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Misopédie. La domination adulte dans les discours contemporains artistiques, scientifiques, politiques et médicaux (Limoges)

Misopédie. La domination adulte dans les discours contemporains artistiques, scientifiques, politiques et médicaux (Limoges)

Publié le par Marc Escola (Source : Cécile Kovacshazy)

 (English version below)

 Misopédie. La domination adulte 

dans les discours contemporains artistiques, scientifiques, politiques et médicaux

 Université de Limoges

3 et 4 octobre 2024

La misopédie est la haine des enfants (comme on parle de misogynie, à propos des femmes). C’est le sentiment de mépris – le plus souvent inconscient – qu’on porte aux plus jeunes, le rejet qu’on leur fait subir dans le fonctionnement de la polis. Être ou avoir été un·e enfant est la seule et unique expérience universelle commune à tous les êtres humains de la planète. Et pourtant, de générations en générations se reproduit une incapacité à entrer en lien empathique avec l’enfance, une fois qu’on l’a quittée. Cette misopédie n’est pas universelle mais elle est assez répandue et elle varie bien sûr selon les époques et les lieux.

Les adultes s’autorisent pour la plupart et presque en permanence quantité de faits et gestes sur les enfants que tout adulte en mesure de se défendre refuserait avec véhémence : contraindre à rester assis des heures à un âge où le mouvement physique est un besoin et non un loisir, crier dessus, imposer des heures précises pour uriner, taper des plus faibles que soi, menacer, soumettre à des chantages, punir de ressentir des émotions (rappelons que la colère est l’expression naturelle d’une limite non respectée… l’œuf vient de la poule qui vient de l’œuf), faire de l’humour oppresseur, etc.

Mais précisément, les enfants, dans notre société actuelle, n’ont pas de possibilités de se défendre, parce qu’ils sont physiquement plus faibles, parce qu’ils n’ont aucune autonomie financière, sociale et émotionnelle et, plus grave, parce qu’ils ne sont pas protégés par le droit. À ce jour, les enfants constituent en effet la seule population encore privée de droits fondamentaux, c’est-à-dire cantonnée au statut juridique de « mineur », statut qui était encore celui des femmes en France jusqu’en 1938 voire 1965.

Ces violences constituent un continuum. Et en 2024 les chiffres officiels estiment qu’1 enfant rien qu’en France subit une agression sexuelle toutes les 3 minutes. Cela est rendu possible parce qu’en amont de cette agression existent des habitus de domination voire d’écrasement très solides, le plus souvent au nom de « l’éducation ».

Jusqu’à présent, de nombreux travaux scientifiques internationaux ont étudié les phénomènes de domination et de discrimination en fonction des appartenances ethniques ou raciales, en fonction du genre, de l’orientation sexuelle, du choix religieux, des populations discriminées et dominées. L’étude de l’âgisme (la discrimination liée à l’âge) se développe, mais elle concerne en général les personnes les plus âgées ou les « jeunes », c’est-à-dire des personnes n’étant plus des enfants. Les différents ouvrages consacrés au care, aux États-Unis ou en France, oublient étonnamment presque systématiquement cette immense partie de la population qui ne peut survivre sans recevoir du care : les enfants.

Ce colloque souhaite donc se consacrer à analyser les phénomènes de domination, de discrimination adultiste dont sont aujourd’hui victimes les enfants. Que ce soit sur le plan juridique, psychologique mais aussi dans les diverses représentations fictionnelles, dont on sait l’importance primordiale pour l’élaboration d’une vision individuelle et collective donc d’un comportement à l’égard des plus jeunes de notre société.

L’approche se veut pluridisciplinaire et transversale afin de montrer que cette misopédie est intériorisée et banalisée dans des discours sur les plus jeunes qui se recoupent : les fictions littéraires et cinématographiques, mais aussi d’autres formes de discours fictionnels qu’on rencontre en médecine, en psychologie, en sciences sociales, en politique.

On s’intéressera ici surtout à la France contemporaine, sans s’interdire l’analyse de la misopédie dans d’autres pays, au contraire.

Parmi les propositions pour le colloque, on attachera donc particulièrement un intérêt à celles qui mettront en avant :

-       La présence de la misopédie et de l’adultisme dans les fictions artistiques

-       La présence de la misopédie et de l’adultisme dans des discours normatifs se réclamant d’un champ disciplinaire scientifique : les « bons conseils » et « recommandations » médicales, psychologiques et éducatives, ou se réclamant « expert·e·s »

-       La banalisation discursive des violences faites aux enfants, notamment parmi le personnel politique

-       La réflexion sur la dissociation cognitive concernant l’efficacité de l’école à être un lieu d’épanouissement et d’égalitarisation

-       La réflexion sur la confusion entre instruction et éducation, et l’automatisme culturel à considérer l’intervention normée et programmée dans tout apprentissage comme étant impérieuse (l’éducationnisme)

-       La réflexion sur l’enfantisme, etc.

