Rivista CoSMo - Comparative Studies in Modernism
Appel à contributions pour le n° 26 (Juin 2025)
FRANCHIR LES LIMITES. DE MARTINO ET LES ARTS
CROSSING BORDERS. DE MARTINO AND THE ARTS
Ces dernières années, le rayonnement des études sur Ernesto De Martino (1908-1965) a entraîné une réévaluation importante de sa pensée. À cet égard, des suggestions novatrices ressortissent d’abord d’une lecture organique de l’œuvre de De Martino, notamment au moyen d’interprétations qui ne visent plus seulement des questions spécifiques abordées par l’auteur, telles que le folklore, la magie, le mythe ou les cultures subalternes. En effet, les acquis herméneutiques récents nous renvoient à une œuvre dont la structure est ouverte et particulièrement problématique en ce qu’elle invite à en retravailler à la fois les significations et les limites. La modernité du projet culturel démartinien a ainsi conduit des chercheurs issus de différentes disciplines à traduire ses ouvrages. Ici un « geste de traduction » (Charuty) se produit, qui a vocation à enrichir de manière rétroactive les textes originaux, tandis que le passage à une autre langue provoque des lectures naguère impossibles. Plusieurs colloques internationaux ont également apporté des éclairages inédits quant à l’hybridité disciplinaire qui caractérise les recherches démartiniennes, en démultipliant les terrains sur lesquels se joue leur réception. En ce qui concerne le domaine littéraire, force est de constater que De Martino se concentre principalement sur la littérature européenne de la crise, qu’il critique beaucoup tout en en restant foncièrement fasciné. On pourrait essayer d’exploiter l’essentiel de ses thèses en les mettant au prisme d’autres courants et auteurs du XXe siècle, bien que ces derniers n’aient pas fait explicitement l’objet de son discours. En outre, il serait intéressant de réfléchir, à l’instar de Carlo Ginzburg, aux surprenantes affinités qui font de De Martino une sorte d’interlocuteur posthume face aux enjeux de notre époque, et cela souvent au-delà du contexte culturel italien.
À la lumière de telles approches, l’attention portée par De Martino aux différents langages esthétiques pourrait servir de référence exemplaire afin de saisir l’esprit d’expérimentalisme théorique et méthodologique qui était le sien. D’abord, qu’il s’agisse des formes du chant populaire, de la lamentation funèbre ou de la catharsis musicale, De Martino revient constamment sur le vaste domaine de l’aisthesis, ce qui n’est pas sans lien avec sa vocation à s’emparer des aspects davantage « théâtraux » des fragilités humaines d’un côté, avec d’importantes retombées sur ses discours à propos de l’art, de l’autre. De même, on remarquera que le témoignage des formes culturelles des populations étudiées se trouve valorisé par De Martino grâce à des enregistrements sonores captés sur le terrain, ainsi que par la photographie et le film dont il entrevoit la fonction documentaire de manière pionnière. De Martino fait également recours à la radio (1953-54) pour diffuser les contenus spécialisés de son travail auprès du grand public, alors qu’il semble anticiper certaines expérimentations techniques des nouveaux médias qui enrichissent le domaine des arts du XXe siècle (reportage, montage, cinéma, photographie, performance etc). Dans tous ces cas, De Martino met en valeur le propre des différents langages esthétiques, et cela grâce à une sensibilité aiguë pour la pluralité concrète des arts, la spécificité de leurs supports, les horizons expressifs et communicationnels ainsi que pour les solutions formelles innovantes qu’ils requièrent ou développent. En définitive, De Martino rencontre les langages esthétiques, les implique constamment au rang de moyens de sa recherche, et les étudie en y voyant des documents pourvus d’une importance à la fois historique et anthropologique.
