Actualité
Appels à contributions
Violence et pouvoir Journées d’études des doctorant·es du Laboratoire LLSETI

Violence et pouvoir Journées d’études des doctorant·es du Laboratoire LLSETI

Publié le par Dalia Sbitan (Source : Laurie Raymond & Marcin Kurdyka )

La journée d’études des doctorant·es du LLSETI
Appel à communications 
(l’Université Savoie Mont-Blanc)

Tous les deux ans, les représentant.es des doctorant.es du laboratoire LLSETI (Langages, Littérature, Sociétés, Etudes Transfrontalières et Internationales) organisent une journée d’études interdisciplinaire à destination des jeunes chercheur·euses. Elle constitue un lieu de réflexion privilégié autour d’une thématique choisie, de sorte à réunir une communauté de doctorant.es en sciences humaines (histoire, littératures, civilisations, sciences du langage, science de l’information et de la communication, etc.). 

Pour l’édition 2024, la journée d’études des doctorant·es du LLSETI se tiendra à l’Université Savoie Mont-Blanc sur le campus de Jacob-Bellecombette (73).
***
Violence et pouvoir sont deux notions fondamentalement liées. La violence apparaît souvent comme consubstantielle à l’instauration d’un pouvoir. Ce motif se retrouve en effet dans de nombreux mythes : Rome fut ainsi fondée à la suite d’un fratricide, tandis que les souverains francs affirmaient descendre des Troyens qui fuyaient la destruction de leur cité. L’évènement qui changea radicalement la conception que l’on se faisait de la politique – la Révolution française – fut également un évènement de grande violence. Il est vrai que si le pouvoir peut user de violence pour s’établir, il a néanmoins le devoir de la réguler immédiatement : c’est pourquoi dans la plupart des sociétés actuelles, l’Etat détient le monopole de la violence légale. Toutefois et aujourd’hui encore, des manifestations de la violence institutionnelle, et notamment étatique, persistent. C’est le cas, par exemple, de la question des violences policières, systématiquement soulevée par la scène médiatique à l’issue de manifestations nationales (Gilets jaunes, Réformes des retraites) ou internationales (Black Lives Matter). « Violence » et « pouvoir » forment donc un couple qu’il convient d’interroger, non seulement du point de vue politique, mais aussi du point de vue culturel et social, aujourd’hui, et en diachronie. 

Le terme de violence renvoie d’abord à une action brutale[1], à une force exercée par une personne ou un groupe de personnes pour soumettre, contraindre quelqu'un ou pour obtenir quelque chose. Une idée de performance et de performativité émane de cette définition : la violence serait donc une action recherchant la production d’un effet sur autrui. Synonyme de brutalité, elle peut se manifester sous des formes plurielles, allant de la violence physique à la violence psychologique, en passant par la violence verbale. Le Trésor de la langue française informatisé parle d’ailleurs de violences de langage, [de] violences verbales, d’excès de langage. Effectivement, depuis 2016, un groupe de recherche pluridisciplinaire (DRAINE), travaille autour des discours de haine, des discours radicaux et autres discours polémiques en s’intéressant particulièrement à la manifestation de la violence dans la langue. 

Selon Hannah Arendt (Arendt 1972), la violence, manifestation paroxystique du pouvoir, est un instrument qui semble anéantir toute possibilité de faire communauté. Le vocable pouvoir, dans son acception verbale, désigne d’abord le fait d’être capable de faire quelque chose, mais également le fait d’avoir [de] l'autorité, [de] la puissance. Autrement dit, il s’agit d’exercer un pouvoir, parfois même une contrainte. De plus, dans son acception substantivée, le pouvoir s’avère être également un objet performatif, puisqu’il entend produire un effet, [une] possibilité d'action sur quelqu'un ou sur quelque chose. Remarquons que violence et pouvoir sont des notions qu’il semble aisé de relier. La contrainte physique, la soumission psychologique ou l’humiliation verbale, par exemple, sont toutes trois des manifestations du pouvoir par l’exercice de la violence. Ainsi, violence et pouvoir semblent intrinsèquement liés. Dans ces conditions, pourquoi n’arrivons-nous pas à éradiquer la violence de la société ?  

En réalité, la violence, omniprésente dans notre société, s’avère être un mécanisme paradoxalement sain et nécessaire (Girard 1972). En effet, René Girard l’explique par ce qu’il appelle « la logique du bouc émissaire » (Girard 1982). Celle-ci repose sur l’idée selon laquelle, puisqu’il est impossible de faire obstacle à la violence en l’affrontant directement – ce qui ne ferait qu'ajouter de la violence à la violence –, nous n’avons d’autre choix que de la différer sur un individu qui l’absorbera en sa totalité. De fait, le sacrifice et l’expulsion violente d’un bouc émissaire, désigné par la société, permet la catharsis de la violence, et donc le retour de la paix au sein du groupe. Cette violence, ainsi apposée par l’ensemble du groupe contre un individu unique, montre que la violence relève d’un enjeu fédérateur. 

