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Les loisirs au service du plaisir : entre oisiveté, distraction et contemplation (Poitiers)

Les loisirs au service du plaisir : entre oisiveté, distraction et contemplation (Poitiers)

Publié le par Eloïse Bidegorry (Source : Association JANUA)

Chaque année, l’association des jeunes chercheuses et chercheurs inscrits en Master et en Doctorat en Sciences Humaines et Arts à l’Université de Poitiers (JANUA), organise une journée d’études. Cette journée interdisciplinaire, ayant à vocation de valoriser les travaux de jeunes chercheurs (étudiants de Master 2, doctorants et post-doctorants), portera cette année sur la thématique des loisirs.

Trois axes interprétatifs se distinguent nettement. Le premier, celui de l’oisiveté, envisage les loisirs à l’aune de leur tension entre disponibilité, nonchalance et labeur. Le deuxième, consacré à la distraction, en explore la nature d’échappatoire voire d’exutoire. Enfin, le troisième et dernier axe portant sur la contemplation envisage finalement les loisirs comme démarche intellectuelle de perception et de représentation du monde.

Chaque communication fera également l’objet d’une publication dans la revue associée Les Annales de Janua l’an prochain, et dont nous célébrons cette année la dixième année de parution.

L'évènement aura lieu la journée du jeudi 11 avril 2024.

Argumentaire :

Les Journées Jeunes Chercheurs sont des journées d’études annuellement organisées par l’association JANUA, laquelle réunit les jeunes chercheurs inscrits en master et doctorat à l’Université de Poitiers, des laboratoires HeRMA (Hellénisation et Romanisation dans le Monde Antique), CESCM (Centre d’Études Supérieures de Civilisation Médiévale) et CRIHAM (Centre de Recherches Interdisciplinaires en Histoire, Histoire de l’Art et Musicologie). Ayant à vocation de valoriser les travaux entrepris par de jeunes chercheurs (étudiants de Master 2, doctorants et post-doctorants), ces journées sont par nature interdisciplinaires et concernent toutes les périodes historiques. Les communications au programme sont également destinées à être publiées dans la revue scientifique de l’association, Les Annales de Janua, dont nous célébrons cette année le dixième volume paru.

Naturel pendant du travail auquel nous nous consacrons, et parfois présenté comme son plus parfait antonyme, le loisir désigne d’abord, d’après le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (CNRTL), la “possibilité, [la] liberté laissée à quelqu’un de faire ou de ne pas faire quelque chose”. Aujourd’hui, nous l’entendons davantage comme le “temps dont on a la libre disposition pour faire quelque chose” ; un glissement sémantique semble donc s’être opéré entre la capacité individuelle, en vertu ou en dépit d’une instance culminante, vers l’infime et insaisissable instant s’insérant entre deux moments de labeur. Une temporalité dont nous souhaitons interroger le long temps, et les évolutions de l’Antiquité au Contemporain. 

Le loisir intéressa le monde scientifique avant même la conception de l’Université, en ce qu’il était la condition même de l’exercice intellectuel. Fait fort répandu, le terme ”école” nous parvient par exemple du latin schola (le loisir studieux, la leçon), lui même emprunté du grec σχολη (litt. “l’arrêt du travail”, au sens de temps consacré à l’étude ; désigne également la leçon ou le groupe de personnes la recevant). Plus qu’une recherche consacrée au loisir, force est de constater que le loisir est constituant de la recherche - que celle ci tint longtemps du moment de plaisance. Ainsi pourrions nous par exemple faire dire à Jacques Le Goff, lorsqu’il déclarait que “le plaisir doit guider la recherche”, qu’il doit également guider le loisir. Une tension semble tout naturellement se dessiner entre ce labeur qui est le nôtre, le temps nécessaire à sa pratique, ainsi que le plaisir qu’il procure. 

Devant cet état de fait, nous souhaitons interroger les différentes pratiques du loisir, quel qu’il soit - sérieux ou non, individuel ou collectif, régulier ou sporadique - à travers les différentes époques, et son apparente fonction ancillaire vis à vis du plaisir né de son exercice. À cette fin, nous pouvons envisager trois axes : 

