Les mouvements artistiques sécessionnistes (Paris, Berlin, Vienne et au-delà̀) : esthétique, psychologie, économie, politique
Colloque international
Les mouvements artistiques sécessionnistes (Paris, Berlin, Vienne et au-delà) :
esthétique, psychologie, économie, politique.
Les 4 et 5 octobre 2024
Université Gustave Eiffel, Champs-sur-Marne
Amphithéâtre Georges-Perec
Appel à communications
Ce colloque se propose de confronter dans une perspective comparée diverses tendances de type « sécessionniste » telles qu’elles se sont développées en Europe entre la seconde moitié du XIXe et le début du XXe siècles. Pour aborder ce sujet foisonnant qu’est celui des courants artistiques sécessionnistes européens, nous partiront de l’idée que ces mouvements présentent une unité constitutive et que c’est précisément la continuité de ce programme qui autorise un travail de comparaison. Dans cette perspective, les courants sécessionnistes du contexte germanique - allemand et autrichien - telles que la « Sécession » munichoise (1892), la « Sécession » viennoise (1897) et la « Sécession » berlinoise (1898) et ses homologues français (notamment, le « salon des refusés » de 1863 ou encore l’exposition collective des impressionnistes français tenue à Paris en 1874) font naturellement partie de cette enquête.
Quelles seraient alors les limites chronologiques et nationales des mouvements sécessionnistes ? Les manifestations avant-gardistes ayant lieu dans divers pays européens au début du XXe siècle peuvent-elles se soustraire aux nationalismes qui éclosent en Europe ? Ou bien restent-elles tributaires du même dispositif sécessionniste dont il s’agit d’explorer les mécanismes ? Ce processus est-il à concevoir aujourd’hui comme purement historique ? Ou s’agit-il d’un processus continu ? Retrouve-t-on le même dispositif au sein des courants artistiques sécessionnistes de nos jours ?
Ainsi, il s’agit pour nous d’examiner la continuité des mouvements sécessionniste européens au sens large, sans se poser a priori les limites chronologiques préétablies ni sans tenir compte des délimitations convenues.
Les visées esthétiques des mouvements sécessionnistes sont sans doute les plus commentées. Celles-ci sont traditionnellement définies par leur ouverture aux modernités artistiques et à la l’expérimentation formelle. Nous aimerions explorer au cours de cette rencontre d’autres pistes interprétatives moins attendus, parmi lesquelles :
Visées politiques
Les visées des courants sécessionnistes, telles qu’elles sont formulées dans les manifestes et documents issus de ces courants, cherchent à combattre le conservatisme esthétique des modèles dominants qui se fonde sur le conservatisme étatique : c’est pourquoi le mouvement sécessionniste possède dès le début des connotations politiques liées aux expérimentations avec les nouvelles formes et les nouveaux modes de transmission des arts.
Institutionnalisation de l'activité professionnelle des artistes
Le phénomène du mouvement sécessionniste souligne l'importance de l'institutionnalisation de l'activité professionnelle des artistes. L’expérience internationale de ces courants peut se lire comme une affirmation de l'importance d’une vie artistique autonome. En ce sens, il s'agit ici d'un processus marqué par des tensions et des rapports de force entre les groupements, dynamique qui détermine par la suite les futures lignes de démarcation. Cette démarcation institutionnelle - qui nécessite l'émergence de nouveaux types d’institutions - apporte un élément radicalement moderne à la vie artistique au tournant des années 1900. Elle est également un indicateur de la conscience professionnelle très développée de ses protagonistes.
Tendance aux scissions en série
La dynamique des courants sécessionnistes est telle qu'elle conduit inévitablement à d'autres scissions et à des sécessions secondaires qui ont suivi la première sécession. Cette tendance à la sécession permanente est due au mécanisme qui sous-tend le phénomène des sécessions lui-même. En effet, à Munich, Vienne, Berlin, Paris les premiers « grands » courants sécessionnistes ont été suivis de « sécessions » secondaires. Au-delà des circonstances locales et des conflits personnels, l'une des raisons de cette tendance à l'éclatement est l'hétérogénéité de la composition des membres des premiers courants sécessionnistes. Dans ces cercles se mélangeaient des artistes d'orientation modérée, à l'esthétique plutôt traditionnelle et conservatrice, et des artistes d'orientation radicale, aux tendances véritablement avant-gardistes. Cette tendance à la fragmentation sérielle reflète la logique croissante de la radicalisation du concept de forme artistique. La modernisation de celle-ci devient une exigence en soi. Les nouvelles scissions au sein des premières résultent de cette géométrie variable des avant-gardes, dont elles délimitent les configurations et les rapports de force. La dynamique de groupe contribue à rééquilibrer les champs esthétiques et économiques selon les principes du marché de l'art naissant.
