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Variations autour de l'enfant sauvage (Amiens)

Variations autour de l'enfant sauvage (Amiens)

Publié le par Marc Escola (Source : Jean-Luc Guichet)

Appel à communications

Colloque

Variations autour de l’enfant sauvage 

Université de Picardie Jules Verne (Logis du Roy, Amiens)

19-20 septembre 2024

La question de « L’enfant sauvage » a eu ses heures de gloire. Trois phases en particulier se dégagent. 

Le XVIIIe siècle d’abord où l’on assiste à une étonnante prolifération des cas et des figures d’enfants sauvages (qui empruntent cependant souvent aux siècles antérieurs). Le nouvel intérêt qui leur est porté ne se réduit plus à l’anecdote ou au merveilleux des mythes et légendes et semble s’expliquer par l’heureuse rencontre de ces faits supposés avec les questions anthropologiques et épistémologiques qui travaillent en profondeur la réflexion des Lumières. L’enfant sauvage apparaît alors comme un véritable sujet expérimental permettant de faire prendre corps à des spéculations jusque-là essentiellement théoriques à propos, d’une part, de l’origine de l’humanité (en prenant plus ou moins distance avec le texte biblique) et, d’autre part, de l’origine de la connaissance et de la conscience de soi. L’attractivité de la figure est donc majeure puisque les auteurs peuvent en espérer un double bénéfice en en tirant des enseignements à la fois sur l’origine de l’homme et sur l’origine de l’esprit individuel, ce que ne permettrait pas la découverte d’un hypothétique individu sauvage adulte avec lequel il convient donc d’éviter la confusion.

Le thème connaît ensuite une certaine éclipse, du fait essentiellement, semble-t-il, du développement des sciences humaines avec la mise en œuvre d’autres moyens d’investigation anthropologique et psychologique, puis, à partir des années 1960, une relance due en particulier aux ouvrages de Lucien Malson (Les enfants sauvages, mythe et réalité, Union Générale d’Éditions, 1964) et de Franck Tinland (L’homme sauvage. Homo ferus et Homo sylvestris, Payot, 1968). 

En contraste, la période toute récente jusqu’à aujourd’hui apparaît comme un moment critique de déconstruction qui éreinte cette figure en en mettant en évidence la foncière fragilité théorique (cf. notamment Serge Aroles, L'Énigme des enfants-loups : une certitude biologique mais un déni des archives (1304-1954), Publibook, 2007, et Jean-Luc Chappey, Sauvagerie et civilisation : une histoire politique de Victor de l’Aveyron, Fayard, 2016). L’intérêt alors se déplace pour l’envisager comme symptôme, expression d’un certain moment historique qui y cristallise ses inquiétudes.

La question de l’enfant sauvage est en effet située historiquement, elle apparaît correspondre à des périodes d’interrogation de la culture sur elle-même portant à reconsidérer avec un nouvel intérêt le thème de la naturalité humaine et les réponses possibles qu’elle fournit face à ces interrogations. C’est le cas au XVIIIe siècle où la réflexion anthropologique, avec notamment Buffon, Rousseau, Diderot et Condillac, se concentre sur le rapport de la nature et de la culture tout en se nouant à des questions politiques et éducatives. C’est le cas également à partir des années 1960 dans les pays occidentaux avec une crise de confiance dans les modèles économiques, culturels et politiques portés par l’après-guerre.

Cependant, à mesure que la consistance scientifique de la figure de l’enfant sauvage est mise en question, croît en parallèle l’intérêt pour ses modes d’exploitation imaginaire, que ce soit en littérature, au cinéma ou autres. L’éventuelle déception vis-à-vis de la réalité de cette figure permet ainsi son déplacement vers ses multiples possibilités de réinvestissement en les libérant d’un rapport trop contraignant au réel.

Sans exclure d’autres aspects, tel sera le champ d’investigation central de ce colloque : explorer les variations possibles de la figure de l’enfant sauvage qui mettent en œuvre de façon diverse sa puissance de suggestion et de fascination, sans limitation de périodisation ou d’aire culturelle.

Merci de transmettre vos propositions à jean-luc.guichet@u-picardie.fr d’ici le 15 février 2024 avec un titre, un résumé de 250 mots maximum et une brève note bio-bibliographique. Ces propositions seront examinées par un comité scientifique et une réponse sera donnée au plus tard fin mars 2024.