Ces réflexions concernant les child studies sont déjà actives dans d’autres pays. L’intention de ce colloque est de stimuler leur présence dans le champ de la recherche française. Ainsi que de créer des liens internationaux dans ce champ de recherches. Comme le dit l’historien des violences éducatives Olivier Maurel, ces recherches constituent à l’heure actuelle un « trou noir pour les sciences humaines » et il est temps que cela évolue.

Colloque international organisé par Cécile Kovacshazy

avec l'assistance de Daliborka Milovanovic

Calendrier :

-       30 avril 2024 : date limite pour l’envoi des propositions 

(entre une demi-page et une page), accompagnées d’une courte bio-bibliographie)

Contact : cecilekova@yahoo.fr, cecile.kovacshazy@unilim.fr 

Les propositions seront considérées en double lecture anonymisée.

-       20 mai 2024 : décision du comité scientifique  

  •       3-4 octobre 2024 : colloque en présentiel à l’Université de Limoges ainsi qu’en visioconférence uniquement pour les personnes résidant loin de France.

Comité scientifique :

Cécile Kovacshazy (littératures comparées), Daliborka Milovanovic (éditrice), Laelia Benoit (pédopsychiatrie), Tanu Biswas (philosophie), Daniel Delanoë (psychiatrie et anthropologie), Olivier Maurel (histoire), Muriel Salmona (psychiatrie).

Bibliographie : 

BELL John, Understanding adultism: A major obstacle to developing positive youth– adult relationships. YouthBuild USA, 1995.

BENOIT Laelia, Infantisme, Paris, Seuil, 2023.

BISWAS Tanu, « Childist Theory in the Humanities and Social Sciences », Children & Society, 2023.

BONNARDEL Yves, La Domination adulte. L’oppression des mineurs, Méréville, Le Hêtre Myriadis, 2015.

BURMAN Erica, « Child as method and/As childism: Conceptual-political intersections and tensions », Children & Society, 37 (4), p. 1021-1036, 2023.

COTTON Marc-André, Au nom du père : les années Bush et l’héritage de la violence éducative, Paris, L’Instant présent, 2014.

DELANOË Daniel, Les Châtiments corporels de l’enfant, Toulouse, Érès, 2017.

DELPHY Christine, « L’état d’exception : la dérogation au droit commun comme fondement de la sphère privée », Nouvelles Questions Féministes, vol. 16, n° 4, p. 73-114, novembre 1995 (repris dans L’Ennemi principal).

DUMOUCH Rodolphe-Amaury, « Esquisse d’un tableau géographique des droits-libertés pour les jeunes pré-majeurs en Europe », Revue Géographique de l’Est, vol. 58, Espace Légal, la géographie rencontre le droit, 2018.

DURAND Édouard, 160 000 enfants : violence sexuelle et déni social, Paris, Gallimard, 2024.

DUSSY Dorothée, Le Berceau des dominations. Anthropologie de l’inceste, Marseille, La Discussion, 2013.

FLASHER Jack, « Adultism », Adolescence, 13/51, p. 517-523, 1978.

GARNIER Pascale, « L’agency des enfants. Projet scientifique et politique des Childhood studies », Éducation et sociétés, 35/2, p. 159-173, 2015.

GRAY Peter, Libre pour apprendre [Free to learn, 2015], Arles, Actes Sud, 2016.

KOVACSHAZY Cécile, MILOVANOVIC Daliborka, DELANOË Daniel, ALLEGRET Gabriel, « Les mots pour dire la domination adulte et les violences faites aux enfants », L’Humanité, 12 février 2024.

LANCY David F., Anthropologie de l’enfance. Perspectives sur la place et le statut des enfants [2008], Méréville, Le Hêtre Myriadis, 2024.

LEFRANÇOIS, Brenda A., « Adultism », Encyclopedia of Critical Psychology, Thomas Teo (dir.), New York, Springer, p. 47-49, 2014. 

LÉVÊQUE Mathilde, « Les Childhood Studies en France : esquisses d’un domaine à construire », Magasin des enfants, 9 février 2017 (en ligne).

LIEBEL Manfred et MEADE Philip, Die Macht der Erwachsenen über die Kinder. Eine kritische Einführung, Berlin, Bertz + Fischer, 2023.

MAUREL Olivier, La Violence éducative, un trou noir dans les sciences humaines, Paris, L’Instant Présent, 2012.

MAUSE Lloyd De, The History of Childhood: The untold Story of Child Abuse, London, Bellew, 1974.

MENDEL Gérard, Pour décoloniser l’enfant : socio-psychanalyse de l’autorité, Paris, Payot, 1971.

MILLER Alice, C’est pour ton bien [Am Anfang war Erziehung, 1980] Paris, Aubier, 1985.

MILOVANOVIC Daliborka, Punk Parenting, Méréville, Le Hêtre Myriadis, 2024.

Mouvements, « Interroger la domination adulte », Vanina Mozziconacci, Juliette Rennes, Nicolas Duval-Valachs, Marie Esclafit, Régis Revenin, Claire Batailler (éd.), Paris, La Découverte, n° 115, 2023.

PARDO Thierry, Au nom du pire, Méréville, Le Hêtre Myriadis, 2020.

LEPRI Jean-Pierre, « Éducation » authentique : pourquoi ?, Forges-les-Bains, Myriadis, 2017.