  • L’oisiveté : c’est-à-dire “l’état d’une personne qui ne fait rien, momentanément ou de façon durable, qui n’a pas d’occupation précise ou n’exerce pas de profession”. On lui connaît également un emploi péjoratif, au sens de “l’indolence, de la paresse”. Une parfaite inactivité donc, qu’elle soit laudative ou dépréciative, dans laquelle repose précisément la possible réalisation du loisir. Il faut néanmoins reconnaître que l’oisiveté eut longtemps mauvaise presse : présentée comme état ennemi de la vertu chez les auteurs anciens, elle était également l’avatar du vice pour la plupart des auteurs chrétiens. Dans des cités que rythmait le travail journalier, l’oisiveté était un signe de dérèglement des mœurs : à l’époque moderne, on trouve sous la plume des réformateurs protestants la productivité comme seule voie possible du perfectionnement moral. Aux XVIIIe et XIXe siècles, l’oisiveté est le privilège des rentiers, pour lesquels travailler est signe d’infamie - songeons à ce titre aux écrits de Baudelaire ou Balzac caractérisant le dandy comme parfaitement oisif et n’ayant pour d’autre occupation que sa personne. Au lendemain de l’industrialisation cependant, il semble que nous retournions peu à peu vers l’idée de repos que vantaient tant les anciens (“Danda est animis remissio [...]” Sénèque, De Tranquillitate animi, XVII, 4-8) ; un temps de répit nécessaire, assurant à l’esprit une efficacité future, et dont il ressort (toujours selon les mots de Sénèque), “meilleur et plus affuté” (“[...] meliores acrioresque requieti surgent”, ibid).
  • La distraction : une “inattention, [une] inapplication de la pensée aux choses dont on devrait s’occuper”, ou encore le “résultat de cette inattention”. Dans cette perspective, les loisirs constituent aussi bien l’objet de la distraction que son fruit, son produit. Se présentant comme véritable échappatoire nous délivrant du joug pesant du quotidien (le neg-otium), ils sont à la fois un moyen et une fin. D’échappatoire en exutoire donc, une configuration dans laquelle le plaisir que suscite le loisir apparaît comme un détournement du souverain bien - le travail et le labeur. La distraction peut en effet être connotée négativement, comme la fuite résultant de la paresse ou de la procrastination. La distraction peut également être un fait de l’altérité : on est distrait par quelque chose, par quelqu’un. Quoique les supports servant la distraction - qu’ils appartiennent à la culture matérielle ou immatérielle - se diversifient grandement au cours des siècles, force est de constater que nous assistons à un va-et-vient cyclique des pratiques individuelles et collectives des loisirs jugés distrayants. Envisagés tout d’abord comme temps de réunion des individus (comme ce fut par exemple longtemps le cas du théâtre), nous assistons depuis le XXe siècle à l’irruption de loisirs d’ordre domestique ; lesquels suscitent une standardisation de ces distractions : c’est l’avènement de la télévision, d’internet, du flux continu d’informations que permet le smartphone - tous souvent considérés comme la plus parfaite némésis de la productivité. Il est cependant évident que ces nouveaux loisirs entraînent une autre forme de plaisir, lequel se constitue plus précisément en nouvelle interface de rapprochement des individus.
  • La contemplation : elle est le “regard ou [la] considération assidue qui met en oeuvre les sens (visuel, auditif) ou l’intelligence, et concerne un objet souvent digne d’admiration”. Un élan donc, presque synesthésique du loisir, dans lequel l’ensemble des sens est mobilisé afin de susciter le plaisir. L’objet motivant la contemplation de l’individu peut lui être présent ou non, visible de lui ou non. L’état, le loisir contemplatif s’envisage ainsi comme moyen de saisir, de percevoir le monde qui nous entoure - voire comme manière de nous l’approprier, notamment par la création artistique. Il est certes de ceux qui suscitent une émotion esthétique (songeons ainsi à la déambulation muséale), mais qui encouragent également la représentation. Le promeneur solitaire rêve ainsi à un autre monde en posant ses yeux alanguis sur les artefacts de celui qu’il arpente. Un instant de flottement, qu’il soit ou non plaisant, physique ou intellectuel, qu’il soit hors de la frénésie contemporaine ou que celle-ci en soit le sujet ; un instant infini au cours duquel ce n’est plus l’Homme qui arpente le monde, mais bien le monde qui trouve son chemin en l’Homme.  

Modalités de contribution :

Les propositions de communication (environ 500 mots), accompagnées d’une bibliographie indicative, d’une brève présentation du communicant (mentionnant notamment son laboratoire et son université de rattachement, son ou ses directeurs de recherche ainsi que, le cas échéant, une liste de travaux d’ores et déjà publiés) ainsi que d’un CV doivent être envoyées avant le 5 mars à l’adresse suivante : association.janua@gmail.com.

Une réponse sera communiquée aux intervenants retenus aux alentours du 18 mars. L'évènement se déroulera sur une journée, le repas du midi sera ainsi pris en charge par l'association, ainsi que les frais de transport des communicants voyageant en train (éventuellement en avion). Les conférences pourront également se dérouler en distanciel.

Ces journées d’études ayant à dessein de valoriser les travaux des jeunes chercheuses et chercheurs, les propositions émanant des étudiants de deuxième année de Master, des doctorants et des chercheurs en post-doctorat seront étudiées en priorité.

Les communications retenues ont vocation à être publiées l’année suivante dans la revue des Annales de Janua.

Comité scientifique :

Mathilde Carrive, HeRMA, maîtresse de conférences en histoire de l'art et archéologie antique.
Andrzej Chankowski, directeur d'HeRMA, professeur d'histoire grecque.
Pierre-Marie Joris, CESCM, maître de conférences en littérature médiévale.
Marie-Luce Pujalte-Fraysse, CRIHAM, maîtresse de conférences HDR en histoire de l'art moderne.
Thierry Sauzeau, CRIHAM, professeur d'histoire moderne.
Alexandre Vincent, HeRMA, maître de conférences en histoire romaine.
Cécile Voyer, directrice du CESCM, professeur d'histoire de l'art médiéval.

