Le vin dans le monde hispanique : langue, discours et représentations (XXe rencontres internationales du GERES, Rennes 2)
Les XXe Rencontres Internationales du GERES [Groupe d’Étude et de Recherche en Espagnol de Spécialité], co-organisées par ERIMIT et LIDILE (Université Rennes2), auront pour thème le vin, considéré dans toute sa complexité : produit agricole autant que produit manufacturé standardisé, bien de luxe ou produit ordinaire, source d’une activité économique importante voire objet de spéculation. Le vin est également au cœur des enjeux environnementaux et sanitaires et donne lieu à des usages culturellement variés et souvent socialement marqués, tout en étant profondément chargé de significations et de symboles.
Une place importante sera accordée à la langue du vin et à ses discours (terminologie, lexicologie, sémantique, analyse du discours, sociolinguistique). Le vin, on le sait, est un puissant déclencheur de paroles : « Les palais se mouillent et les langues se délient, ce n’est pas le moindre miracle du Vin de France – qu’il soit chaud ou frais, fluide et perlé de bulles, ou onctueux et collant légèrement aux parois de cristal – que de ressusciter la conversation française » (Colette, « Vins de France », cité dans Coutier, 2013 : 11). Au-delà des commentaires que suscite sa consommation, holistique et à visée hédonique, ou des observations associées à sa dégustation, professionnelle et analytique, le vin est au centre d’innombrables discours. Qu’il s’agisse de productions écrites ou orales, plutôt techniques et adressées aux professionnels ou à destination d’un public de simples amateurs voire de béotiens, de multiples domaines sont concernés, de la vigne au verre : viticulture, élaboration du vin, commercialisation et marketing (étiquettes, campagnes promotionnelles), perception sensorielle, œnotourisme, paysages et architecture viticoles, etc. Les problèmes, spécifiques ou non, que posent la langue et les discours du vin, concernent également la traduction et la didactique, qui doivent particulièrement tenir compte de la dimension éminemment culturelle de ce produit et de ses usages, et du fort investissement symbolique qui s’y attache.
Le colloque accueillera donc également des communications centrées sur les représentations associées au vin, qu’elles soient sociales, culturelles ou encore esthétiques. Comme les autres produits alimentaires, le vin fait l’objet de constructions psychosociales, historiquement et culturellement variables : la culture occidentale privilégie l’appréciation du vin en tant que tel (plaisir de la dégustation), alors que dans la culture traditionnelle chinoise, par exemple, l’alcool est plutôt un outil de communication et de créativité, et est intimement associé à la poésie et aux jeux (Lirong Jiang, 2011 ; Sabban, 1999). Les consommateurs latins envisagent majoritairement le vin comme un accompagnement du repas, alors que pour les Britanniques, Étatsuniens ou Néo-Zélandais, c’est plutôt une boisson à vertu socialisante, consommée en dehors des prises de nourriture (Fumey, 2007). En France, les générations nées avant 1941 conçoivent le vin comme une boisson énergétique quotidienne, la génération du Baby Boom l’associe plutôt au partage et à la gastronomie et la génération Y le perçoit comme un produit d’exception, non dénué de risques pour la santé (Lorey & Albouy, 2015).
Quant à la dimension esthétique et littéraire, il n’est nul besoin d’y insister. Le vin et la vigne sont depuis l’Antiquité une source d’inspiration inépuisable et un symbole récurrent dans le monde des arts (de la littérature au cinéma, en passant par la peinture, la musique, la photographie ou les arts décoratifs). Chacun a en mémoire des œuvres picturales célèbres où le vin est présent, voire occupe une place de premier plan (Les Noces de Cana de Véronèse, Le triomphe de Bacchus de Velázquez, Le déjeuner des canotiers de Renoir, pour ne prendre que quelques exemples unanimement connus)[1]. La littérature n’est pas en reste et de très nombreux classiques de toute époque célèbrent le vin ou en dénoncent les effets, en soulignent la dimension symbolique ou sociale, voire en font leur protagoniste principal[2]. Parallèlement, la filière vitivinicole s’implique dans le secteur artistique (arts et arts appliqués), à travers le mécénat ou en passant commande à des peintres (étiquettes de Mouton Rothschild réalisées par Dali, Braque, Miró, Kandinsky et Picasso, dès 1945 ; plus récemment, les étiquettes d’artistes locaux de la bodega argentine Navarro Correas) ou des designers (bouteille de la cave coopérative de San Vicente de la Sonsierra réalisée par David Delfín). Le secteur de l’œnotourisme, pour sa part, s’appuie fréquemment sur les figures littéraires renommées (plus que sur les productions littéraires en tant que telles) pour renforcer sa dimension culturelle[3].
Les XXe Rencontres Internationales du GERES proposent de réfléchir sur ces différents aspects et invitent à proposer des communications autour de trois axes :
Langue et traduction, Didactique de la langue de spécialité et Représentations.