Pour tenter d’approfondir ces directions de recherche, la revue CoSMo consacrera un numéro à « De Martino e le arti / De Martino et les arts », à paraître en Juin 2025. Les contributions sélectionnées tâcheront de se positionner à la croisée de différents noyaux thématiques, traditions, terrains disciplinaires ou objets de réflexion. On invitera les chercheurs.es qui participeront à ce numéro à « franchir les limites », c’est-à-dire à oser des mises en relations imprévisibles et des juxtapositions inédites en partant de l’hypothèse qu’il soit possible de valoriser les contenus de l’œuvre de De Martino sur le terrain des usages qui peuvent en être faits, notamment à la lumière des problématiques les plus récentes concernant, entre autres, le monde de l’art. De façon plus générale, les textes proposés peuvent s’articuler autour d’un des trois axes suivants : Mot - Image - Performance. Ces derniers synthétisent bien les différents domaines esthétiques que notre auteur a rencontrés, utilisés et explorés au cas par cas, le long de son parcours : littérature, écriture de soi, reportage, cinéma, photographie, musique, arts visuels, etc. Nous encourageons par conséquent toute proposition critique qui, à partir de l’œuvre de De Martino, trace des voies inexplorées, notamment en vue de prolonger et de développer les réflexions de l’auteur en dialogue avec des expériences nouvelles. Des lectures originales seront donc privilégiées ainsi que des perspectives théoriques jusqu’ici marginalisées.
Parmi les problématiques envisagées on peut mentionner (liste non exhaustive) :
- Le dialogue de De Martino avec la culture de l'image : photographie, peinture, visual studies
- Performance et centralité du corps ; aspects symboliques et performatifs du rituel
- De Martino et le cinéma : influences, utilisations et inspirations
- Les inspirations démartiniennes au sein d’expériences artistiques contemporaines
- Traduire la langue de De Martino : à la frontière entre expression littéraire et invention de concepts
- Notes de voyage, flux de conscience, questions intérieures et associations d'idées
- Techniques de montage
- Ethnographie et écriture de soi : le style autobiographique, la confrontation avec les autres et l'Autre
- Expériences psychotiques, impersonnalité et dépersonnalisation dans la littérature
- L’analyse de l'art menée par De Martino au prisme des théories esthétiques de son époque et ultérieures
- De Martino et les multiples formes de la musique
- Des connexions imprévisibles : idées, auteurs, expériences
- Langages esthétiques et pathologies de l’esprit : art, créativité, folie
- Effets de réalisme et langage pictographique
- Un regard de loin : les réceptions, utilisations et fécondités inédites de De Martino hors du débat italien
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Les chercheurs.es intéressé.e.s sont invité.e.s à soumettre leur proposition sous la forme d’un résumé (avec titre, environ 250 mots) en anglais, accompagné d’un court profil bio-bibliographique, avant le 15 Juin 2024. Les propositions sont à adresser par courriel aux éditeur.ice.s:
Roberto Dainotto (dainotto@duke.edu), Francesco Lesce (francescolesce.uni@gmail.com), Luisa Sampugnaro (luisa.sampugnaro@unito.it).
La réponse sur les propositions retenues sera communiquée dans le courant du mois de Juillet 2024.
Les articles peuvent être rédigés en italien, anglais ou français, et leur longueur ne devrait pas dépasser les 40.000 signes (espaces, notes et bibliographie compris). Les textes définitifs devront parvenir au plus tard le 15 Décembre 2024 et feront l’objet d’une procédure d’évaluation en double aveugle.
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Bibliographie
Agamennone, M. (a cura di), Musiche tradizionali del Salento. Le registrazioni di Diego Carpitella ed Ernesto De Martino (1959-1960), Roma: Squilibri, 2015.
Agee, J, Evans, W., Let Us Now Praise Famous Men, New York: Houghton Mifflin, 1941.
Agee, J., Evans, W., Cotton Tenants, Hoboken, NY: Melville House, 2013.
Agosti, G. e Sciuto, M., L’atlante del pianto di Ernesto De Martino, in R. Di Donato (a cura di), La contraddizione felice? Ernesto De Martino e gli altri, Pisa: ETS: 185-195.
Beneduce, R., “Angoscia e volontà di storia”, in R. Beneduce e S. Taliani (a cura di), Ernesto De Martino. Un’etnopsichiatria della crisi e del riscatto, “Aut Aut”, n. 366, aprile-giugno 2015, Milano: Saggiatore, 2015: 149-184.
Bindi, L., Ernesto De Martino alla radio, Postfazione a Id., Panorami e spedizioni. Le trasmissioni radiofoniche del 1953-54, a cura di L.M. Lombardi Satriani e L. Bindi, Torino: Bollati Boringhieri, 2002, pp. 131-173.
