que des utopies du travail dans les œuvres littéraires ont formé une autre avenue explorée par les chercheurs. En ce qui concerne Zola, les études qui ont abordé la question du travail se sont surtout concentrées sur les dossiers préparatoires ou encore la représentation de la condition ouvrière et de la machine dans ses romans. En abordant une perspective plus large, en considérant l’œuvre à partir de ses origines jusqu’à sa réception, nous souhaitons faire de ce colloque un espace de discussion où de nouvelles pistes de recherche pourront ainsi être explorées.
Nous invitons dès à présent des propositions de communications portant sur les pistes de réflexion (non-exhaustives) suivantes :
L’écrivain au travail :
-Nouvelles perspectives génétiques
-Dossiers préparatoires et enquêtes
-Éditions
-Correspondance
-Esthétique
-Etc.
Le travail dans l’œuvre :
-Typologie du travail
-Les personnages travailleurs
-Les théories, philosophies du travail et de la productivité
-Travail et législation
-La nature, les travaux aux champs, l’environnement
-Les mondes du travail
-Le corps au (en) travail
-Genre sexuel et travail
-Souffrance et travail
-Machine, technologie
-Travail et paresse
-Révolte, résistance et travail
-Travail
-Etc.
Héritage et réception :
-Réception de l’œuvre
-Lectorat
-Lectures et héritage critique
-Transmission, réseaux
-Influences et postérité
-Enseignement
-Etc.
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Veuillez envoyer vos propositions de communications (250 mots environ) accompagnées d’une notice biobibliographique d’ici le 1er juillet 2024 à :
Geneviève De Viveiros et Forough Hazrati (Université Western) à l’adresse suivante : colloqueZola2024@gmail.com
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[1] Zola, Correspondance, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, CNRS, 1978, T. I, p. 321 et T. III, p. 343.
[2] Zola, Travail, Paris, Charpentier, 1901, p. 195.
[3] Zola, L’Œuvre, Paris, Gallimard, coll. « La Pléiade », T. 1966, p. 363.