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Le descartocène existe-t-il ? (Aix-en-Provence)

Le descartocène existe-t-il ? (Aix-en-Provence)

Publié le par Marc Escola (Source : B. Parmentier)

Journée d’étude « Le descartocène existe-t-il ? »,

Samedi 29 juin 2024

organisée par Bérengère Parmentier

pour le CIELAM, Centre interdisciplinaire d’étude des littératures d’Aix-Marseille,

et en lien avec le Master « Écopoétique et création ».

Cette journée d’études interdisciplinaire se tient à la croisée de l’histoire littéraire ou intellectuelle et des questionnements écocritiques qui marquent le champ intellectuel de notre époque. Elle se donne pour double but d’enrichir les réflexions écocritiques, en confortant leur dimension diachronique et généalogique, et de faire valoir la pertinence de ces problématiques pour une histoire des siècles classiques.

L’événement appelle une large interdisciplinarité. Il réunira, pour moitié sur invitation et pour moitié sur appel, des spécialistes de différentes disciplines (philosophie, littérature, anthropologie, histoire des idées, histoire des sciences…).

Les nombreux travaux consacrés ces dernières années aux rapports entre l’espèce humaine et le monde qu’elle habite ne s’accordent pas tous sur la chronologie de leur évolution. Le débat porte notamment sur le moment à partir duquel le rôle de l’activité humaine dans l’évolution de la planète terre est devenu prépondérant. La date de l’entrée dans ce qu’on s’accorde souvent pour appeler « anthropocène » est discutée : faut-il la situer aux débuts de l’agriculture, voire plus tôt, ou bien descendre jusqu’à la Révolution industrielle, ou même à l’ère nucléaire ? Faudrait-il l’appeler « capitalocène », en la ramenant aux commencements de l’économie capitaliste, ou « plantationocène », avec la colonisation des Amériques ?  

Parallèlement à ces discussions explicites, une sorte de datation implicite, recouvrant un schéma chronologique latent, se glisse dans un grand nombre d’ouvrages sans être toujours réfléchie. Il suffit souvent d’un nom propre, « Descartes », pour indexer un tournant majeur dans l’histoire du monde. Le nom propre peut être précisé par le terme de « dualisme », dans l’expression répandue « dualisme cartésien ». Le nom ou l’expression servent de manière récurrente à synthétiser l’idée d’un bouleversement non seulement dans les manières de penser, mais aussi dans les manières de vivre : relation aux animaux, rapport raison/rêve, rôle de la technique, objectivation du monde…

Mais de quoi parle-t-on quand on emploie ces mots ? Comment le nom d’un simple individu humain peut-il être associé à une mutation dans l’histoire du monde 

Cette journée d’étude invitera à se demander s’il y a bien un « moment Descartes », ce qui peut se lire de deux manières au moins :

- Descartes est-il « cartésien » ? le fameux « dualisme » (pensée/étendue, homme qui pense/animal-machine, nature/culture, sujet/objet…) correspond-il à une lecture pertinente de son œuvre ? Comment cette interprétation se déploie-t-elle, à quel moment, selon quelles lectures, quels usages, face à quelles contestations ?

        - Y a-t-il bien un moment « cartésien », une période (vers le XVIIe siècle ? dans les années 1630-1640 ?), où la vie humaine elle-même serait devenue « cartésienne », entrant pour toujours dans une grille « dualiste », sujets pensants et choses ou êtres objectivés se détachant les uns des autres dans l’expérience ou les pratiques communes ?

Ces deux questions en engagent d’autres. En effet, il en va du rapport entre le temps de la production de pensée et les autres échelles de l’histoire. Comment comprendre la relation qui unirait des textes de science ou de philosophie à l’évolution des pratiques industrielles, à des représentations communes, à la politique de la raison d’Etat, ou à des manières de vivre ? Comment une œuvre intellectuelle rencontre-t-elle la chronologie des voyages de découverte, du développement de techniques expérimentales, des mutations économiques, ou de l’attitude à l’égard des bêtes ? L’œuvre de Descartes pourrait-elle être cause, au moins partielle, d’une évolution globale, ou n’en serait-elle qu’un symptôme ? Quel rapport entre la rédaction et la publication des idées, et la transformation du monde ?

Il s’agit aussi de la place du singulier (un auteur, une œuvre) dans la vie des collectivités, nationales (la France) ou internationales (les collectivités lettrées). On étudiera la manière dont se construit une autorité intellectuelle, mais aussi une tradition philosophique nationale.

On s’interrogera enfin sur le rapport entre histoire et géographie des idées (pensée française vs pensée allemande, Europe vs Amazonie ou Sibérie). De ce point de vue, l’analyse pourra jeter un éclairage précis sur la vieille et complexe question complexe du « mode de pensée occidental », de son éventuelle spécificité, et de ce qu’il convient d’en faire aujourd’hui.

La portée de cette enquête est généalogique : il s’agit de se demander quel héritage nous construit, et comment nous en saisir ou nous en départir. La place de Descartes dans l’enseignement de la philosophie aux élèves français, mais aussi, dès le xviie siècle, dans l’apparition même d’une philosophie en langue vernaculaire, donne une résonance particulière à cette perspective généalogique.

Les communications donneront lieu à une publication.

Les propositions sont à adresser par courriel à l’adresse suivante : berengere.parmentier@univ-amu.fr

Envoyez avant le 10 janvier 2024 un projet d’une demi-page accompagné d’une brève bio-bibliobiographie.

La décision sera communiquée avant le 30 janvier 2024.