Charuty, G., Ernesto de Martino: Le precedenti vite di un antropologo, Milano: Franco Angeli, 2010.
- Le moment néoréaliste de l’anthropologie démartinienne, in “L’Homme. Revue française d’Anthropologie”, n. 195-196/2010 : 247-282.
- “Occorre ridiscendere agli Inferi”, in R. Beneduce e Simona Taliani (a cura di), Ernesto De Martino. Un’etnopsichiatria della crisi e del riscatto, “Aut Aut”, n. 366, aprile-giugno 2015, Milano: Saggiatore, 2015: 15-38.
Dainotto, R., De Martino e Proust. Sul “risveglio deli popoli coloniali”, in Desogus, P., Gasperina Geroni, R., Picconi, G.L. (a cura di), De Martino e la letteratura. Fonti, confronti e prospettive, Roma: Carocci, 2022: 41-52.
De Martino, E., L’opera a cui lavoro. Apparato critico e documentario alla “Spedizione etnologica” in Lucania, a cura di C. Gallini, Lecce: Argo, 1996.
- Scritti filosofici, a cura Roberto Pàstina, Bologna: Il Mulino, 2006.
- Magic: A Theory from the South, ed. Dorothy Zinn, Chicago: University of Chicago Press, 2015.
- La fin du monde. Essai sur les apocalypses culturelles, Paris : Editions EHESS, 2019. La fine del mondo. Contributo all’analisi delle apocalissi culturali, a cura di G. Charuty, D. Fabre, M. Massenzio, Torino: Einaudi, 2019, cap. V.
- Morte e pianto rituale. Dal lamento funebre antico al pianto di Maria, a cura di M. Massenzio, Torino: Einaudi, 2021.
- Il mondo magico. Prolegomeni a una storia del magismo, a cura di M. Massenzio, Torino: Einaudi, 2022.
- La terra del rimorso. Contributo a una storia religiosa del Sud, a cura di M. Massenzio, Torino, Einaudi, 2023.
- The End of the World: Cultural Apocalypse and Transcendence, ed. Dorothy Zinn, Chicago: University of Chicago Press, 2023.
Della Costa, F., Un incontro (im)possibile. Ernesto de Martino e Bruce Kapferer, “Dada. Rivista di Antropologia post-globale”, n. 1, giugno 2023: 9-28.
Desogus, P., Gasperina Geroni, R., Picconi, G. L., De Martino e la letteratura. Fonti, confronti e prospettive, Roma: Carocci, 2022.
Didi-Huberman, G., Ninfa dolorosa. Essai sur la mémoire d’un geste, Gallimard, Paris 2019.
Fabre, D., Un rendez-vous manqué. Ernesto De Martino et sa réception en France, in “L’Homme. Revue française d’Anthropologie”, n. 151/1999 : 207-236.
Faeta, F., Il sonno sotto le stelle: Arturo Zavattini e le prime fotografie etnografiche demartiniane in Lucania, “Ossimori”, n.8, 1997: 57-67.
Gallini, C., Il documentario etnografico “demartiniano”, in “La Ricerca folklorica”, n. 3, aprile 1981: 23-31.
Gallini, C. e Massenzio, M. (a cura di), Ernesto De Martino nella cultura europea, Napoli: Liguori, 1997.
Gallini, C. e Faeta, F. (a cura di), I viaggi nel Sud di Ernesto de Martino, fotografie di Arturo Zavattini, Franco Pinna e Ando Gilardi, Torino: Bollati Boringhieri, 1999.
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- Un pensiero inquieto, Introduzione a E. De Martino, Il mondo magico. Prolegomeni a una storia del magismo, a cura di M. Massenzio, Torino: Einaudi, 2022: VII-LX.
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- La fin des corps : Notes sur les apocalypses silencieuses de Jean-Luc Godard et d’Ernesto De Martino, trad. G. Charuty, “Gradhiva. Revue d’anthropologie et histoire des art”, 36/2023 : 150-170.
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- An Introduction to Ernesto De Martino’s Relevance for the Study of Folklore, in “The Journal of American Folklore”, Vol. 128, No. 507 (Winter 2015): 3-17.