PITERBRAUT-MERX Tal, « Enfance et vulnérabilité. Ce que la politisation de l’enfance fait au concept de vulnérabilité », Éducation et socialisation, n° 57, 2020.

ROMAGNY Vincent (éd.), Politiser l’enfance, Laurel Parker Book et Burn-août, 2021. 

SALMONA Muriel, Le Livre noir des violences sexuelles, Paris, Dunod, 2013, rééd. 2018 et 2022.

SINNO Neige, Triste Tigre, Paris, P.O.L., 2023. 

SUNDHALL Jeanette, « A Political Space for Children? The Age Order and Children’s Right to Participation », Social Inclusion, 5 (3), p. 164-171, 2017. 

WADSWORTH Sarah, 2015. « The Year of the Child: Children’s Literature, Childhood Studies, and the Turn to Childism », American Literary History, 27 (2), p. 331-341, 2015. 

WALL John, « From Childhood Studies to Childism: Reconstructing the Scholarly and Social Imaginations », Children’s Geographies, 17 (6), p. 1-15, 2019.

YOUNG-BRUEHL Elisabeth, Childism: Confronting Prejudice Against Children, Yale University Press, 2012.

CALL FOR CONTRIBUTIONS

Misopedia. Adult domination in contemporary artistic, scientific, political and medical 

University of Limoges

October 3rd and 4th 2024

Misopaedia refers to the hatred of children (in the same way that misogyny refers to the hatred of women): the most often unconscious feeling of contempt brought upon the youth, a rejection of the children from the ways of the polis. Being or having been a child is the one and only shared universal experience for every human being on the planet. And yet, generation after generation, humans seem unable to empathize with childhood after outgrowing it. What we call here misopaedia might not be universal, but it is fairly widespread, and it varies according to time and place. 

The fact is most adults would strongly refuse to endure what they impose on children on a daily basis. If they were in a capacity to defend themselves, adults wouldn’t agree to: being forced to sit still for hours, when physical movement is a basic need, being shouted at, being given precise times for urinating, being hit, being threatened, being blackmailed, being punished for showing emotions (remember that anger comes along as a natural expression when a limit has not been acknowledged... the egg comes from the hen, that comes from the egg), being mocked with oppressive sarcasm, and so on. 

Our concern is precisely that children in today’s society have no way of defending themselves. They are physically weaker, they have no financial, social or emotional autonomy and, most importantly, they are not protected by the law. To this day, children are the only population group still deprived of fundamental rights, or in other words confined to the legal status of ‘minor’. The same was true about women in France until 1938, if not until 1965.

This violence is experienced as a continuum. In France in 2024, the authorities estimate that 1child is sexually assaulted every 3 minutes. Upstream, this alarming number coincides with very strong habitus of dominating and overpowering the children, mostly in the name of ‘education’. 

To date, a large body of international scientific work has shown domination and discrimination as phenomena, in the light of ethnic or racial affiliation, gender, sexual orientation and religious choice. Meanwhile, the study of ageism (age discrimination) is developing, but it generally concerns the oldest people or the ‘young’, i.e. people who are no longer children. Surprisingly, the various researches regarding to care, in the United States and France, almost systematically dismiss the huge part of the population that cannot survive without receiving care: children.

This colloquium will center around adult or adultist domination and discrimination of children. Not only from a legal and psychological point of view, but also through various fictional representations which we know to be of vital importance in shaping individual and collective visions. This will hopefully contribute to changing behaviors towards the youngest members of our society. 

Our aim is to show through a multidisciplinary lens that misopaedia is internalized and trivialized, therefore overlapping discourses on young people. In this effort, we will bring together literary and cinematographic fictions, but also other forms of fictional discourses found in medicine, psychology, the social sciences and politics. 

Our focus will be on contemporary France, without precluding an analysis of misopaedia in other countries.

Among the proposals for the colloquium, we will be particularly interested in those who examine:

- The presence of misopaedia and adultism in artistic fictions

- The presence of misopaedia and adultism in normative or colloquial discourses originating from those claiming to be 'experts' rooted in scientific discipline: 'good advice' in the medical, psychological and educational fields. 

- The discursive trivialization of violence against children, particularly among politicians

- The cognitive dissociation concerning the effectiveness of school as a place of fulfillment and egalitarianism.

- The confusion between instruction and education, and the cultural bias that looks at prepared standardized intervention in all learning as imperative (educationism).

- Reflection on childism, etc.

These approaches on child studies are already abundant in other countries. The aim of this colloquium is to stimulate their emergence in the field of French research. And also to create international links in this research field. As Olivier Maurel, a historian of educational violence, puts it, this research is currently a "black hole for the human sciences". It is time for things to change. 

International conference organized by Cécile Kovacshazy

With the help of Daliborka Milovanovic

Timetable:

- 30 April 2024: deadline for submitting proposals.

Contact: cecilekova@yahoo.fr / cecile.kovacshazy@unilim.fr 

(between half a page and one page), accompanied by a short bio-bibliography)

Proposals will be considered under an anonymous double reading procedure. 

- 20 May 2024: decision by the scientific committee.