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"Impossibles écritures du réel ? Un colloque intérieur". Conf. Francine Cicurel (Séminaire "L'écriture de la pensée", F. Noudelmann & B. Clément) — SEANCE ANNULEE

Publié le par Faculté des lettres - Université de Lausanne (Source : Bruno Clement)

CETTE SEANCE EST ANNULEE. Elle est reportée à une date ultérieure, encore indécise

Pour cette dernière séance de l'année, qui aura lieu le

vendredi 22 décembre à 14h00 (oui, 14 et non 15)

nous recevons, nous avons le plaisir de recevoir notre collègue et notre amie, Francine CICUREL, professeur émérite à Paris 3

Elle a publié cette année un livre de brefs récits qu'elle a recueillis sous le titre Et comment leur diras-tu ? Colloque intérieur (Éditions du Palio). Titre qui frappe évidemment par sa convergence avec les préoccupations de notre séminaire. Nous sommes très heureux qu'elle ait accepté notre invitation.

On trouvera ci-dessous la présentation qu'elle fait de son intervention. J'attire votre attention sur le fait que Francine souhaite que nous ayons sinon en tête du moins sous les yeux le texte de Proust qu'elle cite dans sa présentation.

Quelques rappels pratiques: la séance se tiendra à la fois dans la salle de la bibliothèque du CELLF à la Sorbonne (escalier I, 2e étage) et en zoom (activer le lien   https://nyu.zoom.us/j/98602902684   ) à 14h, donc. François, de retour de New York, sera avec nous dans la salle.

Pour entrer dans l'enceinte de la Sorbonne, il vous faudra présenter à l'entrée une invitation (en faire la deamnde à bpe.clement@gmail.com)

Bruno Clément & François Noudelmann


Présentation de la séance du 22 décembre 2023

Francine Cicurel, professeur émérite Université Sorbonne nouvelle

"Impossibles écritures du réel ? Un colloque intérieur"

 

Savons-nous ce qu'est le réel ? Une perception de l'autre, une perception de soi ? Un contexte visuel et auditif, un évènement ? Des pensées fugitives (ou non) ou des sous-conversations comme aime à les écrire Nathalie Sarraute ? Comment la littérature peut-elle englober, capter, décrire, évoquer des éléments qui sont concomitants alors qu'elle est linéaire ? C'est la question que nous allons nous poser en nous appuyant sur les propos de Milan Kundera à propos de la création artistique, sur la théorie de la mémoire involontaire de Marcel Proust, sur le statut pragmatique de la fiction selon John Searle ou encore sur les écrits du philosophe Jacques Schlanger à propos de la naissance des idées.

Cette interrogation est inspirée par l'écriture d'un livre publié en avril 2023 dont le titre est :

Et comment leur diras-tu ? Colloque intérieur (Éditions du Palio) composé de récits courts qui abordent la question de la transmission - possible ? douloureuse ? - , du lien avec la mère, avec l'enfant, de la disparition et de la réapparition par l'écriture de ceux qui nous ont quittés. Ces récits constituent comme des "évènements de mémoire" ou des " biographèmes" selon le néologisme de Roland Barthes.

Le champ de recherche universitaire de Francine CICUREL, professeur émérite à l'Université Sorbonne nouvelle Paris 3, va de la linguistique à la didactique. Mais ses intérêts de chercheuse, de lectrice, dépassent de beaucoup ces domaines: elle participe depuis 1993 aux travaux du Gradphi (Groupe de Recherche sur l'Analyse du discours philosophique); elle a publié, en plus des ouvrages de didactique et de linguistique, une Anthologie du Judaïsme, 3000 ans de culture juive, Natahn, 2007. Et plus récemment (2023), un livre de tonalité plus personnelle Et comment leur diras-tu ? Colloque intérieur (Éditions du Palio).

 

Grandes lignes de l'exposé

Un "évènement de parole"

Détour par la fiction

Littérature non fictionnelle et démarche ethnographique 

De l'activité idéelle au processus de verbalisation

Kundera: un "château de l'inoubliable".