Ainsi, si l’expression de la violence est essentielle au bon fonctionnement de la société, il est toutefois nécessaire qu’elle soit encadrée afin de ne pas être instrumentalisée ; tel peut être le cas lorsqu’elle est manipulée à des fins d'expression d’un pouvoir autoritaire prenant la forme de la domination, ou de de la répression. Cependant, si violence et pouvoir semblent concomitants, Jean-Claude Poizat défend l’idée selon laquelle la violence serait, en fait, la mise en lumière de l’échec du pouvoir, soit parce qu’il est exercé avec excès, soit parce qu’il est absent (Poizat 2000). Cette journée d’études sera donc l’occasion de mener une réflexion collective autour des notions de violence et de pouvoir pour tenter d’éclaircir certains points esquissés ci-dessus. 
***
Toute contribution relative aux questions de violence, traitée de façon concomitante avec celles de pouvoir sera prise en compte. Les doctorant·es externes au laboratoire et à l’Université sont vivement encouragé.es à envoyer une proposition de contribution ; cette journée n’est pas réservée aux doctorant.es du laboratoire LLSETI. Les frais de repas et d’hébergement seront pris en charge par le laboratoire LLSETI. 

Soumission des propositions

Les propositions de contributions devront faire entre 250 et 300 mots. Elles seront envoyées sous la forme d'un fichier unique comprenant le titre, le résumé, le nom de l’auteur·rice. Elles seront envoyées conjointement aux adresses suivantes : laurie.raymond1@univ-smb.fr et à marcin.kurdyka@univ-smb.fr.
Le texte sera suivi d’une courte notice bio-biblio mentionnant l’université, la composante et le laboratoire de rattachement.
Lors de la journée d’études, des interventions de 30 minutes sont prévues (15 minutes de présentation suivies de 15 minutes de discussion).
En amont de la journée, une version papier de chaque communication sera demandée (délais communiqués ultérieurement) afin de mieux préparer la discussion post-communication.
Par ailleurs, une version papier de chaque communication (amendée si nécessaire) sera demandée (délais communiqués ultérieurement) en vue de la publication des actes aux Presses Universitaires Savoie Mont Blanc. 

Bibliographie
ARENDT Hannah (1972). Sur la violence, in Du mensonge à la violence, trad. G. Durand, Paris, Calmann-Lévy, pp. 105-208.
DRAINE (2016-). Haine et rupture sociale : discours et performativité - Groupe de recherche autour des discours de haine. En ligne, [URL : https://groupedraine.github.io/index.html].
FRACCHIOLLA, Béatrice & als. (2013) (Eds.). Violences verbales. Analyses, enjeux et perspectives. Rennes : Presses Universitaires de Rennes.

GIRARD René 

  • (1972). La violence et le sacré, Grasset, Paris.
  • (1982). Le Bouc émissaire, Grasset, Paris.

LORENZI BAILLY, N., & MOÏSE, Claudine (Éds.).

  • (2021). La haine en discours (Éditions Le bord de l’eau, 2021).
  • (2023). Discours de haine et de radicalisation : Les notions clés. ENS Éditions. 

POIZAT, Jean-Claude (2000). “La violence ou la déréliction du pouvoir”. Le Philosophoire, 13, pp. 43-48. https://doi.org/10.3917/phoir.013.0043.  

Calendrier

  • 20 novembre 2023, diffusion de l’appel.
  • 31 janvier 2024, date limite de réception des propositions de communication.
  • 15 février 2024, notification de l’acceptation ou du refus des propositions de communication. 

Comité scientifique

  • Emma Bell, Directrice du LLSETI, Professeure de civilisation britannique, USMB.
  • Laurent Guichard, Maître de conférences en Histoire Romaine, USMB.
  • Marcin Kurdyka, Doctorant en Histoire médiévale, USMB et Université de Varsovie.
  • Dominique Lagorgette, Professeure en Sciences du Langages, USMB.
  • Laurie Raymond, Doctorante en Sciences du Langage et Littérature, USMB. 

Comité local d’organisation

  • Claudia D’Amelio, Doctorante en Sciences du langage, USMB et Université de Turin.
  • Aurora Giribuola, Doctorante en Littérature italienne, USMB et Université de Turin.
  • Marcin Kurdyka, Doctorant en Histoire médiévale, USMB et Université de Varsovie.
  • Laurie Raymond, Doctorante en Sciences du Langage et Littérature, USMB.
     
    Site du Laboratoire LLSETI : https://www.llseti.univ-smb.fr/web/llseti/197-presentation.php 

[1] Les passages en italiques sont des définitions empruntées au Trésor de la langue française informatisé.