Comité d’organisation : Association Janua.

Paul WEIBEL (CESCM, Master II Mondes Médiévaux en histoire médiévale ; président).
Alexis MINAULT (CESCM, Master II Mondes Médiévaux en histoire de l’art et littérature médiévale ; vice-président).
Ilona CORDEAU (CESCM, Master II Mondes Médiévaux en archéologie médiévale ; trésorière).
Sarah MACONNERIE (CESCM, Master II Mondes Médiévaux en histoire de l’art médiéval ; vice-trésorière).
Léa DECHAMP (HeRMA, Doctorante en histoire de l’art et archéologie antique ; secretaire)
Aliénor RABEAU (CESCM, Master I Mondes Médiévaux en histoire de l’art et archéologie médiévale ; chargée de communication).
Jeanne LEDAN (CESCM, Master I Mondes Médiévaux en histoire de l’art médiéval ; responsable des sorties).
Date, lieu et format de l’évènement.

Université de Poitiers, campus centre-ville [sera précisé ultérieurement]

Semi-présentiel. Les communications pourront être assurées à distance, de même que le suivi de la journée d’études. 

Contact : Toute question peut être adressée au courriel de l'association : association [dot] janua [at] gmail [dot] com .

Bibliographie indicative

  • Ouvrages généraux.

COMTE Fernand, LUTHI Jean-Jacques et ZANANIRI Gaston, L’Univers des loisirs, Paris, Letouzey & Ané, 1990. 

LEFRANC Georges, La Vie populaire en France du Moyen-âge à nos jours, t.2, Les Loisirs, Paris, Diderot, 1965. 

TURCOT Laurent, Sports et Loisirs, une histoire des origines à nos jours, Paris, Gallimard, 2016.

PRONOVOST Gilles, Loisir et Société 3e édition Traité de Sociologie Empirique, Québec, Presses de l’Université du Québec, 2017.

  • Période antique.

BALSDON John, Life and leisure in ancient Rome, London, Bodley Head, 1969.

JALLET-HUANT Monique, Plaisirs, combats et jeux du cirque dans la Rome antique, Charenton, Presses de Valmy, 2003. 

ROLAND May, Jean-Pierre Néraudau, Michel Manson (dir.),. Jouer dans l’antiquité. Musées de Marseille, 1991.

DASEN Véronique, Marco Vespa (dir.), Jouer dans l’Antiquité classique. Définition, Transmission, Réception, Presses Universitaires de Liège, 2021.

  • Période médiévale.

BLANCHARD Ian et VAMPLEW Wray (dir.), Labour and leisure in historical perspective, thirteenth-twentieth centuries, Milano, Universita Bocconi, 1994.

MEHL Jean-Michel, Des jeux et des hommes dans la société médiévale, Paris, Honoré Champion, 2010. 

REEVES Compton, Pleasures and pastimes in Medieval England, Oxford, Oxford University Press, 1998. 

VERDON Jean, Les loisirs en France au Moyen Âge, Paris, Jules Tallandier, 1980 ; S’amuser au Moyen Âge, Paris, Seuil, 2007.

  • Période moderne.

GVOZDEVA Katja, STROEV Alexandre (dir.), Savoirs ludiques pratiques de divertissement et émergence d’institutions, doctrines et disciplines dans l’Europe moderne, Paris, Honoré Champion, 2023. 

BELMAS Élisabeth, Jouer autrefois: essai sur le jeu dans la France moderne (XVIe-XVIIIe siècle), Paris, Presses universitaires de France, 2006. 

BELMAS Élisabeth, « Les espaces du jeu à Paris du XVIe au XVIIIe siècle », dans Thierry Belleguic et Laurent Turcot (dir.), Histoires de Paris, t. 2, Paris, Hermann, 2012.

TURCOT Laurent, Le promeneur à Paris au XVIIIe siècle, Paris, Gallimard-Le promeneur, 2007.

  • Période contemporaine.

AUGER Denis, Leisure in contemporary life, Abingdon, Taylor & Francis, 2018. 

BECK Robert et MADŒUF Anna (dir.), Divertissements et loisirs dans les sociétés urbaines à l’époque moderne et contemporaine: actes du colloque Divertissements et Loisirs dans les Sociétés Urbaines, une Approche Comparative Monde Occidental - Monde Musulman, Tours, Presses Universitaires François Rabelais, 2005. 

CONDOMINAS CHRISTINE (dir.), Les loisirs au Japon:  actes du colloque Temps libre, loisirs et tourisme en France et au Japon, [Onjuku, mai 1991 et Marseille, septembre 1991, Paris, Éditions l’Harmattan, 1993.

CORBIN Alain, L’avènement des loisirs, 1850-1960, Paris, Flammarion, 2020.