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Michel Houellebecq, l'autre fils crucifié ? (Vienne)

Michel Houellebecq, l'autre fils crucifié ? (Vienne)

Publié le par Esther Demoulin (Source : Noëlle Miller)

Michel Houellebecq crucifié ?

Université de Vienne

Date limite : 31 mars 2024

Partant de l'hypothèse que la négation dans l'œuvre de Michel Houellebecq n'est pas un simple geste gratuit mais une méthode programmatique (Houellebecq 1991), quel sens dès lors donner à la négation entretenue depuis plus de trente ans ? La négation est-elle synonyme de nihilisme ou le dépasse-t-elle au contraire ?

Pour Houellebecq, la vocation singulière de l’écrivain est d’endosser tout le négatif et (peut être) de le dépasser (Houellebecq 2020, 372). Ainsi il fait porter au portrait esthétique de son personnage tous les péchés du monde jusqu’à se faire lyncher (Houellebecq 2010). Plus radicalement encore, il s'identifie au fils et se fait la parole incarnée, vivante et charnelle d’un Père muet et sclérosé (Houellebecq 2022). Ce n'est pas par hasard si au cœur de La carte et le territoire (Houellebecq 2010) également, se trouve la relation, scandée par la fête de Noël, entre un père et un fils(-artiste) qui tentent de reprendre contact. Mais la (re)naissance de Noël s’avère laborieuse et à trois reprises ils tentent de se réconcilier. Lors du premier réveillon, père et fils n'ont presque rien à se dire. Lors du deuxième Noël, ils ont une conversation échauffée et entendent résonner au loin « il est né le divin enfant » de manière très désaccordée, mais le troisième soir de Noël, le fils apprend finalement le suicide de son père par euthanasie et la réconciliation entre le Père, le fils et le Saint-Esprit n’aura pas lieu dans l’œuvre houellebecquienne. Pour réanimer la vie et rescussiter l’esprit, il faudra un travail de reconstitution de la composition même de son oeuvre romanesque, qui présente une unité (Viart/Van Wesemael 2014). Le chant de Noël se veut néanmoins être reconnu. « Il en est du royaume des cieux comme d’un coton-tige ! hurlais-je à nouveau dans la nuit. Que celui qui a des oreilles pour entendre, entende ! » (Houellebecq 2000, 78). Par-là le narrateur suggère que son œuvre est tout de même tournée vers le royaume des cieux, qu’il y a un message d’espoir à déchiffrer et qu'elle n'est pas aussi nihiliste qu'il n'y paraît à première vue. 

L'auteur lui-même est déchiré : D'un côté, le poète-philosophe proclame la « mort de l'amour », mais concède en même temps, en tant que « Zarathoustra des classes moyennes », n’avoir jamais renoncé à croire en l'amour (Houellebecq 2005, 381). Ainsi de même que Nietzsche avait annoncé « la mort de Dieu » (Nietzsche 2007) d'une part et « Dieu est sur terre » (Nietzsche 2003) d'autre part, c'est-à-dire érigé la terre (i.e. le matérialisme) au rang d’Absolu, Houellebecq est-il une fois de plus un crucifié, comme Nietzsche avait signé, endossant les contradictions d’une époque, à la fois acteur et spectateur de la mort de l'amour qu’il annonce, mais qui en même temps érige l’amour sinon au rang de Dieu, du moins en preuve ultime de l’existence de Dieu? 

Dans ce contexte, il s'agira de discuter dans quelles mesures son œuvre offre également une perspective d'espoir et de consolation, qui constitue précisément son art (Agathe Novak Lechevalier 2022). À travers le prisme de Rester vivant nous invitons à réfléchir à des pistes de lecture qui proposent de voir au-delà de la lettre pour porter son regard vers le haut comme l’écrit Saint-Paul et rendent visible l’univers invisible dont parle le Credo. Après tout, la croix est synonyme de terribles souffrances, mais aussi de resurrection et de vie nouvelle.

Les propositions pourront à titre indicatif répondre aux questions suivantes : 

Quelles sont les contradictions que Houellebecq relève dans les domaines de la politique environnementale, économique et sociale ? Comment évalue-t-il le rapport entre religion et politique en Europe et dans quelle mesure politique et religion sont-elles des piliers interdépendants de la société dans la vision houellebecquienne?

Quels sont les symboles chrétiens et leur signification que l'on peut identifier dans l'œuvre romanesque ? Comment et pourquoi, notamment sur le plan formel, la religion est-elle inscrite dans son œuvre ? 

Comment le positivisme prononcé s'accorde-t-il alors avec la religion et quel rôle jouent d'autres religions (non chrétiennes) dans l'œuvre de Houellebecq ?

Comment peut-on démontrer que le narrateur aspire paradoxalement à renouveler Noël ex negativo (puisqu'il échoue)? Dans quelle mesure les techniques de l'exégèse classique, comme la typologie biblique ou la doctrine des quatre sens de l'Écriture (parfois appelée Quadrige) sont-elles applicables aux textes ? 

Quel est le rôle ou que symbolise la femme aimée (c'est-à-dire élue) dans les romans ? Quelles capacités lui sont attribuées ?

Les propositions de 300 mots maximums (abstract) en français ou en allemand accompagnées d’une courte note biographique rédigée sont à envoyer jusqu’au 31 mars 2024 à noelle.miller@univie.ac.at. Le colloque bilingue se tiendra à l’Institut des langues romanes de l’Université de Vienne en Autriche du 4 au 6 septembre 2024 et une publication des actes est prévue.

Date de tombée : 31 mars 2024

Date de notification d’acceptation : 15 avril 2024

Bibliographie :

Nietzsche, Friedrich: Sämtliche Briefe. Band 8. Kritische Studienausgabe herausgegeben von: Giorgio Colli und Mazzino Montinari. Berlin/New York: De Gruyter 2003, S. 570-579.

-         Also sprach Zarathustra. Leipzig: Insel Verlag 2007.

Houellebecq, Michel : Rester vivant. Une méthode. Paris: Librio 1991.

-         La possibilité d'une île. Paris : Flammarion 2005.

-         La carte et le territoire. Paris : Flammarion 2010.

-         Interventions 2020. Paris : Flammarion 2020.

-         Plateforme. Paris : Flammarion 2000.

-         anéantir. Paris : Flammarion 2022.

Novak-Lechevalier, Agathe : Michel Houellebecq. L'art de la consolation. Paris : Flammarion 2022.

Viart, Bruno/ Van Wesemael, Sabine : L’unité dans l’œuvre de Michel Houellebecq. Paris : Classiques Garnier 2014.