L'association et la mémoire involontaire chez Proust

"Les vertus du minuscule" (Bruno Clément)

 

J'aurais besoin que vous ayez cet extrait de La recherche du temps perdu de Proust sous les yeux même si vous connaissez ce passage sur la fameuse madeleine

 

PROUST M. Du côté de chez Swann, (pp.45-47)

« Il y avait déjà̀ bien des années que, de Combray, tout ce qui n'était pas le théâtre et le drame de mon coucher, n'existait plus pour moi, quand un jour d'hiver, comme je rentrais à la maison, ma mère, voyant que j'avais froid, me proposa de me faire prendre, contre mon habitude, un peu de thé. Je refusai d'abord et, je ne sais pourquoi, me ravisai. Elle envoya chercher un de ces gâteaux courts et dodus appelés Petites Madeleines qui semblent avoir été moulés dans la valve rainurée d'une coquille de Saint-Jacques. Et bientôt, machinalement, accablé par la morne journée et la perspective d'un triste lendemain, je portai à mes lèvres une cuillerée du thé où j'avais laissé s'amollir un morceau de madeleine. Mais à l'instant même où la gorgée mêlée des miettes du gâteau toucha mon palais, je tressaillis, attentif à̀ ce qui se passait d'extraordinaire en moi. Un plaisir délicieux m'avait envahi, isolé, sans la notion de sa cause. Il m'avait aussitôt rendu les vicissitudes de la vie indifférentes, ses désastres inoffensifs, sa brièveté́ illusoire, de la même façon qu'opère l'amour, en me remplissant d'une essence précieuse : ou plutôt cette essence n'était pas en moi, elle était moi. J'avais cessé de me sentir médiocre, contingent, mortel. D'où avait pu me venir cette puissante joie ? Je sentais qu'elle était liée au goût du thé et du gâteau, mais qu'elle le dépassait infiniment, ne devait pas être de même nature. D'où venait-elle? Que signifiait-elle? Où l'appréhender? [...] 

Mais, quand d'un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des êtres, après la destruction des choses, seules, plus frêles mais plus vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fidèles, l'odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l'édifice immense du souvenir. 

Et dès que j'eus reconnu le goût du morceau de madeleine trempé dans le tilleul que me donnait ma tante (quoique je ne susse pas encore et dusse remettre à bien plus tard de découvrir pourquoi ce souvenir me rendait si heureux) aussitôt la vieille maison grise sur la rue, où était sa chambre, vint comme un décor de théâtre s'appliquer au petit pavillon donnant sur le jardin [...] ».

DURKHEIM E. L’évolution pédagogique en France (pp.18-19)

« car en chacun de nous, suivant des proportions variables il y a un homme d’hier ; et c’est même l’homme hier qui, par la force des choses, est prédominant en nous, puisque le présent est bien peu de chose comparé à ce long passé au cours duquel nous nous sommes formés et d’où nous résultons. Seulement cet homme du passé, nous ne le sentons pas, parce qu’il est invétéré en nous ; il forme la partie inconsciente de nous-même ».

MITTERAND H., « Retour d’un refoulé : le biographique » (pp. 21-41), à propos du biographème

« Seul ce fragment d’existence, repêché par le souvenir ou la rêverie, livré dans le brut de sa gangue, est pour Barthes authentique et significatif, tandis que la reconstitution narrative sur le long cours serait condamnée à fournir une vision mensongère, arrangée, fardée, empoissée et empoisonnée à la fois par les conventions du récit et par les stéréotypes de la doxa »

Bibliographie

BANGE P., « Argumentation et fiction », l’Argumentation, Presses universitaires de Lyon, 1981.

BUZZATI D., Le K , Laffont, 1967 (Arnoldo Mondadori Editoré 1975).

CICUREL F. & AGUILAR J. (dir.),  Pensée enseignante et didactique des langues, Recherches &Applications n°56, CLE International, 2014.

CARRERE  E., Entretien avec Nelly Kaprielan, Éditions de la Bibliothèque publique d'information, openeditions Books, 2010.

DURKHEIM E.,  L’évolution pédagogique en France, Quadrige Puf,  1938/2014.

GOODMAN N., Langages de l’art, Éditions Jacqueline Chambon, 1968, trad. fr. 1990.

KUNDERA M., Le Rideau, Gallimard, 2006.

MITTERAND H., « Retour d’un refoulé : le biographique », dans Le Roman à l'œuvre. Genèse, motifs et valeurs, dir. par Mitterand H., Presses Universitaires de France, 1998. 

PROUST  M., A la recherche du temps perdu, La Pléiade, 1968.

SEARLE J., « Le statut pragmatique de la fiction», dans Sens et Expression, Les éditions de Minuit, 1982 (trad.fr.).

SCHLANGER J., Le jeu des idées, Hermann, 2010.

TEBOUL J., « Deux écritures du réel ? », Journal des anthropologues, 148-149, 2017, p.63-82.