Les enjeux économiques
Les enjeux économiques constituent l’un des leitmotivs de ce phénomène. La lutte pour les marchés et les espaces d'exposition reste au cœur du mouvement sécessionniste. De ce point de vue, l'opposition entre les anciennes et les nouvelles formes prend les traits d'une lutte pour le « capital symbolique ». En ce qui concerne les artistes impliqués dans ce mouvement, cette optique témoigne d'une profonde professionnalisation et d'une conscience de soi en tant qu'acteurs économiques actifs. D'un point de vue économique, le processus s'accompagne d'une série de mesures d'investissement et de mécénat, qui sont stratégiquement intégrées à la lutte pour la nouvelle esthétique. Outre la redéfinition du marché de l'art de l'époque et des relations entre la politique et l'esthétique, la stratégie sécessionniste exigeait un accès direct au public sans la médiation d'institutions officielles avec leurs filtres à la fois esthétiques et idéologiques. Le défi de ce mouvement consistait à réinventer les relations entre les producteurs d'art et leurs consommateurs. C'est ici que se révèle l'objectif vital pour les jeunes artistes appartenant à ce courant. Une telle composante matérialiste est naturelle dans la mesure où les programmes des courants sécessionnistes exigent plus qu'un simple renouvellement de l'esthétique - il s'agit pour leurs auteurs d'une nouvelle compréhension de l'existence et d'un nouveau « sentiment de vie ».
Particularités des courants sécessionnistes nationaux
Malgré les tendances universalistes, les mouvements sécessionnistes nationaux possèdent des caractéristiques spécifiques. Ainsi, on peut parler d'une grande hétérogénéité de la « Sécession » viennoise, qui reflète l'hétérogénéité culturelle et politique de l'Empire autrichien. La « Sécession » viennoise a néanmoins ses propres caractéristiques, avec un accent clairement mis sur Vienne, mais aussi sur d’autres villes de l'Empire austro-hongrois (Prague, Budapest). Une autre caractéristique des mouvements de sécession nationaux est la part respective des différents arts. Alors que la « Sécession » munichoise ainsi que la « Sécession » berlinoise étaient, du moins à leurs débuts, principalement actives dans le domaine de la peinture, la « Sécession » viennoise s'est surtout développée en tant que regroupement d'architectes et d'artistes plasticiens. Les particularités des « Sécessions » nationales se sont clairement reflétées dans les tensions et les débats autour du passage de l'impressionnisme à l'expressionnisme. La réception asymétrique de l'impressionnisme dans le champ germanique (allemand et autrichien) a influencé la dynamique du développement des courants sécessionnistes nationaux tout comme les objectifs esthétiques formulés au sein de ces courants. En témoignent aussi bien les scissions successives que les débats qui les ont accompagnées.
Naturellement, cette liste n’est pas exhaustive.
On s’attachera à restituer le projet sécessionniste européen dans sa complexité et son hétérogénéité, comme une tendance paneuropéenne fondée au croisement de nombreux facteurs et nourrie de leurs apports. Ce colloque voudrait amorcer une analyse comparée des Sécessions européennes, c’est-à-dire proposer une relecture de ce phénomène dans l’Europe du tournant des XIXe et XXe siècles. En effet, il semble qu’une lecture comparée et systématique des divers courants sécessionnistes n’a pas encore été proposée. Or, cette démarche semble essentielle pour comprendre le phénomène du mouvement sécessionniste européen et de ses enjeux esthétiques, psychologiques, économiques, politiques et épistémologiques.
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Les propositions de communication, en français ou en anglais (500 mots + bibliographie) sont à envoyer à :
eva.werth@univ-eiffel.fr martin.laliberte@univ-eiffel.fr hugo.clemot@univ-eiffel.fr serge.tchougounnikov@yahoo.fr
Date limite des propositions : le 1er mars 2024.
Réponses avant le 1er avril 2024.
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Organisation :
Eva Werth, Martin Laliberté, Hugo Clemot, Serge Tchougounnikov